Chatbots: au-delà de la vogue!

Els Bellens

Où en est-on avec les chatbots? Data News a parlé aux concepteurs du bot belge Oswald à propos d’intelligence, d’évolution et d’assistants vocaux.

Il y a deux ans encore, ils semblaient omniprésents. Selon certains futurologues, 2017 devait être ‘l’année des chatbots’. Le soufflé est entre-temps retombé, même si des projets tels l’Oswald belge continuent de montrer la voie. “Dans le ‘hype cycle’, nous sommes à présent arrivés à une période positive avec des cas, où des chatbots fournissent effectivement de la valeur”, déclare Michiel Vandendriessche, le cofondateur de Raccoons Group, une entreprise belge qui crée des produits numériques. Une composante de ce groupe s’appelle Oswald, qui cible les chatbots.

Un rapport de Business Insider datant de 2016 signalait qu’à l’horizon 2020, quelque 80 pour cent des services à la clientèle utiliseraient des chatbots. Dans la pratique, nous en sommes en 2019 à quelque 20 pour cent. Quel regard portez-vous sur cette évolution?

Michiel Vandendriessche: 2017 fut évidemment l’année de cette grande vogue. Au cours des dernières années, nous avons réalisé de nombreux projets pour des clients qui voulaient se lancer dans l’aventure. Cela nous a permis d’acquérir de l’expérience, et les chatbots peuvent à présent toutes fournir de la valeur aux clients.

L’un de nos clients, où l’impact est vraiment sensible, c’est la Mutualité Partena. Elle dispose d’un guichet en ligne, mais le service clientèle a découvert beaucoup de questions répétitives. Nous avons alors défini avec elle un chatbot traitant toutes les demandes de première ligne allant par exemple de questions à propos de la connexion jusqu’à la réinitialisation d’un mot de passe. Ce chatbot va tenter de traiter ce genre de demandes pour que, finalement, 20 pour cent seulement de ces questions soient encore l’apanage d’un employé. Cela signifie que les gens sont aidés plus rapidement. Et si le chatbot n’y arrive pas, c’est un collaborateur humain qui prend le relais. Cela se traduit par un retour sur investissement clair, parce que ce service à la clientèle peut désormais mieux se consacrer à des problèmes complexes, ainsi qu’à la formation de collaborateurs du helpdesk, qui peuvent à leur tour se charger d’autres tâches.

Sam Hendrickx: Les clients ont aussi l’avantage de pouvoir chatter, s’ils le veulent. Un chatbot est disponible 24 heures sur 24. Si vous avez une question à poser au helpdesk, vous devez parfois attendre le jour suivant pour recevoir une réponse, alors qu’un chatbot est toujours prêt.

Nombre de chatbots d’il y a quelques années n’étaient pas encore super-intelligents. Ils ne comprenaient par exemple pas certaines questions. Qu’en est-il aujourd’hui de l’intelligence de ces chatbots?

Michiel Vandendriessche: La manière dont une question est posée, n’est plus un problème. Nous avons connu l’époque, où il fallait quasiment apprendre par coeur des commandes, mais cela, c’est bien fini aujourd’hui. L’intelligence que nous avons intégrée dans Oswald, recherche par exemple des phrases différentes. Elle ne va plus essayer d’interpréter les mots, mais elle va prendre toute une phrase en considération, la signification et le contexte, afin de mieux comprendre la question posée.

Nous créons notre propre modèle linguistique, parce que nous voulons être performants dans le support de la langue utilisée.

Au fait, quelles langues votre bot parle-t-il?

Michiel Vandendriessche: le néerlandais, le français et l’anglais. Mais en principe, il est possible d’y ajouter d’autres langues. Les modèles linguistiques sous-jacents sont indépendants de la langue. Nous venons par exemple de déployer un chatbot pour Doccle en néerlandais, et nous préparons à présent une traduction pour un bot francophone. Parmi nos systèmes chatbot, on trouve un modèle linguistique auto-développé. Il s’agit d’un modèle standard que nous formons pour le contexte spécifique dans lequel le chatbot sera utilisé. Pour Partena, nous ajouterons des données d’initiation à la mutualité, à savoir des phrases-types et des questions que les gens peuvent poser dans ce contexte. L’apprentissage machine sous-jacent apprendra cette langue de lui-même, afin d’interpréter de manière correcte tout ce que disent les utilisateurs.

Sam Hendrickx: Nous créons notre propre modèle linguistique, parce que nous voulons nous distinguer au niveau du support du néerlandais. C’est là un focus qui intéresse moins les plus grandes firmes internationales. Notre modèle linguistique standard a donc la notion de la manière dont le néerlandais se présente. Et nous travaillons alors avec des phrases-types. Nous avons par exemple conçu un chatbot pour Kinepolis auquel nous soumettons des phrases telles “Welke films spelen nu in Leuven” (quels films passent-ils à présent à Louvain?), mais aussi “Wie is de regisseur van Harry Potter” (Quel est le réalisateur d’Harry Potter?), parce que nous voulons également utiliser le chatbot pour des demandes plus larges à propos des films. C’est ainsi que ce chatbot gagne en efficience dans un certain domaine. Au chatbot de Kinepolis, on ne va pas demander: “Wat is de langste rivier ter wereld” (Quel est le fleuve le plus long du monde?). Et s’il y a des questions auxquelles Oswald ne peut répondre, elles sont transférées et peuvent être éventuellement ajoutées au modèle.

Toujours plus de chatbots fonctionnent à présent par la voix plutôt que par le clavardage classique. Est-ce aussi le cas d’Oswald?

Michiel Vandendriessche: Un chatbot fonctionne en principe toujours sur base de texte. Oswald opère avec des données textuelles. Mais la voix est évidemment une option. Dans ce but, nous allons transformer un élément vocal en texte. Si vous considérez les assistants vocaux tels ceux d’Amazon ou de Google, on y trouve un module qui transforme la voix en texte et vice versa. On peut donc utiliser assez facilement la voix. Nous ne créons pas ces modules nous-mêmes, non seulement parce que nous ne sommes pas des experts en la matière, mais aussi parce que cela a déjà été mieux implémenté par des acteurs en vue.

Sam Hendrickx: Le chatbot de Kinepolis peut par exemple être combiné à Amazon Alexa ou à Google Home.

Avec les progrès de l’intelligence, il est aussi possible que les chatbots passent pour être des humains. Oswald signale-t-il qu’il est un chatbot?

Sam Hendrickx: Ce que nous observons, c’est que si le chatbot se présente comme un être humain, cela passera dans pas mal de situations. Mais il arrivera un moment, où l’échec sera au rendez-vous. Si vous posez souvent la même question, le chatbot vous donnera toujours la même réponse, alors qu’un humain répondra quelque peu différemment. Si vous le constatez, vous vous sentirez trompé en tant que client. Voilà pourquoi nous révélons à l’avance qu’il s’agit d’un bot. On constate alors que les gens parlent mieux. De plus en plus de gens commencent à comprendre ce que cela implique et que cela fonctionne plus rapidement.

Les clients vont-ils alors se comporter différemment, s’ils savent qu’ils parlent avec un bot?

Sam Hendrickx: Il y a toujours des gens qui restent polis et prononcent des phrases complètes. C’est là-dessus que nous basons notre support. Mais nous pensions aussi que beaucoup de gens parleraient par bribes, alors que tel n’est pas le cas. Même s’ils savent qu’ils parlent à un robot, ils continuent de converser normalement et ce, même s’ils disent alors moins souvent ‘merci’ et ‘au revoir’.

Michiel Vandendriessche: Alors que pensions que des gens se contenteraient de dire: ‘films Leuven’, ils continuent de prononcer des phrases complètes, car cela leur semble nettement plus naturel.

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