Ce n’est pas tant Facebook, mais surtout Instagram qui provoqua l’ingérence russe

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Pieterjan Van Leemputten

L’immixtion russe à la base de la victoire de Donald Trump aux élections présidentielles américaines a surtout bien fonctionné sur Instagram. En outre, les Russes utilisèrent non seulement des annonces publicitaires, mais aussi des groupes et des ‘mèmes’ à l’aspect authentique pour semer la confusion.

Deux rapports offrent une meilleure vision de la façon d’agir des Russes et de leur efficience via l’Internet Research Agency.

Un premier rapport, établi par New Knowledge à la demande du Senate Intelligence Committee américain, fait observer que les ‘posts’ sur Instagram se sont avérés nettement plus efficaces que sur Facebook.

Plus d’interaction sur Instagram

L’Internet Research Agency a certes atteint sur Facebook bien plus de personnes que sur Instagram (126 millions contre 20 millions). Mais sur Facebook, les ‘posts’ n’ont engendré que 37,6 millions de ‘likes’ contre 183 millions sur Instagram. Cela représente 612 ‘j’aime’ par ‘post’ sur Facebook contre 1.568 sur Instagram. Facebook a par contre affiché davantage de commentaires par ‘post’ (54) qu’Instagram (34).

L’University of Oxford a établi elle aussi un rapport sur l’impact que les médias sociaux ont exercé lors de la polarisation politique aux Etats-Unis. Le rapport nous apprend entre autres que plus de trente millions d’utilisateurs ont partagé entre 2015 et 2017 des ‘posts’ de l’Internet Research Agency sur Facebook et Instagram.

Il ne s’agit en l’occurrence pas uniquement d’annonces. Le ‘social media team’ russe a exploité aussi différentes pages sur lesquelles des éléments polarisateurs étaient postés en temps opportun (allant souvent de pair avec des crises ou des événements politiques).

Faire douter la gauche, mobiliser la droite

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Les messages et les différents groupes ont, selon les deux rapports, des bases très claires. C’est ainsi que la page Heart of Texas jouait régulièrement la carte du patriotisme avec des illustrations et des ‘mèmes’ affichant la fierté de l’état du Texas, mais la page promotionnait en outre aussi le rejet des migrants (syriens) et la scission du Texas du reste des Etats-Unis.

De l’autre côté du spectre, ce sont notamment les Américains démocrates noirs qui furent pris pour cible. En réaction, les Black Matters (BM) entre autres créèrent une page spéciale invitant à ne pas faire confiance aux médias ou à boycotter les élections. Dans d’autres cas encore, elle promotionna un événement suggérant que les ‘United muslims of America’ organisent une marche de soutien à Hillary Clinton. Le rapport présume que ce genre de marche et un support évident des musulmans américains soient perçus négativement par Clinton comme ayant pour origine des Américains (conservateurs).

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Mais la campagne cibla tout autant les féministes, avec une description négative de Clinton, ou des fans de Bernie Sanders, qui perdit la nomination démocrate au profit de Clinton. Pour les électeurs républicains, on joua sur l’identité américaine, souvent en combinaison avec Jésus. Ce qui est étonnant ici, c’est que certaines pages apparurent d’abord de manière tout-à-fait innocente avec par exemple des ‘mèmes’ à propos de Kermit la grenouille et Les Simpsons, pour cibler Jésus quelques mois plus tard et ce, afin de s’attirer un public.

En général, l’objectif était de convaincre les électeurs de gauche à tendance démocrate de ne pas voter. Alors que le message à l’attention des électeurs de droite plutôt républicains était au contraire d’aller voter.

Depuis 2012

Le rapport de l’université d’Oxford fait enfin observer qu’on touche nettement plus de monde avec des ‘posts’ organiques qu’avec des annonces, et que cette campagne démarra en 2013, même si les premiers pas avaient été accomplis en 2012 déjà.

Point étonnant: les activités ne s’arrêtèrent pas après les élections de 2016, mais se poursuivirent encore l’année suivante. C’est ainsi que les plus importances annonces datent d’avril 2017 (faisant entre autres référence aux actions lancées contre l’IS et à la réforme fiscale américaine). Certains ‘posts’ véhiculèrent de fausses informations

Twitter et YouTube

Les deux rapports ne se limitent pas uniquement à Instagram et Facebook, mais ces deux plates-formes représentent quand même la majorité des activités et des interactions.

C’est ainsi que l’Internet Reseach Agency a pu atteindre en tout 1,4 million de personnes via Twitter au moyen de 10,4 millions de tweets (6 millions de messages originaux) provenant de 3.841 comptes. En outre, quelque 1.100 vidéos sur YouTube ont été diffusées via 17 canaux. Mais le centre de gravité absolu de l’ingérence russe se situe à coup sûr sur Facebook et Instagram et aurait coûté 25 millions de dollars environ, selon les rapports.

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