Guido Lemeire (CIO de la SNCB): ‘La libéralisation est le moteur du changement’
Guido Lemeire est le nouveau CIO of the Year. En tant que CIO de la SNCB, il mène une véritable course à la numérisation aux chemins de fer. ” Une nécessité absolue “, estime-t-il.
Vous qualifiez vous-même la numérisation de la SNCB comme l’une des transformations les plus passionnantes de Belgique. Expliquez-vous?
GUIDO LEMEIRE: A l’instar d’autres compagnies des chemins de fer en Europe, la SNCB est une organisation historique gigantesque et au passé très riche. La SNCB et le gestionnaire du réseau Infrabel constituaient jusqu’en 2005 un seul grand ensemble, associé à une structure de holding, mais l’Europe a décidé alors de scinder la gestion de l’infrastructure et l’exploitation, tout comme dans le secteur énergétique. La scission de l’IT a été décidée en 2014 et a été effective en 2018. Cela signifie notamment que nous avons dû retirer nos applications tournant chez Infrabel pour les gérer en interne.
La transformation numérique signifie également la nécessité de numériser une vieille organisation qui était surtout basée sur le papier, avec les processus associés. Lorsque nous avons débuté en 2018, nous avons par exemple fourni pour la première fois une adresse mail de l’entreprise à nos 9.000 collaborateurs sur le terrain. La base se situe donc dans la numérisation d’un vieux secteur industriel.
Par où avez-vous commencé?
LEMEIRE: Nous avons d’abord numérisé ces processus papier. Pour ce faire, nous avons travaillé par groupes. L’un des premiers était par exemple les conducteurs de train. Nous avons analysé leurs procédures de travail expliquées sur papier. Nous les avons ensuite traduites en logiciel tout en adaptant ces processus métier, ce qui a impliqué pas mal de changements pour ces personnes. Pour citer un exemple: un conducteur de train qui circulait par le passé d’Eupen à Ostende remplissait tout sur papier. Ce document était ensuite glissé dans une enveloppe brune puis était transférée à Bruxelles dans nos systèmes. Lorsque l’on numérise tout, le processus s’en trouve fortement modifié. Il s’agit donc également d’une transformation en profondeur puisque les processus sont adaptés. Tout ce qui est fait sur papier est converti à chaque fois en logiciel.
Au départ des processus métier adaptés, nous avons ensuite développé des applications. C’est ainsi que nous avons également numérisé le travail des accompagnateurs de train, tout ce qui concerne les RH, le marketing et les ventes, afin d’intégrer aussi les clients finaux dans la boucle. Au plan structurel, nous avons procédé à chaque fois de manière identique: nous prenons un groupe cible, analysons le processus métier avant de le traiter.
Ces nouveaux systèmes numériques fonctionnent-ils également en cas d’urgence, par exemple si le wi-fi est en panne?
LEMEIRE: Nous sommes une infrastructure critique nationale. En cas de circonstance majeure, nous devons veiller à ce que les chemins de fer belges fonctionnent. Au niveau logiciel, nous prévoyons encore toujours des alternatives. Ainsi, si la 4G ne fonctionne pas, les gares en reviennent par exemple au wi-fi. Par ailleurs, nous disposons d’un ‘repli’ sur des flux papier adaptés. Prenez LINDA, la nouvelle procédure de départ des trains. Celle-ci est entièrement numérique. Elle fonctionne sur la montre intelligente de l’accompagnateur de train et la tablette du conducteur. Si la 4G et le wi-fi ne sont pas disponibles, on en revient à une procédure de départ manuelle qui est d’ailleurs régulièrement mise à jour et pour laquelle des formations sont données afin que le train puisse partir quoi qu’il arrive. A ce moment, il n’est certes plus possible d’acheter son billet dans le train. Mais une telle situation reste acceptable. Ce sont des choix que nous avons faits, car notre mission consiste prioritairement à veiller à garantir la sécurité du transport des passagers.
Vous menez 6 projets de transformation en parallèle. Pourquoi un tel défi?
LEMEIRE: C’est arrivé par pure nécessité. L’arrêté royal de 2014 portant sur la scission d’Infrabel et de la SNCB nous imposait de finaliser l’opération pour la fin de 2019. Finalement, nous avons pu terminer cette scission en juin de cette année. Il faut savoir en outre que le trafic national de passagers sera libéralisé en 2023. Comme nous étions assez juste au niveau de la scission, nous disposons désormais de 3 ans pour nous préparer à l’arrivée sur le marché d’entreprises commerciales comme Deutsche Bahn ou NS. Cela nous a mis la pression. Il est encore difficile de savoir ce que la libéralisation impliquera, mais nous nous préparons à tous les scénarios possibles. Ceci explique l’accélération de la numérisation.
Les 6 projets de transformation de la SNCB
1. Scission entre Infrabel et la SNCB, avec migration associée.
2. Une seule architecture IT de référence. ” Nous gérons pour l’instant 2.600 applications. De par l’historique, il arrive que 3 ou 4 applications aient la même fonction. Nous allons les rationaliser afin d’en réduire drastiquement le nombre et de limiter le coût total de l’IT. ”
3. Un nouveau modèle opérationnel, en partie externalisé à TCS. ” C’est la première fois que nous externalisons. Cela implique la mise en place de nouvelles méthodes de travail. ”
4. Une organisation orientée processus. ” A présent que nous utilisons l’externalisation, il faut travailler sur la base de processus. Les gens font la différence, mais il faut bien connaître sa place au sein du processus, tandis que tout doit être prévisible. ”
5. Approche ‘cloud first’. ” En l’occurrence, les principaux axes sont le ‘time to market’ et l’évolutivité. Le métier de la SNCB est pour moitié très stable, tandis que l’autre moitié est très volatile. Il suffit qu’une personne circule sur les voies pour que les gens se mettent à utiliser nettement plus leur appli mobile. Le cloud nous donne donc cette flexibilité. ”
6. Changement de culture chez Ypto (le département IT de la SNCB). ” Travailler avec une société offshore indienne est un véritable choc culturel qui se doit d’être accompagné. Par ailleurs, il faut introduire en interne une mentalité plus proche de celle du secteur privé. Plus rigoureuse, davantage orientée vers le client et où le moindre euro compte. ”
Comment réussir à combiner le tout?
LEMEIRE: Cela induit beaucoup de stress, également chez nos collaborateurs. Un contexte de secteur public est très particulier et génère aussi de la pression puisque c’était la première fois que nous externalisions. Tout est vraiment nouveau. Mais si vous pouvez donner continuellement la même image aux gens afin que chacun puisse voir comment avancer, vous parvenez à les garder. Nous attachons beaucoup d’importance à fêter nos succès. Jusqu’il y a 3 ans, l’IT de la SNCB n’était pas toujours vue de manière positive. En interne, les gens étaient parfois perçus comme le département qui n’était pas en mesure de délivrer. Nous avons désormais renversé la vapeur pour en faire une organisation à valeur ajoutée, qui n’est plus un risque mais un facilitateur d’une structure moderne tournée vers le client. Si vous pouvez convaincre les gens qu’ils ne sont plus ‘un problème’, mais ‘une solution pour un mastodonte comme la SNCB’, même en gérant 6 projets en parallèle, vous pourrez en tirer une grande énergie.
Cela donne de la confiance…
LEMEIRE: Cela donne surtout de la fierté dans le travail et la conviction qu’il est possible de faire autrement. Certains de mes prédécesseurs voyaient à court terme, d’où la difficulté de mettre en place des grandes stratégies de manière cohérente. Cela fait maintenant 2 ans et demi que je tape sur le même clou et il commence à s’enfoncer. Du coup, les gens finissent aussi par y croire.
Quelles sont les implications de l’ensemble de ce processus sur le dorsal?
LEMEIRE: Nous optons pour le ‘cloud first’, mais nous avons également construit un centre de données à Zaventem. Nous avons migré là les applications qui ne sont pas vraiment techniques et peuvent aller dans le cloud. Quant aux applications qui pouvaient aller directement dans le cloud, nous les avons également déplacées là-bas. Reste un groupe intermédiaire. Pour les applications qui doivent pouvoir ‘upscaler’, comme la planification de trajet ou une appli mobile, et qui peuvent être migrées dans le cloud sans beaucoup d’adaptation, nous les avons adaptées et déployées dans le cloud. Toutes les grandes applications récentes en matière de conduite de train, d’accompagnement de train, de marketing et ventes, de vente de billets et autres sont désormais dans le cloud.
Les voyageurs vont-ils s’en apercevoir vraiment?
LEMEIRE: Nous avons déjà réalisé de belles choses, ensemble avec nos collègues de la direction du marketing et des ventes. Le site Web a été rénové et est désormais aussi plus convivial. On le voit dans les chiffres de vente. L’e-canal de la SNCB progresse de mois en mois. L’expérience client est également améliorée grâce à l’appli mobile. De même, il y a une meilleure intégration avec la vente de billets, sans parler du planificateur de parcours qui permet de visualiser son train en temps réel et de savoir à quelle heure il va arriver. Jusqu’il y a peu, il n’était possible que de savoir à quelle gare il s’était arrêté.
Prochainement, nous lancerons une toute nouvelle appli qui offrira une intégration avec Movesafe de prévision d’occupation des trains. Nous voudrions en arriver à ce que le client puisse gérer l’ensemble de son expérience non seulement avec la SNCB, mais aussi avec les Tec, De Lijn, etc., de porte à porte via l’appli ou le site Web. C’est d’ailleurs ce que demandent nos clients. On ne prend jamais le train seul. Il faut toujours sortir de sa maison pour se rendre à la gare.
Le but est-il dès lors d’en arriver à une seule et même appli?
LEMEIRE: En matière de MaaS [Mobility-as-a-Service, NDLR], la stratégie est actuellement toujours en développement. A la demande de la Région bruxelloise, la billetterie pour l’ensemble de la Région sera intégrée à notre appli. Au niveau national, il faudra sans doute attendre encore. Le transport par train est une matière fédérale, alors que les Tec et De Lijn sont des matières régionales. Il est donc important de mettre en place une stratégie nationale cohérente en matière de transports publics.
Retrouve-t-on également à la SNCB les tensions classiques entre l’infrastructure, qui entend être stable, et les développeurs agiles?
LEMEIRE: Je suis un fervent défenseur de développement agile. Pour les projets SAP et le dorsal, nous nous en tenons à un système de cascade classique dans la mesure où il s’agit de mastodontes complexes. Mais pour d’autres projets, nous évoluons totalement vers le SAFe, un cadre de développement agile. C’est ainsi que nous avons lancé la Station Transformation, un vaste programme sur 3 ans totalement basé sur l’agile. En l’occurrence, nous avons impliqué étroitement le métier. Cela permet d’éviter en fait les tensions.
Nous avons mis en place cette méthodologie dès le premier jour comme élément de la solution. Autrefois, il fallait écrire un volumineux cahier des charges en tant qu’organisme public. Cela prenait une année entière avant un appel d’offres. Dix-huit mois plus tard, vous choisissiez un fournisseur et il fallait à nouveau attendre 18 mois pour espérer déployer une solution. Or entre-temps, l’idée avait fait son chemin et après quelques années, celle-ci ne correspond généralement plus au besoin réel. C’est la raison pour laquelle tant de projets ont échoué dans le secteur public. Nous avons à présent conclu un contrat d’externalisation avec TCS pour lequel nous avons défini des accords précis, nous sommes totalement agiles et travaillons avec un ‘product backlog’ dans lequel le métier est étroitement impliqué et nous opérons de manière itérative. Chaque trimestre, nous livrons de 2 à 3 projets. Ce faisant, on voit en continu l’évolution et ce qui doit être ajusté.
Il arrive que des problèmes se posent aux chemins de fer. En cas de panne majeure, de grève ou de gel, personne ne semble vraiment savoir quand arrivera le prochain train. Que faites-vous à ce niveau?
LEMEIRE: Nous avons mis en place un vaste programme dans ce domaine avec RIV, Reizigersinfo Info Voyageurs. Si l’on en revient aux débuts, tout était sur papier. En tant que chef de gare, accompagnateur ou conducteur, vous receviez chaque matin une masse de papier qui établissait vos tâches de la journée. Par ailleurs, votre seul canal de communication était la radio. Tel était le point de départ. Les gens n’avaient pas de courriel sur le train et pas de GSM. C’était la situation voici 3 ans, une situation parfois difficile à s’imaginer.
Désormais, chacun a un GSM, une radio numérique et différents canaux de communication numérique. Et avec le RIV, nous allons fournir la même information à tous les ‘customer touch points’. Pour l’instant, nous nous attachons à uniformiser l’ensemble de ces données. C’est ainsi que si vous regardez les canaux que nous utilisons pour communiquer avec nos clients, nous avons de grands tableaux dans les gares avec des caractères jaunes pivotants et sur les quais des écrans d’information. Il y a aussi une appli mobile, l’appareil de l’accompagnateur de train et parfois aussi des affichages dans les trains eux-mêmes. Autrefois, chaque système avait son propre dorsal qui traitait ses propres informations sur les retards. Concrètement donc, un accompagnateur pouvait recevoir la notification d’un retard de 2 minutes de moins que ce qui était indiqué sur le quai.
Désormais, nous sommes en train d’harmoniser toutes ces sources. Nous partons des mêmes données source que nous transmettons à tous, qu’il s’agisse de l’accompagnateur ou du panneau d’affichage. S’il y a une personne qui circule sur les voies et que vous demandez au chef de gare où en est votre train, cette même information sera transmise aux panneaux et à l’appli. Nous savons désormais que bien qu’un retard puisse être frustrant, les gens peuvent s’en accommoder s’ils reçoivent une information fiable sur la durée d’attente. Et même s’il s’agit d’une demi-heure, ce n’est pas agréable, mais si vous êtes certain, vous pouvez prendre un café pour passer le temps. Nous y travaillons.
La satisfaction client est-elle l’une des métriques dans ce projet?
LEMEIRE: Oui. Nous travaillons à la satisfaction client et avons mis en place plusieurs groupes spécialisés, par exemple pour l’accompagnateur de train, le conducteur, etc. Nous collectons ainsi le feedback du terrain. Cela permet de découvrir parfois des choses inattendues. C’est ainsi que nous avions une appli sur tablette qui n’était absolument pas utilisée par les conducteurs. Du coup, je me suis rendu sur le terrain avec un conducteur de train pour comprendre la situation. Or il apparaît que la cabine d’un train mesure près de 3 m de large et tout y est très réglementé. Le conducteur met donc sa tablette tout à fait à droite tandis que le volant est à l’extrême gauche. Si la tablette affiche en caractères Arial 10, impossible de lire. Voilà des éléments que l’on oublie parfois. C’est la raison pour laquelle nous insistons particulièrement sur le lien entre l’IT et l’organisation sur le terrain.
Vous gérez énormément de données sur beaucoup de personnes. Comment abordez-vous la sécurité de ces données?
LEMEIRE: Au niveau de la sécurité, nous avons mis au point un programme complet sur 3 ans qui englobe tout, y compris la sécurité de l’infrastructure. Depuis la scission, nous avons investi massivement dans de nouvelles infrastructures, qu’il s’agisse du cloud ou de notre centre de données à Zaventem. Et pour en assurer la gestion, nous avons conclu un contrat de services gérés avec TCS qui prévoit des KPI en matière de sécurité. Tout ce qui concerne le ‘patching’ est assuré par eux.
Nous avons également beaucoup insisté sur la sécurité applicative. Chaque appli que nous développons et qui est à un niveau ou un autre accessible au public est soumise en standard à des tests de pénétration rigoureux. Par ailleurs, nous déployons au sein de la SNCB divers programmes continus de sensibilisation à la sécurité. C’est ainsi que nous lançons de 4 à 5 campagnes internes d’hameçonnage par an. Si de telles opérations sont suffisamment répétées, on constate que les collaborateurs y sont sensibles.
Chez nous, la sécurité est un concept très vaste. C’est ainsi qu’il englobe notamment le personnel qui travaille sur les trains dans les ateliers. Ceux-ci doivent en effet savoir comment réagir s’ils perdent leur GSM car celui-ci stocke des données. Nous avons une équipe dédiée de 30 personnes qui prennent en charge quotidiennement les divers aspects de la sécurité.
Nous numérisons une vieille organisation qui était surtout basée sur le papier.
Comment les données ouvertes s’inscrivent-elles dans ce cadre? Ce concept est-il encore élargi?
LEMEIRE: Nous avons à la SNCB une interface données ouvertes complète pour les tiers. Peu de gens le savent. Nous donnons en temps réel des données comme les plannings. Il y a donc énormément de données disponibles, mais il faut parfois savoir les retrouver. Si l’on songe aux données dont nous disposons, nous venons de plusieurs types de calculs pour les retards. Quel est le plus pertinent pour le voyageur? C’est un domaine sur lequel nous travaillons, sachant que dès qu’un fil existe, nous avons naturellement tendance à l’ouvrir.
Parfois, ce n’est par ailleurs tout bonnement pas possible. Songez par exemple à la composition d’un train. Cela paraît simple, mais c’est en réalité très délicat. Il faut offrir de l’information sur le véhicule destiné aux moins-valides, le véhicule destiné aux vélos et le wagon de 1re classe. Il existe certes un planning réalisé à l’avance. C’est ainsi que le train qui circule le mercredi d’Eupen à Ostende a placé son wagon de 1re classe en 3e position. Or supposons que ce wagon tombe en panne et doive être remplacé. Il est impossible de faire déplacer le train pour insérer un nouveau wagon. Du coup, le wagon de 1re classe se retrouve en dernière position. C’est ce type d’interactions qui pose problème. Car la personne qui se trouve dans la gare dispose peut-être du planning d’hier où le wagon était en 3e position. Nous ne pouvons donc proposer ce type d’informations sous forme de données ouvertes et ne le faisons que lorsque nous sommes certains de l’exactitude des données.
Envisagez-vous l’automatisation de certaines métriques, avec par exemple de l’IoT ou des capteurs?
LEMEIRE: Nous sommes pour l’instant en train de réaliser des tests IoT pour la composition des trains afin de pouvoir communiquer, avec des flux en temps réel, vers tous les canaux où se trouve un élément automoteur. Cela permettra à terme de savoir où l’on doit se placer sur le quai. C’est comparable à ce que font Thalys et Eurostar, à cette différence près que la composition d’un train Thalys ne varie jamais. Chez nous, il existe de nombreux éléments automoteurs qui se scindent, tournent ou sont changés. Je n’avais jamais imaginé que la composition d’un train était à ce point complexe.
Ces derniers mois, le nombre de voyageurs a diminué à la suite du confinement. Cela a-t-il eu un impact sur ces transformations?
LEMEIRE: Nous avons accéléré le déploiement d’un certain nombre d’applications. Ce qui nous a parfois posé problème, c’est le manque de données sur les consommateurs. C’est ainsi qu’en matière de billetterie, nous menons des tests sur les méthodes de paiement. Mais comme la vente de billets a fortement diminué, nous n’avons que peu de testeurs bêta. Nous manquons donc de données de terrain.
Le jury a été d’autant plus impressionné par votre projet que la SNCB est encore souvent perçue comme une sorte de gigantesque pétrolier qui peine à changer de cap. Est-ce également votre sentiment?
LEMEIRE: C’est exact. Le secteur public est très spécifique et la SNCB ne fait pas exception. Si vous regardez des entreprises comme Proximus ou bpost, qu’est-ce qui les a fait avancer? Chez Proximus, c’était Telenet. Au départ, il s’agissait d’une broutille, mais peu à peu, Proximus a commencé à perdre des milliers de clients par jour. C’est alors qu’ils ont changé. Du coup, il a fallu donner un sérieux coup de barre.
Ce fut la même chose chez bpost. Lorsque PostNL et d’autres services de courrier express sont arrivés sur le marché, l’entreprise a vraiment commencé à changer. Pour nous, c’est la libéralisation de 2023 qui est ce moteur. On constate qu’une organisation comme la SNCB a amorcé ce tournant sous l’impulsion de Sophie Dutordoir. Mais le véritable changement de cap ne débutera qu’en 2023, lorsque d’autres acteurs pourront apparaître sur le rail belge. Je suis en train de préparer l’infrastructure à cette arrivée car il faut au moins un an pour mettre en place l’IT nécessaire. Car au moment où la nécessité se fera sentir d’accélérer le mouvement, il faudra être prêt. Il ne faut pas que l’IT soit à nouveau un problème.
Parvenez-vous à trouver suffisamment d’informaticiens pour réaliser tous ces projets?
LEMEIRE: Je les trouve, effectivement. Mais il ne faut pas s’en cacher: les conditions économiques liées au coronavirus nous y aident quelque peu. Mais auparavant également, nous y arrivions. Je les trouve parce que les projets sur lesquels nous travaillons sont passionnants. C’est fascinant. Prenez l’exemple de la numérisation de la conduite d’un train que l’on conçoit à partir de rien. On constate que les gens y mettent de la passion. C’est un projet où on peut faire la différence. La plupart des gens que je connais, et c’est d’ailleurs le profil que je recherche, sont attirés par de tels projets qui font la différence. Même dans le secteur public. Mes collaborateurs partagent presque tous les mêmes idées, ce sont des entrepreneurs salariés qui ont une envie et qui veulent faire partager cette envie avec le métier. Ce type de profils, on les trouve sur le marché et sont disponibles. Tout le monde recherche dans son travail cette création de valeur ajoutée.
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