Du capital-risque ou non, telle est la question

La semaine dernière, j’ai eu trois entretiens avec des starters qui recherchaient du capital-risque (‘venture capital’ ou VC). Trois fois, j’ai dû les envoyer promener. Non pas qu’il s’agissait de starters inintéressants, mais bien parce qu’ils s’en tireraient mieux sans faire appel à du capital-risque. Travailler avec du capital-risque peut s’avérer avantageux, mais ce n’est pas donné à tout le monde. Permettez-moi d’expliquer un tant soit peu mes propos.

La semaine dernière, j’ai eu trois entretiens avec des starters qui recherchaient du capital-risque (‘venture capital’ ou VC). Trois fois, j’ai dû les envoyer promener. Non pas qu’il s’agissait de starters inintéressants, mais bien parce qu’ils s’en tireraient mieux sans faire appel à du capital-risque. Travailler avec du capital-risque peut s’avérer avantageux, mais ce n’est pas donné à tout le monde. Permettez-moi d’expliquer un tant soit peu mes propos.

Avec l’argent que les capital-risqueurs injectent, les jeunes entreprises peuvent accélérer certaines choses pendant une période donnée, sans avoir besoin de jeter un coup d’oeil paniqué sur leurs extraits de compte. Cet argent supplémentaire permet d’investir dans plus de développeurs et donc de continuer à faire la nique à la concurrence. D’investir aussi dans du talent dans la vente et le marketing, ainsi que dans des programmes susceptibles d’accroître le chiffre d’affaires.

En outre, les capital-risqueurs sont intéressants en raison de leur longue expérience avec diverses entreprises. Ils servent de caisse de résonnance et prodiguent des conseils. Ils vous forcent parfois à reculer d’un pas et à réfléchir à votre stratégie. Ils donnent accès à leur vaste réseau de ‘young potentials’ et d’autres talents, partenaires, clients, investisseurs et ‘exit-candidates’. Les capital-risqueurs efficaces retroussent littéralement leurs manches et collaborent quand c’est possible.

La grande question est cependant de savoir si l’on veut faire appel à ce genre d’investisseur. S’il n’est pas préférable de poursuivre seul. Car s’associer avec un capital-risqueur, cela change pas mal de choses. Le veux-je vraiment? N’y a-t-il pas suffisamment d’autres façons de trouver des fonds? Peut-être avez-vous un peu d’argent de côté qui vous permettra de tenir un peu le coup ou peut-être pouvez-vous compter sur le salaire de votre partenaire?

En outre, il existe pas mal de possibilités de subsides (très souvent aussi des prêts bancaires), surtout pour les starters qui s’occupent d’innovations techniques. Ce qui est tout aussi bien, c’est d’exécuter temporairement des travaux de consultance à temps partiel, de préférence bien sûr dans le domaine de votre startup.

Et puis, il y a encore les FFF (friends, fools and family). Ici, il convient néanmoins d’être prudent car il s’agit certes d’argent ‘facile’, mais si les choses ne se passent pas comme espéré, il est possible que vos FFF se sentiront floués et rompront alors les ponts avec vous.

Par-dessus l’épaule

Les entrepreneurs qui se focalisent le plus formellement sur la croissance, l’innovation et sur le fait d’être toujours en avance sur la concurrence, accueilleront dans la plupart des cas le capital-risque à bras ouverts.

Mais au fil des ans, nous avons quand même vu pas mal d’hommes/femmes d’affaires qui n’auraient jamais dû s’associer à un investisseur. Qu’y a-t-il donc de mal à travailler dans une entreprise qui vous donne chaque année 100 à 200 mille euros de rentrées? Pourquoi devriez-vous encore faire appel à un financier externe?

Un capital-risqueur attend d’abord et avant tout une croissance rapide, souvent plus rapide que ce que vous attendiez de manière confortable. Peut-être vous sentiriez-vous mieux dans une entreprise, où l’équipe perçoit un bon salaire et où des dividendes peuvent être alloués. Dans une entreprise qui peut s’avérer rassurante pendant 10 à 20 ans au moins pour l’entrepreneur en question. Les capital-risqueurs qualifient ce genre d’entreprise de manière un peu dénigrante de life style companies.

En outre, vous étiez l’homme/la femme qui fixiez les lignes et qui pouvait s’occuper de son bébé chaque jour. Mais dès l’instant où un capital-risqueur pointe le bout du nez, il va venir regarder par-dessus votre épaule. Il va même revendiquer un siège au sein du conseil d’administration, qui se réunit chaque mois, surtout au début.

Un entrepreneur racé salue cette façon de travailler, mais ces ‘fouineurs’ ne plaisent pas à tout le monde. Le capital-risqueur s’avère être aussi un intervenant supplémentaire dont il faut tenir compte et auquel il faut consacrer du temps, à côté des clients, du personnel et des partenaires.

Tout comme un client ne verse son argent qu’après qu’ait été rédigé un contrat stipulant les droits et les devoirs mutuels, il existe aussi une sorte d”accord d’actionnaires’, où sont repris un certain nombre de droits, voire de vétos pour les actionnaires. Tout cela se justifie parfaitement, même si, à première vue, cela peut paraître un peu spécial, voire légèrement agressif.

Temps

Préparer un dossier demande aussi beaucoup de temps, alors que le taux de réussite est très faible. Sur les 1.200 business plans que nous avons reçus, nous avons investi dans 8, ce qui représente moins d’1 sur 100. Nous ne sommes évidemment pas le seul capital-risqueur en Belgique, mais des études montrent que sur 100 entreprises qui recherchent du capital-risque, moins de 2 pour cent parviennent à leur fin.

Quiconque souhaite récolter de l’argent, est occupé quasiment à temps plein en moyenne 3 à 6 mois durant à élaborer et affiner son business plan. A assurer des présentations. A participer à des réunions complémentaires. A négocier à propos des conditions, à subir l’impact de la ‘due diligence’ (une enquête approfondie sur votre situation financière, juridique, technique, commerciale et personnelle), et à définir l’accord final. C’est là beaucoup de temps que vous n’êtes peut-être pas prêt à donner. Ce sont des mois de perdus que vous ne pouvez peut-être pas vous permettre.

Larry Page chez Google, Mark Zuckerberg chez Facebook, Jeff Bezos chez Amazon.com et Michael Dell chez Dell sont encore et toujours CEO de leur entreprise bien longtemps après l’avoir fondée. Ce sont toutefois des exceptions car il n’arrive que rarement que le fondateur/CEO conserve cette même position longtemps encore après un investissement.

C’est alors souvent la faute au capital-risqueur ‘ingrat’ qui n’a soi-disant pas pris conscience de la valeur du fondateur en question, mais la réalité est cependant quelque peu plus nuancée.

Dans les premières années, l’on entreprend et l’on ne pense pas trop aux ressources humaines, à l’organisation, aux rapports, au planning et aux processus. Mais à un moment donné, la passion dévorante et la soif d’innovation de l’entrepreneur ne suffisent plus pour gérer l’équipe qui a nettement grandi, l’éventuelle expansion internationale et les budgets qui ont gonflé.

Il est temps alors d’engager un directeur CEO expérimenté, et le fondateur occupera alors souvent la fonction de CTO/business development/stratégie/président du conseil d’administration.

Le capital-risqueur doit souvent expliquer au CEO ce qu’il savait lui-même déjà. Trop souvent, il n’est plus qu’un catalyseur dans ce processus, mais l’on s’en réfère encore à lui, même si le changement s’avère indispensable dans l’intérêt de l’entreprise (et pour la sérénité du fondateur).

Un capital-risqueur entre dans une entreprise pour mieux en sortir par la suite. Dans les secteurs tendance et en vogue, cela peut se faire au bout de 2 ans déjà, alors que dans d’autres domaines, cela peut parfois prendre 10 ans. Les capital-risqueurs doivent rembourser à leurs propres investisseurs l’argent qui leur a été autrefois confié, et avec les intérêts bien sûr.

La question est donc de savoir si vous êtes prêt à laisser s’en aller votre bébé. Pour beaucoup, une startup est en effet une chose vitale que l’on souhaite accompagner 20 années durant au moins.

Risque

Le danger inhérent au capital-risque ne concerne pas uniquement l’investisseur, mais évidemment aussi l’entrepreneur. Un capital-risqueur veut en effet que l’argent récolté ‘soit effectivement consacré au travail’ (personnel supplémentaire, campagnes de marketing, expansion internationale). Il en résulte que les coûts augmentent plus rapidement que le chiffre d’affaires, ce qui ne fait qu’accroître le risque. L’homme/la femme d’affaires doit en tenir compte.

Les capital-risqueurs (pour la plupart orientés Etats-Unis) préfèrent du reste une petite chance d’un retour de 10 à une grande chance d’un retour de 2. Si un fonds investit 1 million dans une entreprise et en reçoit 2 en retour, cela ne représente pas grand-chose sur un fonds de 30 millions. Mais quand le million en rapporte 10, cela commence vraiment à compter (et ce montant important compense aussi plusieurs investissements qui ont mal tourné).

Résumons-nous: beaucoup d’entreprises peuvent rapporter gros à leur fondateur et à leur personnel et méritent le plus grand respect d’y être arrivées sans aide extérieure. Il n’y a donc rien de mal à travailler de cette manière, que du contraire.

Mais si vous visez une croissance rapide, si vous voulez écraser la concurrence ou devenir une grande entreprise réputée, être actif à l’échelle internationale et ambitionnez ce qu’il y a de mieux, il est préférable de vous adresser à un capital-risqueur.

Frank Maene, Partner Hummingbird Ventures

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