Icann: le ministère américain du commerce vocifère, puis calme le jeu

Frederik Tibau est rédacteur chez Data News.

Lawrence Strickling, le directeur télécoms du ministère américain du commerce, a adressé de sévères critiques à l’encontre du fonctionnement de l’Icann lors de la cérémonie d’ouverture de la 40ème réunion Icann à San Francisco.

Lawrence Strickling, le directeur télécoms du ministère américain du commerce, a adressé de sévères critiques à l’encontre du fonctionnement de l’Icann lors de la cérémonie d’ouverture de la 40ème réunion Icann à San Francisco. En même temps, il a insisté aussi sur le fait que l’administration Obama restait favorable au modèle ‘multi-stakeholder’ de l’organisation.

Ces jours-ci, l’Icann est fortement sous pression. De plus en plus de voix se font entendre pour que soit retirée à l’organisation la responsabilité des noms de domaine. Les Nations Unies sont le plus souvent citées comme une alternative.

Ces dernières semaines, la pression a augmenté de plusieurs crans. Le GAC (l’organe-conseil au sein de l’Icann, où siègent les différents gouvernements) souhaite en effet disposer de plus de pouvoir et exige que l’Icann Board tienne davantage compte des desiderata des autorités. Durant une réunion organisée à Bruxelles, il y a deux semaines, l’on avait sérieusement débattu d’une série d’objections que le GAC avait formulées lors de l’introduction des nouveaux domaines de top level. Le ministère américain du commerce, emmenant dans son sillage différents plus petits pays, exigea même un ‘veto’ vis-à-vis des nouveaux suffixes internet (un veto qui a été entre-temps rejeté).

La cérémonie d’ouverture de la 40ème réunion Icann de San Francisco porta quasi entièrement sur la relation entre l’Icann et les autorités. L’on y fit aussi plusieurs fois référence à une révision de l’important contrat conclu entre le ministère américain du commerce et l’Icann à propos d’IANA (Internet Assigned Names Authority, en quelque sorte le comptable d’internet), plus tard cette année.

Rod Beckstrom, le CEO de l’Icann, a attiré l’attention de l’administration Obama sur le fait que lors de la naissance de son organisation en 1998, l’on avait promis de transférer entièrement à terme la gestion d’IANA à l’Icann. Beckstrom se fit aussi le défenseur d’une internationalisation plus poussée du gestionnaire du système des noms de domaine. Il est préférable que le lien le plus souvent critiqué entre l’Icann et le gouvernement américain soit entièrement coupé, a-t-il encore ajouté.

Aujourd’hui, c’est ce lien qui pose vraiment problème. Mais l’on voit aussi apparaître d’autres scénarios destinés à… assouplir le lien entre l’Icann et les Etats-Unis. Comme le renforcement demandé du GAC pour ne citer que celui-là.

Beckstrom a pris la parole immédiatement après que Lawrence Strickling se soit adressé aux 1.700 personnes présentes. Le directeur télécoms du ministère américain du commerce n’a pas manqué d’exprimer de sérieuses critiques. Même s’il a souligné à plusieurs reprises que l’administration Obama reste favorable à l’approche ‘bottom-up’ (ascendante) et au modèle ‘multi-stakeholder’ de l’Icann, et que le gouvernement américain ne veut rien savoir d’un modèle qui soit géré par les Nation Unies, il a tiré à boulets rouges sur les procédures décisionnelles opaques au sein de l’organisation.

Strickling a reproché à l’Icann Board de choisir des gagnants et des perdants lors de la prise de décisions à propos desquelles aucun véritable consensus n’existe entre les différentes parties prenantes (‘stakeholders’). Il s’est ainsi référé à l’intégration des ‘registries’ et des ‘registrars’, et au débat concernant les études économiques sur l’impact des nouveaux suffixes internet (gTLD).

La critique vis-à-vis des procédures décisionnelles opaques au sein de l’Icann n’est évidemment pas neuve, mais bien le fait que quelqu’un du ministère du commerce en parle ainsi publiquement. La réponse de Beckstrom a été d’ailleurs tout aussi directe. Le CEO a invité toutes les personnes présentes à faire du lobbying auprès du ministère du commerce, afin que le lien entre l’Icann et le gouvernement américain puisse être tranché.

Il est donc manifeste que la prochaine révision de l’accord entre l’Icann et le gouvernement au sujet d’IANA s’annonce ardue. Il n’y a même pas trois semaines, l’équipe de Lawrence Strickling émettait encore l’idée de subdiviser IANA en trois entités différentes.

Personne d’autre que Vint Cerf ne pouvait mieux expliquer combien cette idée était saugrenue et qu’il était préférable d’abandonner la piste du contrat avec le gouvernement américain. “Un simple accord de collaboration entre le ministère du commerce et l’Icann est assurément une meilleure option, si l’on veut faire taire les esprits critiques”, estime le père d’internet.

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