Facebook, pointée du doigt au Sri Lanka (mais ce n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît)

Els Bellens

Peu après les attentats qui ont bouleversé le pays, le Sri Lanka a bloqué un grand nombre de réseaux sociaux. Ce blocus a pour but d’endiguer la diffusion de fausses nouvelles, mais il représente aussi un dangereux pas vers la censure.

Le Sri Lanka, ce pays du sud-est asiatique, est en crise depuis la série d’attentats perpétrés le jour de Pâques, qui ont provoqué la mort de plus de 350 personnes. Suite aux appels lancés par le Premier Ministre de ne pas partager des rapports non vérifiés, les médias sociaux les plus populaires ont été bloqués.

Il s’agirait d’un blocus temporaire, qui devrait empêcher la propagation de messages factices en vue d’alimenter la violence. Facebook, WhatsApp, Instagram, YouTube, Snapchat et Viber notamment ont été bloqués. Par contre, Twitter continue de fonctionner dans le pays, parce qu’il n’est guère populaire auprès des Sri Lankais. On ne sait pas très bien quand les plates-formes sociales seront de nouveau accessibles.

Messages de haine

Le blocage des médias sociaux semble devenir une mesure populaire, surtout de la part des régimes autoritaires, lors de grands événements et de manifestations de rue. Ce n’est ainsi pas la première fois que le Sri Lanka bloque spécifiquement Facebook. Il y a un an, le réseau social l’avait déjà été, parce qu’il aurait contenu des messages invitant à s’en prendre aux musulmans.

Les réactions au blocus sont plutôt diverses. Les médias sociaux, surtout Facebook, sont depuis tout un temps montrés du doigt pour la façon, dont ils sont souvent utilisés pour diffuser des vidéos et des messages qui ne font qu’aggraver la situation. C’est ainsi que la tuerie de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, avait été diffusée en direct par son auteur, et que cette vidéo avait ensuite été largement partagée, ce qui fait que le réseau avait éprouvé bien des difficultés à la supprimer. Le géant technologique ne semble en réalité pas en état d’assumer ses responsabilités allant de pair avec sa croissance exponentielle et avec la place importante que ses plates-formes prennent dans de nombreux pays.

Surtout dans des régions comme l’Inde, le Soudan du sud, le Sri Lanka et, spécialement, à Myanmar, Facebook a tendance à se montrer laxiste avec les rapports sur les messages de haine et la propagande. En novembre encore, le réseau social avait admis avoir été utilisé à Myanmar pour y propager la violence contre la minorité musulmane Rohingya.

Cette fois, la réaction est de nouveau péniblement lente. Le site technologique Cnet signale par exemple que le premier ‘post’ sur la page Crisis Response introduite par Facebook à propos des attentats au Sri Lanka, fut des heures durant un message antimusulman. La page Crisis Response consacrée aux importants sujets d’actualité est principalement conçue pour donner aux gens des informations vitales en temps de crise, mais elle a, semble-t-il, été dominée le lendemain des attentats par des vidéos postées par un groupement raciste.

Pas tout simple

Le fait qu’un géant technologique comme Facebook ne puisse guère susciter la sympathie, surtout à cette époque, n’a certes rien d’étrange. Il n’empêche cependant que le blocus d’autres plates-formes est ressenti comme un dangereux pas vers la censure. Le Sri Lanka se caractérise par une histoire récente mouvementée. Le pays fut pendant des années la proie d’une guerre civile, et cela ne fait que dix ans qu’il y règne une paix fragile. Tout cela signifie que le gouvernement sri lankais possède une solide mainmise sur les médias officiels. Dans ce sens, les réseaux sociaux représentent un important canal d’information de la population, qui veut contourner la censure et, assez ironiquement, vérifier si les nouvelles diffusées par les canaux officiels, sont bien correctes.

Un exemple frappant nous est fourni par un coup d’état tenté par l’ex-président Mahinda Rajapaksa, il y a six mois, en octobre 2018. L’homme essaya, avec des complices, de reprendre la direction du pays. Il le fit notamment en assaillant les studios du principal canal télévisuel du pays et en mettant physiquement la main sur les rédactions des journaux sri lankais. Ce coup d’état fut principalement combattu sur les réseaux sociaux, où des informations liées à la corruption et des critiques à l’égard du nouveau président (non élu) générèrent des protestions en rue, qui remirent en selle le gouvernement effectif. Les Sri Lankais trouvent donc souvent, pour l’écrire de manière concise, davantage de renseignements (plus fiables) sur les médias sociaux que sur les canaux officiels. Et le fait que le gouvernement bloque à présent ce genre d’informations, inquiète beaucoup de citoyens dans le pays.

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