Combien de fabricants de PC subsisteront-ils bientôt?

Luca Rossi © .
Pieterjan Van Leemputten

Il n’y a certes jamais eu autant de personnes qui possèdent un ordinateur portable ou une tablette chez elles, mais cela n’empêche pas l’industrie du PC de continuer de prendre des coups. Comment Lenovo, le principal fabricant de PC du moment, arrive-t-elle à trouver son équilibre dans cette position? Interview de Luca Rossi, le directeur européen de la marque.

Lenovo n’est pas encore une marque aussi connue que HP ou Dell. Mais depuis que l’entreprise a racheté, il y a onze ans, la division PC d’IBM, surtout connue pour la série Thinkpad, elle conquiert progressivement des parts de marché. “Après le rachat, nous étions principalement un acteur professionnel. Il en était tout autrement en Chine, où Lenovo se distinguait sur le marché à la consommation. Mais quand on a l’ambition d’être le plus grand au monde, il convient de desservir les deux marchés. Et donc, nous avons étoffé notre gamme à la consommation, sans pour autant faire abstraction du marché professionnel.”

Il n’empêche que le marché des entreprises et des consommateurs demandent des approches différentes. “Le produit et les spécifications sont totalement différents. Dans le professionnel, l’on accorde beaucoup d’attention au matériel. Il doit être robuste et résistant, il y a des SLA. Dans le passé, l’on s’y intéressait en général moins au design et plus aux performances. Mais ces dernières années, le marché professionnel examine également le look des appareils. Le cycle de vie est aussi différent. Sur le marché professionnel, le cycle de vie (qui mesure la durée entre le moment où un appareil arrive sur le marché et celui où il est remplacé par un successeur) est d’un à trois ans. Pour les appareils à la consommation, ce cycle est de six à neuf mois.”

Le marché du PC connaît des difficultés depuis des années déjà. Cela vaut-il encore la peine de fabriquer des PC?

Luca Rossi: “Nous sommes aujourd’hui le numéro 1, mais le marché mondial ne croît plus. Il faut cependant penser plus loin. Car si l’on considère les ‘détachables’ (2-en-1), ils ne sont pas repris dans le marche du PC, mais bien dans celui des tablettes, alors que nous, nous les qualifions plutôt de notebooks. Si l’on ajoute le volume de ces appareils aux chiffres PC, l’on peut dire que le marché du PC est stable. Mais la croissance n’est plus celle d’avant. Notre recette est celle de la consolidation. Notre part de marché progresse, et notre chiffre d’affaires aussi. Quant à notre bénéfice d’exploitation, il est le meilleur de ceux de tous les fournisseurs de PC au monde.”

Qu’est-ce que cela signifie pour les autres acteurs?

“Aujourd’hui, nous avons affaire à un marché, où le top trois se compose de deux entreprises américaines (HP Inc. et Dell, ndlr) et d’une chinoise (Lenovo, ndlr). Conjointement, nous occupons quelque 55 pour cent du marché. Il y a trois ans, ce n’était que quarante pour cent. Les Taïwanais n’occupent pas une place de choix, puisque ces deux acteurs (Asus et Acer, ndlr) se situent sous de la barre des dix pour cent, alors que les Japonais (Toshiba, Sony, ndlr) délaisseront ce marché d’ici quelques années. Il en résulte que pour le top trois, les parts de marché ne feront que croître. Je m’attends donc au scénario suivant: un certain nombre d’acteurs vont disparaître, et seuls quelques-uns subsisteront.”

Le marché du PC n’a pas besoin de neuf, voire de dix acteurs en vue. L’innovation n’en souffrira donc pas.

Est-ce un mal pour l’innovation?

“Je pense que l’innovation persistera, même s’il ne reste que trois ou quatre acteurs. Le marché du PC n’a pas besoin de neuf, voire de dix acteurs en vue. L’innovation n’en souffrira donc pas. Il y a du reste aussi des acteurs tels Intel ou Microsoft, qui innovent également de leur côté.”

Notre vision est une combinaison d’efficience, d’économies et d’un chiffre d’affaires élevé.

Outre certains qui s’en vont, quelle est la stratégie pour engranger du bénéfice sur le marché du PC?

” Notre vision est une combinaison d’efficience, d’économies et d’un chiffre d’affaires élevé. Par ailleurs, nous continuons d’innover comme avec les Yoga Book et Yoga 910. Nous consacrons donc pas mal de moyens à la R&D pour améliorer l’expérience de l’utilisateur.”

“Ce dernier point est très important. Il faut investir beaucoup dans un produit comme le Yoga Book. Ce n’est possible que si les ventes sont par la suite proportionnelles.” “Quand on lance un tel produit, l’on n’est cependant jamais sûr qu’il deviendra un grand succès commercial. Mais il convient aussi de le positionner correctement. Dans le cas présent, il ne s’agit pas d’un appareil sur lequel un journaliste comme vous va écrire ses articles. Mais il conviendra parfaitement pour l’étudiant qui prend des notes pendant les cours ou pour quelqu’un qui dessine avec le stylet.”

Le plus vraisemblable, ce sera une consolidation, où les petits fabricants de smartphones disparaîtront, alors que les acteurs plus grands pourront continuer de croître.

Le marché du smartphone ressemble actuellement au marché du PC d’il y a quelques années. Y aura-t-il encore du bénéfice à engranger à terme?

“Il y a deux géants et plusieurs acteurs moyens parmi lesquels se trouve Lenovo aujourd’hui. En-dessous, il y a encore toute une série de petits acteurs. Le plus vraisemblable, ce sera une consolidation, où les petits fabricants de smartphones disparaîtront, alors que les acteurs plus grands pourront continuer de croître. Nous avons-nous-mêmes l’ambition de devenir le numéro 3. Mais probablement via des consolidations.

Vous êtes en train de préparer la série Moto de smartphones modulaires. Est-elle prévue pour le long terme?

“La prochaine génération restera compatible avec les mêmes mods. Votre investissement ne sera donc pas perdu. La communauté sera aussi ouverte, et nous prévoyons des SDK. Nous espérons donc mettre en branle une chaîne d’acteurs indépendants.”

Qu’envisage encore Lenovo pour les années à venir?

“Entre autres notre propre activité de centres de données, qui sera la partie la plus importante de notre stratégie. Une activité à 5 milliards de dollars, où nous aurons une plus grande marge de croissance que les autres acteurs.”

Envisagez-vous aussi la réalité virtuelle et la réalité augmentée?

“Ce n’est pas nécessairemnt quelque chose pour Lenovo, mais nous nous y intéressons.”

Je ne range momentanément pas les montres connectées dans la même catégorie de poids que les smartphones et les PC.

Entre-temps, le monde attend encore l’ultime montre connectée. Même Apple n’arrive pas à faire de ce produit un article courant.

“Je suis tout à fait d’accord avec vous. Peut-être l’a-t-on présentée de manière abusive. Toujours est-il que l’on ne sait pas pour l’instant s’il deviendra un produit adulte sur le marché ou non. Je ne range momentanément pas les montres connectées dans la même catégorie de poids que les smartphones et les PC.. De toute façon, nous n’avons temporairement rien à annoncer dans ce domaine.

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