Google fête ses vingt ans. Coup d’oeil dans le rétroviseur.

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Pieter Van Nuffel Journalist DataNews

Il y a exactement vingt ans, deux étudiants de l’université de Stanford, Larry Page et Sergey Brin, lançaient le nom de domaine Google.com. Data News passe ci-après en revue la façon dont ce moteur de recherche ingénieux est devenu un géant technologique.

Le démarrage de Google s’apparente à un rêve américain: il eut lieu dans un garage à l’initiative de deux génies en herbe ayant eu une bonne idée, mais qui étaient sans le sou ou pratiquement. Larry Page et Sergey Brin ont mis en oeuvre une méthode perfectionnée permettant de trouver l’information sur internet.

Si vous avez des difficultés à imaginer à quoi ressemblait internet, il y a vingt ans, suivez le guide. Au début d’internet, on ne recherchait pas des sites web: on entrait l’adresse web en entier dans la barre d’adresse du navigateur – Netscape était à l’époque l’un des navigateurs les plus populaires. Surfer s’apparentait à une exploration. On débutait sur un site web et on cliquait toujours plus avant sur des hyperliens jusqu’à ce qu’on trouve ce qu’on cherchait. Via les portails web, on pouvait passer d’une catégorie à l’autre. Il existait certes déjà des dizaines de moteurs de recherche, mais qui fonctionnaient tous au plus mal.

Erreur de frappe

Larry Page et Sergei Brin se rendirent alors compte que celui qui pourrait offrir de meilleurs résultats de recherche, détiendrait la clé du succès. The Anatomy of a Large-Scale Hypertextual Web Search Engine, tel était le titre de leur thèse. Ils y travaillaient depuis mars 1996 déjà sous le nom de projet BackRub. Un peu plus tard, ils décidèrent de changer ce nom en ‘Googolplex’, la représentation d’un 1 suivi de cent zéros (10 exposant cent). Page, fasciné par les mathématiques, voulait par le renvoi à ce nombre refléter la mission de son entreprise, à savoir rendre accessible l’ensemble des informations du monde. Finalement, le nom fut abrégé en ‘Googol’ et lorsque Sean Anderson, un condisciple de Page, voulut contrôler si ce nom de domaine était encore disponible, il tapa par inadvertance ‘Google.com’. Page trouva que ce nom sonnait mieux encore et l’adopta. Et le 15 septembre, 1997 ils enregistrèrent le nom de domaine Google.com.

Voilà à quoi ressemblait Google en 1997.
Voilà à quoi ressemblait Google en 1997.© .

PageRank

Un an plus tard, Page et Brin introduisirent un système de tri des résultats de recherche. Ce système PageRank était génialement simple. Le duo partit en fait de l’idée du surfeur en train de cliquer de manière aléatoire sur des hyperliens. Plus il y avait de chances que le surfeur aboutisse ainsi sur une page web déterminée, plus ils attribuèrent un score à ladite page: le PageRank était né. Concrètement, une page obtient un PageRank supérieur, si davantage d’hyperliens d’autres pages y renvoient, ce qui fait que le PageRank de ces autres pages devient à son tour important. Et plus le PageRank est élevé, plus la page grimpe dans la liste des résultats.

Selon Google, le mot ‘Page’ dans ‘PageRank’ n’a rien à voir avec le terme anglais désignant la ‘page’. L’entreprise revendique en fait que ce terme se réfère exclusivement au nom de famille de Larry Page – probablement pour renforcer son droit de propriété intellectuelle sur la marque ‘PageRank’.

PageRank n’est évidemment qu’un des paramètres sur lesquels repose le modèle de recherche de Google. A l’époque déjà, le duo tint également compte de la structure technique de la page et du nombre de mots-clés et de meta-tags y figurant. Au cours des vingt dernières années, l’algorithme a en outre été continuellement adapté, et toujours plus de facteurs furent pris en compte.

Conjointement avec cette évolution, Google a aussi donné forme à un tout nouveau secteur: celui de la Search Engine Optimization (SEO). Les entreprises ont tout intérêt à obtenir le score le plus élevé possible et font appel à des consultants pour veiller à ce que leur site web apparaisse au minimum sur la première page des résultats de recherche de Google.

De moteur de recherche en géant technologique

Google évinça très rapidement son concurrent AltaVista pour devenir le moteur de recherche le plus populaire au monde. En l’espace de trois ans, Google avait indexé plus d’un milliard de documents web et deux ans plus tard, elle en était déjà à trois milliards. Aujourd’hui, Google effectue des recherches dans 47 milliards de pages web indexées.

Le moteur de recherche n’a fait que s’étendre. A partir de 2001, il permit de rechercher non seulement des pages web, mais aussi des illustrations. Un an plus tard, on eut droit à des versions dans d’autres langues. Alors qu’initialement, les recherches ne pouvaient se faire que sur base de texte, les photos et vidéos peuvent à présent être recherchées.

Le principe de base de Google est resté toujours le même: fournir des informations sensées aux utilisateurs. Et proposer ensuite ces profils d’utilisateur à des annonceurs.

Google introduisit alors des services supplémentaires, tels Google Maps, Google Docs, Google Adwords & Adsense, Blog (Blogger) et Video (YouTube). Gmail fut lancé en 2004. Ce service e-mail fut aussitôt populaire, notamment parce qu’il offrait aux utilisateurs un stockage quasi illimité. L’archive mail est à présent utilisée par Google pour apprendre à connaître et profiler vos centres d’intérêt. Chemin faisant, Google a évolué vers une sorte d’offre intégrée de services en ligne ayant votre compte Google comme fil rouge. Depuis deux ans, Google a mis en place une nouvelle structure avec Alphabet comme société mère chapeautant le tout: non seulement Google, mais aussi d’autres projets séparés (du software pour voitures autonomes, la numérisation des soins de santé, des projets en matière de fourniture de colis par des drones, etc.). Mais la valeur marchande de Google (en ce compris Gmail, YouTube, Gmail, etc.) ne dépend pas de ces nouvelles activités.

Le principe de base de Google est resté toujours le même: fournir des informations sensées aux utilisateurs. Et proposer ces profils d’utilisateur à des annonceurs.

Ce qui n’a pas non plus changé, c’est la simplicité de la barre de recherche. Il n’y a que peu de pages web qui soient aussi dépouillées et pourtant utilisées quotidiennement par tout le monde que Google.com.

Par tout le monde? Ce n’est pas tout à fait vrai. Même si Google est devenu incontournable dans de nombreux pays – en Europe, 90 pour cent de toutes les commandes de recherche passent par Google -, la plate-forme n’est pas du tout utilisée sur certains marchés. C’est ainsi que la Chine utilise Baidu.com et la Russie surtout Yandex. Yahoo et Bing sont également davantage entrés dans les moeurs sur d’autres marchés (Japon, Taïwan et Etats-Unis) qu’ici.

Domination du marché

Aujourd’hui, nous sommes chez nous devenus toujours plus dépendants des services de Google. On n’ose imaginer la quantité de renseignements nous concernant que l’entreprise détient. Via notre smartphone, Google sait où nous nous trouvons et via la boîte mail, elle connaît nos centres d’intérêt personnels. C’est parce que Google nous connaît de mieux en mieux que nous obtenons aussi toujours plus souvent les mêmes résultats correspondant sans doute à ce que nous pensons: chacun de nous aboutit dans une ‘bulle à filtres’.

Google aspire à dominer le marché, ce qui risque d’engendrer rapidement des clashs avec l’Europe, comme cela s’était passé naguère aussi avec Microsoft. Lorsqu’on recherche un produit, ce sont ceux de Google Shopping qui dominent les résultats des recherches. Il en résulte que tant les autres fournisseurs que le consommateur sont lésés, selon la Commission européenne au bout de sept années d’enquête. En juin, Google se vit pour cela infliger une amende record de 2,42 milliards d’euros de la part de la commissaire européenne en charge de la concurrence, Margrethe Vestager.

En juin donc, l’Europe a sommé Google ”de mettre fin à ses pratiques illégales dans les nonante jours”. Si tel n’est encore et toujours pas le cas après le 28 septembre, la Commission s’arroge le droit d’infliger une amende supplémentaire s’élevant à cinq pour cent du chiffre d’affaires quotidien de Google par jour de retard. La Commission européenne examine encore d’autres pratiques de Google qui pourraient enfreindre les règles de l’UE. Il est question ici de publicités et de concurrence déloyale avec le système d’exploitation mobile Android. Google obligerait des fabricants et des opérateurs à installer des applis développées par elle, telles Google Play et Google Chrome.

Google a décidé d’aller en appel, mais ce ne sera certainement pas le dernier clash, surtout avec l’introduction de la loi européenne sur la protection des données GDPR en mai de l’année prochaine. L’utilisation de données personnelles en vue de présenter des publicités à un utilisateur, sans que celui-ci ne l’autorise, sera par exemple fortement jugulée. Et c’est précisément là l’une des spécialités de Google.

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