Pieterjan Van Leemputten
Et oui, les NFT du Club de Bruges ne seront eux aussi qu’arnaque et charlatanisme
Les NFT n’ont rien à voir avec les finances ou le football, mais riment avec arnaque et vogue internet. Le fait que le Club de Bruges va désormais vendre des… buts sous forme de NFT, est surtout à classer parmi les moyens éhontés de se faire de l’argent sur le dos des supporters naïfs.
A partir du printemps, vous pourrez acheter certains ‘moments’, comme un but, auprès du Club sous la forme d’un jeton non-fongible (NFT). Cela peut sembler formidable pour les fans, mais ce que fait le Club de Bruges, cela revient surtout à demander l’aumône numérique et à faire croire aux supporters qu’ils en auront pour leur argent.
C’est quoi un but sous forme de NFT?
Vous pourriez avoir ce genre de réflexion: ‘Je ne suis pas du tout doué techniquement, mais cela m’intéresse quand même’. Bravo, vous faites alors partie du public-cible du Club de Bruges. Quelqu’un qui aime surfer sur la vague, mais qui ne comprend pas que ce n’est rien de plus que du vent. Expliquons d’abord ce qu’est un NFT.
Rien.
Un NFT est la combinaison d’un élément numérique à une chaîne de blocs. Formidable, non? Mais appliquons donc cela à un but marqué par le Club de Bruges et à la façon dont fonctionne une chaîne de blocs.
Avant tout, il faut savoir que la ‘chaîne de blocs’ n’existe pas en tant que telle. Vous, moi et des amis pouvons en créer une, mais vos collègues peuvent en élaborer une autre, complètement indépendante. Tout comme ‘dans le nuage’, on parle en jargon marketing ‘d’un serveur’, il est question ‘sur la chaîne de blocs’ d’un descriptif branché ‘d’une base de données qui ne peut être manipulée’.
Le Club de Bruges donne à du vent une signification aléatoire pour inciter les supporters naïfs à payer.
Mais que trouve-t-on précisément sur cette chaîne de blocs? Rien de plus qu’un renvoi vers le ‘moment’ dont vous détiendrez un NFT. Un exemple évident est un lien vers une image numérique. Cette image ne vous appartiendra pas vraiment. Tout le monde pourra la voir, et vous n’aurez aucun droit de la commercialiser. Comme l’a joliment formulé le spécialiste en informatique Jeroen Baert dans le podcast Nerdland, vous disposerez ‘d’un ticket de caisse numérique’. De quoi fanfaronner!
Peut-être suis-je déjà trop vieux pour ce genre de vogue, mais je ne peux m’imaginer être un jour jaloux de quelqu’un qui a pu acheter ou acquérir un NFT de n’importe quoi. ‘Je possède un NFT de la chute du Mur de Berlin, vous savez?’ ‘Quoi?’ Mais oui quoi?
A cela vient encore s’ajouter que la chaîne de blocs qui le détient, n’a aucune autorité juridique, voire morale. Si je me mets demain à créer ma propre chaîne de blocs et à prétendre que j’y vends le premier but de Lukaku sous forme de NFT, cela ne signifie rien. Qui plus est, Lukaku pourrait en théorie porter plainte contre moi, parce que j’abuse de son nom pour escroquer des gens.
Elément fictif contre argent réel
Cette arnaque contiendra donc bientôt aussi ‘un but du Club de Bruges’. Mais ce que vous achèterez, recevrez ou pourrez en faire, c’est tout simplement rien.
Hans Vanaken viendra-t-il re-marquer ce but dans votre living-room? Non. Obtiendrez-vous des rentrées publicitaires si ce but est revu sur une chaîne TV? Non. Ce ne sera qu’un rappel virtuel. Ce moment sera inscrit sur une chaîne de blocs, accompagné de votre nom. Mais la seule chose qui arrivera vraiment, c’est que vous penserez détenir quelque chose. Et dire que vous aurez dépensé des euros bien réels pour cela. De l’argent qu’un croyant dans les NFT versera à un ‘bazardeur’ de NFT. Ce sera la seule chose qui sera vraie dans tout ce cirque.
Et nous voilà ainsi arrivés à l’essence même de cette affaire. Une équipe de football agit-elle de la sorte pour faire connaître une meilleure expérience aux fans? Bien sûr que non. Le fait-elle pour empocher facilement du cash? Evidemment que oui. Je n’ai moi-même aucun problème si cela se passe avec des t-shirts, des gadgets, des autographes, voire des brins d’herbe de la sainte pelouse, mais ici, c’est différent: le Club de Bruges confère à du vent une signification arbitraire en vue de faire payer des supporters naïfs.
Un pet en pot a littéralement plus de valeur que ce que le Club de Bruges tente de ‘bazarder’ à ses supporters.
Du vent, c’est encore faire trop d’honneur à cette histoire. La ‘Realitystar’ Stéphanie Matto a vendu jusqu’il y a peu des pets en pot à ses fans. J’en ai bien ri moi aussi, mais contrairement au Club de Bruges, Matto offre à ses fans une expérience unique, un objet à posséder, à toucher. Si sa notoriété augmente encore, ce pot prendra-t-il peut-être de la valeur et pourra être revendu, qui sait? J’écris ces mots avec le plus grand sérieux: un pet en pot a littéralement plus de valeur que ce que le Club de Bruges tente de ‘bazarder’ à ses supporters.
Les NFT ne sont pas réels, mais ils resteront
Le risque est pourtant grand que les NFT restent, même s’ils n’ont absolument aucune valeur. Des tenues numériques payantes dans des jeux tels Fortnite sont monnaie courante depuis quelques années déjà. Et en soi, je n’ai aucun problème avec ce concept. Mais les choses évoluent à présent vers une nouvelle forme d’investissement, quelque chose qui aurait une valeur réelle ou qu’on aimerait posséder. Or tel n’est pas le cas.
Et il va de soi que les firmes technologiques sautent sur l’occasion. Depuis cette semaine, il est possible ainsi d’utiliser sur Twitter un NFT comme photo de profil, évidemment moyennant une mini-indemnité. Selon moi, il ne faudra pas attendre des mois, avant que Facebook fasse de même pour son tout nouveau métavers.
Et c’est là que réside le noeud du problème: des clubs de sport, idoles, firmes technologiques et autres organisations ayant un tas de suiveurs ou d’utilisateurs pourront ainsi convertir en argent réel des éléments numériques auto-imaginés. Tout comme pour la vogue des crypto-monnaies (où il y a quand même plus de potentiel), les fournisseurs et propriétaires de NFT auront tout intérêt à affirmer que les NFT sont importants et précieux. A l’instar de quelqu’un qui vient d’acquérir une voiture chère et va prétendre qu’il a réalisé un excellent achat.
C’est ainsi que dans les années à venir, les NFT seront présentés comme quelque chose d’incontournable. Et si tout un chacun en achète au moins un en cette ère d’image de marque personnelle – ne serait-ce qu’à un euro -, une plate-forme comptant des millions d’utilisateurs engrangera vite assez d’argent pour payer ses factures. Donc oui, les NFT sont partis pour rester, car ils seront une source de cash.
Cela les rendra-t-il utiles? Non. Nécessaires alors? Pas du tout. Serviront-ils à autre chose qu’a fanfaronner? Non. Mais si suffisamment de gens y croient, il ne faudra pas nous perdions de vue qu’il ne s’agit là de rien de plus que de l’arnaque et du charlatanisme.
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