L’intelligence artificielle redécouvre que la Terre tourne autour du soleil

'Un philosophe donne un cours sur le modèle mécanique du système solaire en utilisant une lampe au lieu du soleil' (peinture à l'huile sur canevas, 1766) © Joseph Wright
Pieter Van Nuffel Journalist DataNews

Des physiciens suisses ont conçu un réseau neural capable de ‘redécouvrir’ les lois de la nature. Lorsqu’ils ont introduit différentes positions du soleil et de Mars par rapport à la Terre dans leur programme, c’est l’héliocentrisme qui en est automatiquement ressorti.

Alors que l’Homo Sapiens imagina des années durant que la Terre formait le centre de l’univers, l’espèce humaine découvrit il y a un peu moins de 500 ans que la planète sur laquelle elle vivait, tournait en fait autour du soleil. Entre-temps, l’intelligence artificielle à récemment redécouvert la trouvaille de l’Homo Sapiens en la comprenant.

Cela s’est passé ainsi: le physicien Renato Renner et ses collègues de l’ETH Zürich voulaient concevoir un algorithme capable de réduire de grands ensembles de données à quelques formules de base. Dans ce but, ils mirent au point un type spécial de réseau neural qu’ils baptisèrent ‘SciNet’. Les réseaux neuraux sont des systèmes autodidactes basés sur la façon dont notre cerveau humain fonctionne. C’est ainsi que les réseaux neuraux qui sont alimentés par, disons, milles photos de chat, apprennent par eux-mêmes à réduire une photo montrant des poils de moustache et des petites oreilles au concept ‘chat’. Si on lui présente ensuite une nouvelle photo d’animal, l’algorithme en question pourra dire s’il s’agit d’un chien ou d’un chat.

L’équipe de Renner utilisa un réseau neural similaire pour réduire un ensemble de données à une essence physique. Elle y associa ensuite un second réseau neural, qui utilisa l’input mathématique du premier réseau pour se livrer à des prévisions. Cela se passa assez bien, comme l’équipe le démontra sur base de quatre problèmes physiques différents. Si on fournit par exemple à SciNet les positions d’un balancier amorti à différents instants, il prévoit sans difficulté la position dudit balancier à l’instant suivant. Et si on fournit à SciNet les positions du soleil et de Mars, il est capable de déterminer où se trouveront ces corps célestes à un autre moment.

La façon dont l'homme parvient à échafauder une théorie à partir de données mesurées pour ensuite se livrer à des prévisions (à gauche), est imitée par deux réseaux neuraux combinés l'un à l'autre (à droite).
La façon dont l’homme parvient à échafauder une théorie à partir de données mesurées pour ensuite se livrer à des prévisions (à gauche), est imitée par deux réseaux neuraux combinés l’un à l’autre (à droite).© Renner et consort.

Généralement, on n’est intéressé que par le résultat d’un réseau neural (ici par les prévisions). La manière dont le réseau y arrive précisément, est en effet malaisée à connaître. Mais les scientifiques suisses ont décidé, eux, d’ouvrir la boîte noire de SciNet. Qu’en est-il ressorti? Lors du calcul des orbites des planètes, le programme avait stocké de lui-même les angles des deux planètes par rapport au soleil (et donc pas ceux du soleil et de Mars par rapport à la Terre). “Le réseau neural redécouvre le modèle héliocentrique de notre système solaire”, ont de ce fait conclu les chercheurs.

Pour les autres problèmes physiques, SciNet a également réussi à relever de pertinents paramètres (comme la fréquence d’un balancier) ou a appris par lui-même les lois de la nature (comme la conservation de l’énergie ou du moment d’impulsion) pour ensuite se livrer à des prévisions. “SciNet fonctionne exactement de la même manière qu’un physicien”, peut-on lire dans le rapport de l’équipe, qui a été agréé par des collègues avant d’être publié dans le magazine Physical Review Letters.

A Nature, Renner explique que ce genre de réseau neural pourrait à l’avenir aussi aider à résoudre les mystères de la physique moderne. Pour atteindre cet objectif, ses collaborateurs et lui tentent à présent d’en développer une version capable non seulement d’apprendre par elle-même à partir de données expérimentales, mais aussi de présenter de toutes nouvelles expériences pour tester des hypothèses.

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