Opinion Bart Becks: “Cela bouge dans notre pays”
L’on assiste actuellement à une nouvelle vague entrepreneuriale en Belgique. De nombreux jeunes se sentent de nouveau attirés par la création de leur entreprise. Les histoires à succès de la Silicon Valley n’y sont certainement pas étrangères.
L’on assiste actuellement à une nouvelle vague entrepreneuriale en Belgique. De nombreux jeunes se sentent de nouveau attirés par la création de leur entreprise. Les histoires à succès de la Silicon Valley n’y sont certainement pas étrangères.
Tout le monde connaît aujourd’hui Facebook, la plate-forme web la plus accessible qui soit, dont l’histoire a été présentée d’une manière très claire et compréhensible dans l’excellent film ‘The Social Network’.
Les récits et réalisations mythiques d’Apple et de son directeur aujourd’hui décédé, Steve Jobs, font rêver beaucoup de monde. Et c’est bien ainsi. Ce ne sont là que quelques exemples, mais qui engendrent pas mal de confiance dans les possibilités de faire des affaires où que l’on se sente bien et où que l’on puisse faire la différence, tout en pouvant gagner son pain. Ou plutôt son électricité, car tout semble indiquer qu’il n’y aura pas vraiment une pénurie de pain. Travailler pour de l’énergie et de l’énergie pour travailler. Façon de parler.
Mais il n’y a pas que les jeunes qui commencent à entreprendre. Il y a aussi les plus de 35 ans, à savoir les gens arrivés à mi-carrière. Une carrière qui n’a du reste plus rien à voir aujourd’hui avec ce qu’elle était, il y a 20 ans, quand l’on était junior pendant 10 ans, puis manager pendant 10 ans encore, avant de devenir directeur jusqu’à l’âge de soixante ans, pour terminer enfin comme CEO ou administrateur pendant quelques années encore.
Tout va à présent nettement plus vite avec son lot d’avantages et d’inconvénients. Un effet positif, c’est que pas mal de personnes se mettent à réfléchir à leurs 25 prochaines années et optent parfois pour un changement radical de leur mode de vie. Il existe actuellement nombre de plus de 35 ans qui délaissent soudainement leur carrière en entreprise pour démarrer quelque chose soit par eux-mêmes, soit avec d’autres.
Il est très probable que d’ici quelques années, l’on observera le même phénomène chez les plus de 50 ans, qui ne devront plus espérer une prépension ou une fin de carrière anticipée. Ils pourraient représenter une incroyable plus-value pour les jeunes entrepreneurs ou ceux qui connaissent la croissance, à condition d’avoir toujours suffisamment d’appétit.
Il y a longtemps que je n’ai plus vu dans notre pays autant d’entrepreneurs avoir une si grande envie. Ce n’est certes pas San Francisco avec ses 500 sociétés d’investissement et ses 15.000 startups, mais cela bouge. Il y a vraiment de la vie.
La question est à présent de pouvoir donner à cette vie tout le soutien dont elle a besoin.
Je suis convaincu que moyennant un tant soit peu d’efforts et de coordination, la Belgique est parfaitement capable de devenir une place importante. En Europe, ce sont Londres et Berlin qui se distinguent et sont en train de devenir les mini-‘Silicon Valley’s’ européennes. Mais chez nous aussi, il y a de belles évolutions, même si elles ont encore quelque peu un caractère ‘local’.
Etranger
Si l’on considère l’ICT et internet, Gand, Bruxelles et Louvain La Neuve semblent être les endroits privilégiés de la nouvelle vague dans notre pays. Mais des initiatives intéressantes se manifestent partout dans le pays. Il y a cependant encore pas mal de chemin à parcourir. Bien que quelques jolies réalisations aient déjà été observées, il faut quand même constater que les principales entreprises à succès ont émigré pour faire prospérer encore leur histoire.
Drupal & Acquia a quitté Anvers et est en train d’écrire une histoire fantastique à Boston. Playfish a gagné San Francisco via Londres, pour devenir un géant des jeux (elle y a été rachetée par Electronic Arts pour pas moins de 400 millions de dollars), et il y a aussi des Belges à la base de Shazam et Tapulous (jeux mobiles, rachetés par Disney).
Il va de soi que pour chaque histoire à succès, il y a des dizaines d’échecs, mais l’échec fait aussi partie de l’entreprenariat. Echouer, c’est apprendre, et cette forme d’entreprenariat, nous devons aussi l’accepter, la comprendre et l’accompagner.
Le manque criant de capital de départ est régulièrement cité comme la raison du départ de nos entrepreneurs, surtout les moyens d’investir, lorsque l’entreprise se met à croître.
Nous serions aux prises avec un manque chronique de ce qu’on appelle le ‘seed capital’ (capitale d’amorçage) ou, du moins, de bonnes conditions. Ces derniers mois et années, j’ai entendu et connu des histoires navrantes. Mais plus encore que la volonté d’investir, il manque cruellement d’intérêt.
De haut
Nombre d’investisseurs, tant privés que publics, regardent surtout les jeunes entrepreneurs sous une perspective erronée. De haut en fait. La différence de mentalité avec ce que j’ai observé en Californie, mais aussi à Londres ou à Berlin, est énorme. Là-bas, nombre d’investisseurs sont et vont constamment à la recherche de l’équipe adoptant un bon esprit, ou d’une idée ou d’un produit à la croissance rapide.
Même si la pression (aussi celle au travail!) dans ces régions est nettement plus importante que chez nous, il y a une relation beaucoup plus équilibrée entre l’investisseur et l’entrepreneur. Mais nous nous retrouvons ici avec une pénurie de possibilités d’investissement organisé. Façon de parler, l’on pourrait rencontrer l’ensemble des investisseurs belges en 2 après-midis.
L’on observe aussi la tendance de voir s’en aller maints entrepreneurs en croissance, qui vont chercher leur salut à l’étranger. Souvent aux Etats-Unis, parce que ce plus vaste marché accélère encore la grandeur d’échelle, mais en Europe aussi, la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne se mettent à s’intéresser à nos entrepreneurs.
Une autre différence importante réside dans l’approche des médias. Les fondateurs sont des ‘héros’ dans certaines régions. Des ‘héros’, parce qu’ils risquent leur propre carrière et créent ainsi aussi des emplois pour d’autres. Ces entrepreneurs ne le voient eux-mêmes pas comme çà, car ils poursuivent souvent simplement leur idée, leur projet, leur rêve. Tel est certainement le cas sur la côte occidentale des Etats-Unis, mais l’on observe la même évolution à New York, Boston ou Berlin.
En Flandre, le programme TV ‘De kinderen van Dewindt’ a dû promouvoir l’entreprenariat chez les jeunes, mais je pense que je pourrais aisément inviter le nombre de nouveaux entrepreneurs que ce programme a suscités, au comptoir de mon café préféré. Ce qui manque, c’est un rapport systématique sur les histoires à succès et les échecs, sur les événements et les débutants, sur ce qui est possible et ce que l’on ne doit pas attendre.
Voilà pourquoi je suis très heureux que Data News accorde davantage d’attention à nos startups, car le besoin est grand.
‘Help to Start’
Nous sommes donc devant un choix important. Voulons-nous soutenir par tous les moyens une nouvelle génération d’entrepreneurs ou pas? Voulons-nous stimuler une culture entrepreneuriale ou continuer de patauger? Voulons-nous essayer d’attaquer en cette période de crise ou allons-nous nous retrancher complètement sur les économies à faire?
Je suis intimement convaincu que nous devons tout faire pour continuer de promouvoir l’entreprenariat dans tous les domaines. Nous sommes un pays de PME, et la technologie offre des possibilités de réinventer des industries. Si chacun de nous y met un peu du sien, que ce soit au niveau d’une entreprise ou d’une fonction, d’une organisation ou d’une association, ou encore par le biais d’un coaching de personnes motivées, nous progresserons déjà pas mal.
L’entreprenariat n’est pas uniquement le droit ou le devoir de quelques-uns, mais c’est un maillon important de notre société. Nous sommes englués dans une crise qui nous impacte tous. Et nous devrons tous nous serrer les coudes pour en sortir, chacun à sa manière. La solution passera entre autres par le soutien et la promotion de l’entreprenariat.
Nous entamons chaque année par de bonnes résolutions. Chez certains, c’est le ‘Start to Run’ chez d’autres, c’est plutôt le ‘Start to Cook’. Sans doute serait-il bon d’y ajouter le nouvel entreprenariat. Ou autre chose encore: le ‘Start to Start’, et à tout le moins le ‘Help to Start’.
Je souhaiterais pour terminer vous souhaiter une excellente année 2012 et surtout une bonne santé pour vous-même et pour vos proches.
Bart Becks est co-fondateur de Glechar Group, l’entreprise à l’origine notamment de SonicAngel et FilmAngel.TV. Il est aussi président du conseil d’administration de l’IBBT et administrateur de la RMB/RTBf. En outre, Bart est et a été impliqué dans plusieurs startups telles Storify, Netlog, Mobile Vikings, Zamante et InThePocket. Dans le passé, il fut CEO de Belgacom Skynet et Vice-President Innovation & New Media du groupe de médias paneuropéen SBS/ProSiebenSat1.
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