Pieterjan Van Leemputten

L’infini chemin de croix d’une facture Proximus incorrecte

38 giga-octets, soit 1.638 euros. Voilà le contenu d’une facture Proximus qui a été envoyée à mon amie le 6 avril. Or quatre mois plus tard, l’opérateur refuse de reconnaître qu’il s’agit d’une erreur de sa part. Qui plus est, mon amie continue de faire l’objet de SMS concernant des factures impayées jamais reçues.

L’histoire ci-dessous remonte au printemps de cette année et concerne l’abonnement de mon amie. Initialement, le but n’était pas d’y consacrer un article, mais la situation et, surtout, la manière chaotique, avec laquelle Proximus traite les problèmes de ses clients, ont de quoi susciter des questions à propos d’une entreprise télécom qui propose la téléphonie mobile depuis plus de vingt ans déjà.

Mon amie reçoit donc le 6 avril une facture de Proximus d’un montant de 1.638 euros, parce qu’elle aurait utilisé 38 giga-octets de données. Elle n’a pas la moindre idée de la provenance d’un tel volume et se met à éplucher sa consommation, avant de demander des éclaircissements à Proximus.

L’infini chemin de croix d’une facture Proximus incorrecte

Heureusement, Proximus calme le jeu dans un premier temps. Mon amie ne devra pas verser entièrement le montant de 1.638 €. L’opérateur offre d’emblée et automatiquement un geste commercial, ce qui fait que la somme ne sera ‘plus que’ de 1.102,66. Selon la facture, il est question d’une consommation de 37.781,255 mégaoctets, chaque fois le matin et par blocs de 950 mégaoctets.

Un peu paniqués, nous examinons comment cela a pu arriver. Mon amie ne s’est pas rendue à l’étranger avec son GSM. Elle n’utilise pas non plus Netflix. Les seules vidéos qui aboutissent sur son appareil, sont liées à Instagram et à Facebook.

90 Go en 5 ans contre 38 Go en un seul mois

L’iPhone n’affiche pas par défaut la consommation du mois écoulé, mais bien la quantité de données mobiles consommées dans iOS, même si l’on change de téléphone. On en est à 90 giga-octets depuis 2013. Autrement dit: en un mois, l’appareil aurait consommé plus d’un tiers de la consommation de données totale pendant cinq ans.

L'infini chemin de croix d'une facture Proximus incorrecte
© Getty Images

Pour être certain, j’examine ma propre consommation. Je suis client chez un autre opérateur, mais nous utilisons à la maison le même réseau wifi. Je n’y vois pas de différence, ce qui fait que mon amie et moi, nous nous mettons à supposer qu’il s’agit d’une erreur de calcul de la part de Proximus. Mon amie en informe immédiatement son employeur, qui paie son abonnement. En général, elle respecte les limites de son abonnement et si elle doit parfois compenser, il ne s’agit que de quelques cents à quelques euros seulement.

Allo, le service clientèle?

Les premiers appels au service clientèle (le tout premier appel remonte au 6 avril) ne donnent pas grand-chose. ‘C’est sans doute correct, madame. Si vous visionnez par exemple des films sur votre mobile.’ On nous répond amicalement, mais pas vraiment de manière serviable. Un dossier sera bien ouvert, mais chez Proximus, on ne peut pas nous dire à quoi ces 38 giga-octets ont été consommés.

L’entreprise ne peut voir quelles applications spécifiques consomment des données. Voilà qui est étrange dans la mesure où Proximus propose elle-même pour certains abonnements de ne pas comptabiliser le trafic d’applis telles Facebook ou Whatsapp.

Au début, on ne peut même pas nous préciser, si mon amie a déjà atteint sa limite pour le mois en cours. Au troisième appel, on observe qu’un autre collaborateur y parvient, lui: ‘Je travaille ici depuis assez longtemps déjà et je connais donc mieux les systèmes’, répond-il.

Nous attendons alors plus d’éclaircissements et espérons que la situation sera rectifiée. Au bout de dix jours, le 16 avril, mon amie reprend contact et apprend que le dossier n’a encore et toujours pas été examiné, mais a à présent reçu le statut ‘urgent’. ‘Geler’ la facture en attendant, pour nous éviter des frais de rappel (ou – pire encore – la venue d’un huissier), n’est pas possible, car le délai de paiement n’est pas encore échu.

‘Urgent’ semble être une notion relative chez Proximus. En tout, nous avons pris plus de dix fois contact avec son service clientèle afin de recevoir une explication sur la manière dont l’entreprise en est arrivée aux 38 giga-octets.

Nous prenons alors régulièrement nous-mêmes contact avec le service clientèle, car ‘urgent’ paraît être une notion toute relative chez Proximus. En tout, nous avons pris plus de dix fois contact avec son service clientèle afin de recevoir une explication sur la manière dont l’entreprise en est arrivée aux 38 giga-octets,

et pourquoi l’entreprise n’a pas averti sa cliente qu’elle sortait de la limite de son abonnement. Proximus déclare en effet sur son site web qu’elle envoie des SMS d’avertissement, dès qu’un client excède son budget de 10 et de 50 euros. Ces messages, mon amie ne les a jamais reçus. Il s’agit là d’une erreur que le service clientèle a entre-temps lui-même reconnu.

‘Affaire résolue’ (pour Proximus)

Nous remarquons que le client individuel ne peut guère compter sur une réaction rapide, et nous décidons donc de passer à la vitesse supérieure. Mon amie continue d’insister auprès de son employeur que le problème n’est toujours pas résolu. Je mets moi-même le 9 mai cette histoire sur Twitter dans l’espoir d’être assez rapidement aidé via le média social.

Dans un premier temps, cela semble marcher sur Twitter. Dans un message privé, Proximus annonce qu’elle examine ce qui peut être crédité.

Plus ou moins en même temps, mon amie est informée par son employeur que le problème est résolu. Le responsable des relations, qui gère le compte professionnel de l’employeur de mon amie, annonce par mail que l’entreprise va poser un geste commercial et que la facture de 1.102,66 euros ne devra pas être payée. Mais nous, nous ne savons encore et toujours pas à quoi ont servi les 38 giga-octets en question. Proximus campe sur sa position, selon laquelle les données ont bel et bien été consommées. Mais nous sommes ravis d’être débarrassés de cette méga-facture…

Du moins le croit-on.

Mise en demeure

Deux bonnes semaines plus tard, le 25 mai, nous recevons un courrier de mise en demeure de la part de Proximus à propos du solde impayé de 1.102,66 euros. On nous donne trois jours pour payer, sous peine que le service soit ‘suspendu’.

‘Allo Proximus, c’est encore nous…’ ‘Allo l’employeur, c’est encore nous’, ‘Allo le service clientèle Twitter de Proximus, c’est encore nous…’ Comme nous connaissons entre-temps le tempo adopté par Proximus, nous tirons aussitôt toutes les sonnettes. C’est que nous voulons partir en vacances dans quelques semaines et d’ici là, nous aimerions savoir quelle épée de Damoclès est encore suspendue au-dessus de nos têtes.

Une collaboratrice nous assure ‘de ne certainement pas nous faire du souci.’ Il n’y aura rien à payer.

Le service clientèle nous annonce par téléphone la confirmation du geste commercial, qu’un accord interne a été conclu et que la note de crédit est prête. Mais elle ne peut pas nous être envoyée manuellement. Pour nous, c’est là du langage… télécom pour dire: ‘nous sommes au courant, mais pas le système, ce qui explique l’envoi d’une mise en demeure automatique’. Une collaboratrice nous assure ‘de ne certainement pas nous faire du souci.’ Il n’y aura rien à payer. Nous avons même de la chance car normalement, nous aurions dû d’abord payer, avant de réclamer l’argent en retour. Nous prenons conscience d’être traités comme de véritables… VIP.

Téléphone déconnecté

Nous prenons au mot la collaboratrice, mais c’est le calme avant la tempête. Le 5 juin, mon amie part travailler et peu après, son téléphone est déconnecté, sans avertissement ou… menace supplémentaire. Plus d’appels, de données et de SMS.

Le seul numéro qu’elle peut encore appeler, c’est celui du service clientèle. Compte tenu de nos expériences avec celui-ci, mon amie prend d’abord contact avec le département des ressources humaines de son employeur et à notre grand étonnement, l’abonnement est rétabli une heure après la plainte.

Pas de mauvaise intention

L'infini chemin de croix d'une facture Proximus incorrecte
© Getty Images/iStockphoto

Quelques jours plus tard, le porte-parole de Proximus prend lui-même contact avec moi. Il a découvert mes tweets et veut en savoir plus sur le problème. Je lui maile toute l’histoire et ajoute quelques questions à propos de la consommation data et/ou s’il est possible qu’il y ait eu une mauvaise intention de la part par exemple d’un pirate capable de déplacer sa propre consommation sur d’autres cartes SIM.

Le service presse de Proximus ne peut lui non plus donner la moindre réponse. L’entreprise ne peut voir quelles applications spécifiques consomment des données. Voilà qui est étrange dans la mesure où Proximus propose elle-même pour certains abonnements de ne pas comptabiliser le trafic d’applis telles Facebook ou Whatsapp.

La raison des blocs de 950 mégaoctets est due au fait que la consommation de données est toujours scindée en modules de 950 mégaoctets. Il semble donc qu’il s’agisse d’une consommation en continu durant tout le mois. Consommation de quoi? On ne le sait toujours pas. Pas plus d’ailleurs qu’une possible mauvaise intention.

“Selon nos services techniques, la consommation facturée ne peut provenir que de l’appareil qui était utilisé à ce moment-là avec le numéro de carte SIM qui était reliée au numéro d’appel. Un problème au niveau de l’appareil en question n’est pas à exclure, mais nous ne pouvons pas non plus le confirmer. Pour autant que nous sachions, il n’est pas possible que quelqu’un ait établi une connexion à distance et ait ainsi consommé des données du numéro d’appel de votre amie”, explique le porte-parole de Proximus.

Nouveaux rappels

Bye, bye la saga Proximus! La méga-facture ne nous poursuit plus, et nous espérons que nous avons suffisamment tiré la sonnette d’alarme. Le 8 juin, nous recevons enfin une note de crédit de 1.102,66 euros dans la boîte mail et pendant deux semaines, nous pensons que tout est résolu.

Le 21 juin, mon amie reçoit, via son employeur, un nouvel avertissement de Proximus. Cette fois, il s’agirait de deux factures impayées de 5,51 et de 22,13 euros. Nous n’avons pas la moindre idée de quoi il est question et contrôlons si toutes les autres factures des mois précédents ont bien été payées, ce qui est le cas.

Mon amie demande plus de détails à son employeur. Il n’y a pas de réaction immédiate, ce qui nous incite à penser que le problème est résolu. Jusque là, Proximus n’a elle-même jamais fait savoir par courrier ou par mail qu’une facture restait impayée. Tel était par contre le cas de la méga-facture de 1.102,66 euros.

La saga se poursuit le 20 juillet, lorsque mon amie reçoit un SMS relatif aux deux factures impayées, sauf qu’il s’agit cette fois d’un autre montant: 22,13 et 19,67 euros. L’une des deux factures impayées semble donc en un mois de temps avoir grimpé de 14,16 euros.

Les 22,13 euros, pour lesquels un SMS de rappel a bien été envoyé, semble être une erreur de la part de Proximus. Le collaborateur contacté ne souhaite pas le confirmer par mail, mais déclare qu’il a introduit les notes de l’entretien téléphonique dans le système.

23 juillet: mon amie prend (provisoirement) un dernier contact téléphonique avec le service clientèle pour recevoir des éclaircissements sur les trois différents montants. Pour les 5,51 euros impayés, dont elle a été informée par son employeur, le collaborateur de Proximus n’est pas au courant. Aucun SMS n’a été envoyé, et cela ne figure pas dans le système de Proximus. Néanmoins, le montant a bien été mis sur mail par un autre collaborateur de Proximus et envoyé à l’employeur.

Les 22,13 euros, pour lesquels un SMS de rappel a bien été envoyé, semble être une erreur de la part de Proximus. Le collaborateur contacté ne souhaite pas le confirmer par mail, mais déclare qu’il a introduit les notes de l’entretien téléphonique dans le système. Un litige pourrait alors intervenir au cas où d’autres collaborateurs de Proximus se rendraient compte que ce montant a été facturé indûment. Hourra!

Toujours pas quitte!

Selon le même collaborateur, le montant de 19,67 euros est un reliquat de la méga-facture de 1.102,66 euros. Il faut le payer. Le mois passé, nous avons toutefois reçu une note de crédit du montant complet de la méga-facture. Autrement dit: Proximus ne souhaite pas rectifier sur papier le rappel envoyé erronément (pour les 22,13 euros), mais la note de crédit de 1.102,66 euros que nous avons bien reçue sous forme papier, peut être complétée unilatéralement d’une facturation supplémentaire.

Si vous souhaitez prendre contact avec le service clientèle de Proximus, mieux vaut prendre des jours de congé, afin de mener à bien la mission.

Honnêtement, nous ne savons plus pour l’instant où nous en sommes. Devons-nous encore nous battre pour un montant de 19,67 euros? Par principe oui, par lassitude non. Aurons-nous bientôt encore droit à un rappel d’une facture impayée, correcte ou non? La clientèle de Proximus est-elle gérée par un comique qui joue au ‘vogelpik’ à propos des montants à facturer et des réponses à fournir aux consommateurs? Voilà autant de questions qui restent sans réponse.

On pourrait encore appeler le service clientèle. On pourrait encore attendre que le numéro de mon amie soit déconnecté et on pourrait encore se lamenter sur Twitter. Mais on aimerait surtout facturer à Proximus toutes les heures passées à tenter de résoudre le problème.

Il y a une chose dont nous sommes sûrs: si vous souhaitez prendre contact avec le service clientèle de Proximus, mieux vaut prendre des jours de congé, afin de mener à bien la mission. Une fois qu’il s’agit d’une erreur de facturation, les problèmes sont ‘infiniment proches’, pour reprendre le slogan de l’entreprise.

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