Interview: voici comment GTT compte aller de l’avant avec ou sans Interoute

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Pieterjan Van Leemputten

Interoute fait partie depuis un an et demi de GTT. Or GTT veut revendre une partie substantielle de l’infrastructure rachetée. A l’avenir, le focus reposera sur une organisation flexible, qui entend répondre aux besoins réseautiques des multinationales, mais avec son propre réseau dorsal.

Data News a rencontré Michel Verwaerde, responsable belge il y a quelques années d’Easynet, qui fut ensuite rachetée par Interoute, laquelle fut à son tour reprise par GTT. Mais GTT laissa entendre en novembre dernier qu’elle allait rechercher un acheteur pour sa division infrastructures, dont font partie la fibre optique européenne et l’équipement pour centres de données. Tous des éléments qui sont venus s’ajouter suite au rachat d’Hibernia Networks et d’Interoute.

Votre ex-employeur a été racheté et a aussitôt exprimé le désir de revendre une partie de la structure. Quel est donc le projet sous-jacent?

VERWAERDE: “Easynet (qui fut précédemment reprise par Interoute, ndlr) était un fournisseur de services pour multinationales possédant un réseau DSL en Europe et exploitant donc le réseau en cuivre d’autres fournisseurs. Interoute, qui racheta Easynet en 2015, était une entreprise de produits. Du sol jusqu’au nuage, elle a investi dans la fibre optique européenne et les centres de données. Suite à la reprise de GTT, cette infrastructure européenne fut ajoutée à celle des réseaux dorsaux et des câbles sous-marins de GTT. Et récemment, KPN International est encore venue s’y ajouter.”

Pour les activités qui sont les nôtres, nous ne devons pas être propriétaires de cette infrastructure.

“L’infrastructure était importante pour Interoute, mais la vision de GTT est différente. En raison des rachats, pas mal de choses au niveau de l’infrastructure sont venues s’ajouter. Mais pour les activités qui sont les nôtres, nous ne devons pas être propriétaires de cette infrastructure. On peut se contenter d’un modèle de location avec lequel nous desservons nos clients.”

Michel Verwaerde
Michel Verwaerde© GTT

GTT veut connecter tout le monde, mais ne doit-elle pas forcément disposer de sa propre infrastructure pour ce faire?

VERWAERDE: “Il ne faut pas posséder une telle infrastructure pour pouvoir fournir des services. Nous conserverons notre réseau dorsal Tier 1, qui n’est pas à vendre. C’est précisément ce backbone Tier 1 IP global qui garantit aux clients une qualité constante. Pour tout le reste, nous ne devons pas être propriétaires. Nous examinons ce qui marche sur le marché et à quel prix, afin de faire une proposition compétitive à nos clients.”

Nous ne voulons absolument pas concurrencer AWS ou Azure.

“La stratégie, c’est que nous n’avons pas besoin de posséder notre propre infrastructure. Telle est la grande différence avec Interoute et Easynet. Mais nous continuons d’y capitaliser. Nous ne voulons absolument pas concurrencer AWS ou Azure. Nous ne le pourrions du reste pas.”

“Mais nous continuerons d’offrir un service bout-à-bout, par lequel nous pourrons réduire les coûts, jouer à fond la carte de notre réseau dorsal et mieux réagir aux changements sur le marché. A propos de ce dernier point, les entreprises auront justement besoin d’un partenaire fiable pour leur architecture de réseau, afin que tout un chacun dans le monde puisse accéder à ses applications professionnelles.”

En ‘software-defined’, nous ne fournissons plus de routeurs Cisco aujourd’hui, mais bien un serveur Dell spécifique, où l’ensemble du routage est commandé à partir du logiciel.

Votre force réside-t-elle donc d’une part dans le backbone et d’autre part dans la consultance? De quoi se défaire de l’ensemble des activités réseautiques?

VERWAERDE: “Oui, c’est du bout-à-bout. Nous achetons le last mile localement chez Proximus, Orange ou Telstra et nous l’associons à notre réseau dorsal. En ‘software-defined’, nous ne fournissons plus de routeurs Cisco aujourd’hui, mais bien un serveur Dell spécifique, où l’ensemble du routage est commandé à partir du logiciel.” Cela génère une simplification dans la commande de toutes les fonctionnalités du réseau, une vitesse supérieure et une flexibilité permettant de réagir à tout changement chez le client.”

L’activité principale est-elle donc surtout le support technique?

VERWAERDE: “Mais renforcé par une qualité bout-à-bout et une vision pour le client de la façon dont son application peut tourner de la manière le plus performante et la plus sûre possible. C’est du ‘platform-based’. Si demain, un client nous quitte ou s’il veut changer de vendeur de sécurité, il nous sera possible de mettre en oeuvre le software de ce nouveau vendeur et ce, sans devoir acheter et déployer du matériel physique. C’est dans ce service que nous voyons notre création de valeur.”

Quelle infrastructure GTT possède-t-elle actuellement en Belgique?

VERWAERDE: “Au niveau de la fibre optique, c’est très limité. Il y a quelques PoP. Nous avons un centre de données à Merelbeke et un autre à Zaventem, où nous proposons entre autres des solutions de reprise après sinistre.”

Quelles entreprises ciblez-vous aujourd’hui?

VERWAERDE: “Les global companies. Dès que des entreprises ont un objectif européen, elles regardent plus loin que, disons, Proximus, Telenet ou KPN. Cela peut être assez rapide. Avant, une entreprise avait peut-être un ‘nearshoring’ en Europe de l’Est, mais aujourd’hui, beaucoup d’entreprises disposent partout d’un marché et de collaborateurs.”

Nos clients sont quasiment tous plus grands que nous, sans pour autant être des numéros un.

Possédez-vous beaucoup de clients belges?

Si demain quelqu’un s’installe dans la pampa argentine et que trois clients y exploitent quelques kilomètres de fibre optique, nous pouvons tout autant les accueillir.

VERWAERDE: “Certainement, comme Barry Callebaut par exemple. L’entreprise est présente tant en Europe qu’en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Ses installations de production débutent quasiment chez le cacaoyer, qui doit donc être connecté. On atteint ainsi parfois les plus singuliers des endroits. Mais ces acteurs recherchent précisément quelqu’un d’agile et capable d’assurer la connectivité du dernier mile même dans ce genre d’endroit improbable. Il n’est pas anodin que ce genre d’acteur en impose car nos clients sont quasiment tous plus grands que nous, sans pour autant être des numéros un.”

Dans chaque coin, avez-vous un partenaire local pour ce dernier mile?

VERWAERDE: “Actuellement, nous avons 3.500 local access providers connectables à notre réseau dorsal. Mais cela ne prend que deux semaines pour en accueillir un nouveau. Si demain quelqu’un s’installe dans la pampa argentins et que trois clients y exploitent quelques kilomètres de fibre optique, nous pouvons tout autant les accueillir.”

“Nous assurons aussi la connectivité pour Vandemoortele, Puratos, La Lorraine Bakery Group et Lotus Bakeries. Si ces firmes veulent lancer un nouveau produit sur un nouveau marché, leur IT – et par conséquent le réseau – doit pouvoir le permettre rapidement.”

Y a-t-il un… modèle d’alimentation dans votre clientèle?

VERWAERDE: “Nous avons d’autres clients aussi, vous savez, tels Sibelco, Toyota Europe, Terumo Europe,…”

Le segment ciblé par GTT ne se compose pas de milliers d’entreprises en Belgique.

VERWAERDE: “Sur les cent-cinquante, 10-12 sont clientes chez nous. Notre part de marché est assez restreinte, mais cela signifie aussi que nous pouvons encore la doubler. Or les conditions sont optimales pour y arriver. Le ‘software defined’ devient plus mature, et la demande ne fait que croître. En même temps, nous avons à présent un nouveau profil capable d’envisager du global, alors qu’avant, en tant qu’Interoute, nous étions plutôt européens. Sans GTT, nous aurions à l’avenir été probablement moins consultés par une firme comme Barry Callebaut, parce que nous étions surtout actifs au niveau européen.”

Nous ne possédons en réalité qu’un pour cent du marché, mais cela nous offre aussi des perspectives, car nous essayons ainsi de ne pas nous comporter comme une sorte de géant.

GTT concurrence BT, AT&T, Verizon, NTT (l’ex-Dimension Data, ndlr), comment vous distinguez-vous d’acteurs nettement plus grands que vous?

VERWAERDE: “Nous ne possédons en réalité qu’un pour cent du marché, mais cela nous offre aussi des perspectives, car nous essayons ainsi de ne pas nous comporter comme une sorte de géant. Ces entreprises sont certes plus grandes, mais elles ont aussi souvent des activités sur le marché à la consommation ou dans les médias. Dans ce cas, la connectivité B2B est souvent le parent pauvre, et l’attention est accordée aux différentes activités. Ce genre d’entreprise est aussi moins rapidement réactive au changement et à l’innovation. Nous, nous misons sur la simplicité, la rapidité et l’agilité, certes encore et toujours au niveau global, mais avec une approche claire et rapide sans processus inutilement complexes.”

Nous ne voulons pas exclure des rachats, mais pour l’instant, nous nous concentrons sur les intégrations.

GTT va-t-elle effectuer d’autres rachats ou se concentrer sur la revente de parties superflues?

VERWAERDE: “GTT a crû via des rachats, souvent financés avec de l’argent externe, et nous avons promis aux actionnaires de nous focaliser à présent sur une croissance organique. Nous ne voulons pas exclure les rachats, mais pour l’instant, nous nous concentrons sur les intégrations, afin de pouvoir continuer d’y capitaliser et de pouvoir en 2020 progresser sans nouveaux rachats.”

“Nos équipes de vendeurs seront également étoffées pour passer de 320 début 2019 à 500 d’ici la fin de 2020. En Belgique aussi, trois personnes viendront renforcer l’équipe existante, non seulement parce que nous proposons aujourd’hui une plus large gamme, mais aussi pour ne pas perdre de clients.”

“Y aura-t-il encore des rachats? Oui, s’ils se justifient et parce qu’il y aura encore pas mal de consolidation sur le marché. Ainsi que des changements tels la 5G, car c’est là aussi un service que nous voulons fournir. Nous n’allons pas investir dans la 5G, mais bien l’intégrer dans nos solutions. Cela nous donnera suffisamment de possibilités d’effectuer plusieurs rachats intelligents, ne serait-ce que sur base de la localisation, de la connaissance ou des clients. Mais la priorité numéro un est à présent la croissance organique, tout en montrant à nos actionnaires et clients que nos intégrations sont assimilées. Si nous voyons ensuite des opportunités, cela pourrait se traduire par de nouveaux rachats.”

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