L’Argentine utilise l’intelligence artificielle pour contrer le moustique tigre

Le moustique aedes aegypti © REUTERS

Un groupe de chercheurs argentins est capable de prévoir grâce à l’intelligence artificielle les endroits où se manifestent les moustiques appelés aedes aegypti. Ceux-ci sont porteurs de virus provoquant des infections du genre dengue, chikungunya et zika.

Les modèles que les chercheurs ont développés, résultent de données environnementales telles la température, la pluviosité et la végétation, qui ont été puisées dans les informations fournies par des satellites. Les données ont alors été comparées au nombre d’oeufs de moustiques découverts sur le terrain.

L’étude a été effectuée dans la ville de Tartagal, dans la province de Salta au nord de l’Argentine. Les chercheurs y ont placé des pièges à oeufs de moustiques et y ont effectué des mesures hebdomadaires. Ces mesures ont aidé les mécanismes prévisionnels artificiels à s’affiner. Le but était de pouvoir dresser une carte des risques pour l’ensemble du pays.

L’apprentissage machine pour prévoir les épidémies

Les résultats des tests ont été publiés dans la revue Acta tropica. “L’article est consacré à la façon dont on exploite l’apprentissage machine en épidémiologie. Il s’agit en l’occurrence d’un instrument très puissant permettant d’évaluer et de prévoir le comportement”, déclare John Scavuzzo, chercheur à l’université nationale de Córdoba et l’un des auteurs de l’étude.

“Nous avons comparé des modèles linéaires avec des modèles créés par des réseaux neuraux artificiels. Lors de la prévision du nombre d’oeufs de moustiques, ces derniers modèles ont montré clairement davantage de corrélations avec ce que nous avons vu sur le terrain.” Selon Scavuzzo, ce type de modèle est déjà validé par des techniques statistiques et peut s’appliquer dans n’importe quel environnement urbain.

Des pièges à oeufs pour former le réseau neural

Le travail sur le terrain a été réalisé par des chercheurs de la Fundación Mundo Sano (fondation pour un monde sain), une organisation privée qui collabore depuis plus de dix ans déjà avec des scientifiques qui analysent le comportement des moustiques dans le but de reduire l’impact de maladies négligées. “Au fil des ans, nous avons collecté une importante série de données grâce aux pièges à oeufs placés dans des villes comme Clorinda (Formosa) et Puerto Iguazu (Misiones), selon Manuel Espinosa, coordinateur au sein de la fédération du département des maladies provoquées par les moustiques.

Dans la ville de Tartagal, le système de contrôle se composait de capteurs (pièges à oeufs) placés à des endroits où les moustiques aedes aegypti pondent leurs oeufs. Le contrôle a été effectué entre août 2012 et juillet 2016 dans 50 habitations. Dans chacune de celles-ci, deux pièges à oeufs avaient été installés (un à l’intérieur et l’autre à l’extérieur), conformément aux directives de l’organisation mondiale de la santé, afin de contrôler la présence de moustiques. Chaque semaine, les pièges à oeufs étaient ramenés en laboratoire pour compter les oeufs.

L’introduction de ces données dans un ordinateur a permis de former un réseau neural qui génère des algorithmes avec lesquels on peut estimer combien d’oeufs sont pondus chaque semaine en un lieu précis sur base de variables climatologiques. “Avec ces modèles, le réseau apprend à partir de résultats bien réels, en tire une valeur qu’il compare ensuite, avant d’adapter l’algorithme en conséquence, afin que la machine apprenne et s’ajuste d’elle-même”, prétend Espinosa.

Prévenir les aires de reproduction

Nicolas Schweigmann, chercheur indépendant du groupe d’étude des moustiques à l’université de Buenos Aires, explique que le travail scientifique de ses collègues est intéressant du fait qu’ “il modélise les conditions environnementales et tente de découvrir dans quelle mesure ce milieu est favorable aux moustiques porteurs d’un virus de maladie”.

Mais il y distingue aussi des limites: “On ne considère ainsi pas la véritable dynamique du moustique porteur du point de vue du changement du nombre d’aires de reproduction existant dans les quartiers urbains.”

Des programmes de prévention ont dans le passé précisément eu comme objectif d’éviter les jardinières et autres lieux aqueux où les moustiques peuvent se nicher. “Or cela dépend de facteurs sociaux et économiques, et des gens. Ainsi que de la valeur du programme anti-dengue appliqué dans chaque ville. C’est une question d’éducation environnementale”, conclut Schweigmann.

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