Nul besoin de menottes pour garder son personnel…
Les entreprises technologiques ont généralement conscience que leurs collaborateurs sont leur actif principal. Quoi de plus logique donc qu’elles se démènent pour ne pas laisser s’échapper ces billets de banque ambulants.
Gérer la rétention, à savoir l’art de conserver le personnel au sein de l’entreprise, est donc une expression émise avec tout le respect nécessaire dans les milieux des RH. Nous avons sondé quelques entreprises pour savoir ce qu’elles font exactement pour que leur espace de travail ne devienne pas un… pigeonnier.Les efforts en vue de satisfaire autant que possible le personnel s’amplifient toujours plus. Luk Denayer, CEO de Xylos, explique: “Il faut simplement veiller à ce que toute votre entreprise fasse en sorte que le personnel aime y travailler et soit fier de faire partie d’une équipe. Vous pouvez certes entreprendre des actions ciblées pour augmenter le sentiment de satisfaction, mais le plus important, c’est que cela soit réellement intégré à votre stratégie ‘business’. Il y a un an et demi environ, nous avons par conséquent lancé le projet ‘Employee Delight’, dont le but est de veiller à ce que tous les collaborateurs soient concernés par la stratégie de l’entreprise, et ainsi d’accroître la fierté de travailler pour celle-ci.” Luk Mettens, ‘senior manager HR Benelux’ chez Cisco, intervient à son tour: “La personne quasiment la plus déterminante dans le sentiment de satisfaction de chaque collaborateur est son chef direct. Voilà pourquoi nous avons orienté une grande partie de nos efforts sur ces managers de première ligne, pour les former à bien diriger. Chaque année, nous organisons par exemple un tour d’horizon complet de chaque manager de première ligne. A cette occasion, les informaticiens peuvent aussi avoir leur mot à dire quant à la stratégie. C’est comme cela que nous voyons quels chefs se tirent bien d’affaire et où se situent les problèmes, de sorte que nous puissions intervenir rapidement.Prendre le poulsLes enquêtes parmi le personnel sont clairement une manière de prendre le pouls des travailleurs. Les entreprises que nous avons contactées, indiquent qu’elles le font chaque année. “Cela nous apprend ce qui est vraiment important pour notre personnel et quelles sont leurs attentes pour l’avenir, avance Inge Janssens, ‘HR business partner’ chez Belgacom. “L’attractivité du travail à effectuer prend de plus en plus d’importance. Les informaticiens veulent relever des défis, et nous voulons leur en proposer. Nous invitons donc régulièrement nos informaticiens à un entretien et nous mettons leurs aspirations en parallèle avec les besoins de l’entreprise. S’il apparaît qu’ils en ont quelque peu assez de ce qu’ils font, nous recherchons une fonction mieux adaptée à leurs souhaits. C’est l’avantage de travailler dans une énorme entreprise comme Belgacom: on peut vraiment chercher tous azimuts. Cette année, nous souhaitons d’ailleurs aussi envisager des postes vacants dans d’autres entreprises de notre groupe, comme chez Proximus et Telindus. Il y a donc un tel éventail de possibilités que chacun peut y trouver son bonheur. C’est ainsi que l’an dernier, 6% des cadres ICT de l’entreprise ont changé d’emploi. La rotation par départ volontaire dans la division ICT et réseaux chez Belgacom n’atteint dès lors que 2,2%, ce qui est vraiment très peu.”Un autre point essentiel concerne la culture de concertation qui doit régner dans chaque entreprise. “Nous estimons que la vision des collaborateurs doit vraiment compter, explique Luk Denayer de Xylos. Cela implique évidemment qu’ils déterminent et aident à définir eux-mêmes toutes les étapes de leur carrière, mais ce n’est pas suffisant. Nous veillons aussi à ce que tout un chacun puisse collaborer activement à la stratégie de l’entreprise. Ce n’est qu’ainsi qu’on peut engendrer une implication. Voilà pourquoi nous disposons également d’un organigramme très plat. Il n’y a pas un nombre infini d’étapes entre les travailleurs et le CEO, ce qui est clairement apprécié.”L’entreprise comme terrain de jeuCisco indique ne pas avoir vraiment un programme de rétention en tant que tel, mais souhaite simplement créer un sentiment positif dans toute l’entreprise. “Ce à quoi nous accordons beaucoup d’attention, c’est l”employer branding’, ajoute Luk Mettens. Nous voulons donc être une entreprise aussi attrayante que possible pour travailler. Non seulement pour les futurs collaborateurs potentiels, mais aussi pour les employés actuels. 90 pour cent de nos informaticiens sont fiers de travailler pour Cisco et l’an dernier, nous occupions la sixième place sur la liste des meilleurs employeurs. La haute direction fait aussi de son mieux pour véhiculer cette image d’entreprise ‘sympa’. John Chambers, notre CEO, organise chaque mois ce qu’on appelle un ‘birthday breakfast’ auquel sont invités tous ceux et toutes celles qui fêtent leur anniversaire durant le mois et où vraiment toutes les questions peuvent être posées. Cela peut porter sur des décisions stratégiques, mais aussi sur le fait que Chambers porte toujours des chemises bleues… Malheureusement, cela se passe en Californie. Nous ne pouvons donc pas nous y rendre en chair et en os, mais nous suivons tout par visioconférence interposée.””Une entreprise de consultance comme Xylos éprouve cependant une difficulté supplémentaire pour créer ce genre de sentiment de groupe, estime Luk Denayer. Du fait qu’une grande partie de notre personnel travaille jour après jour dans une autre entreprise, il est malaisé d’avoir un esprit d’équipe prononcé. Nous faisons donc tout pour impliquer stratégiquement tout un chacun et pour tenir au courant de tout ceux qui travaillent à l’extérieur. Notre vision de la gestion de la rétention diffère d’ailleurs quelque peu de celle des autres entreprises. Alors qu’il est habituel de se demander pourquoi des personnes quittent l’entreprise et de prendre ensuite des mesures, nous inversons la tendance. Nous nous posons donc la question de savoir ce qui motive ceux qui restent chez nous et essayons de conserver, voire de développer leurs capacités. Il s’agit là d’une attitude nettement plus positive qui aide à créer une meilleur ambiance dans l’entreprise.”Moins matérialiste”En comparaison avec la ‘période dorée’ du changement de siècle, la concentration sur la gestion de la rétention s’est aujourd’hui quelque peu déplacée, déclare Luk Mettens. Avant, on travaillait surtout pour le salaire et tous les autres avantages. Aujourd’hui, les informaticiens ne s’en vont plus parce qu’ils reçoivent ailleurs une plus grosse voiture. Ce qui est nettement plus important pour eux, c’est l’équilibre entre leur vie privée et leur travail, ainsi que la flexibilité qu’offre l’entreprise.” Luk Denayer envisage ici deux explications: “D’abord, il y a le marché qui, il y a dix ans, en était encore à ses débuts et qui est aujourd’hui devenu mature. Le premier crash est passé, et l’on jette moins l’argent par les fenêtres qu’avant. Secundo, il existe tout simplement une nouvelle génération d’informaticiens qui arrivent et qui sont moins matérialistes que leurs prédécesseurs. Mais il va de soi que les salaires doivent être concurrentiels car personne ne viendra jamais travailler gracieusement.””Il ne faut pas non plus sous-estimer la formation, ajoute Inge Janssens. Belgacom tente d’y investir suffisamment. Nous possédons notre propre centre de formation, mais il y a également la John Cordier Academy de notre filiale Telindus. Les sessions durant lesquelles les employés se transmettent mutuellement leur connaissance des nouvelles technologies, sont aussi particulièrement appréciées. En moyenne, chaque collaborateur de Belgacom a suivi 42,7 heures de formation l’an dernier.”Toutes les entreprises craignent évidemment que leurs concurrentes ne s’emparent de leurs meilleurs éléments. Les entreprises interrogées indiquent dès lors aussi qu’elles appliquent des programmes spéciaux pour leurs collaborateurs les plus talentueux. “Chaque année, nous procédons à un passage en revue des talents en vue de définir la crème de la crème, ce qui représente 5% de l’entreprise. Nous élaborons un programme supplémentaire à leur intention, afin qu’ils puissent déployer toutes leurs compétences. Cette initiative est clairement appréciée car parmi ces ‘high potentials’, la rotation est quasiment nulle”, commente Luk Mettens avec satisfaction.Les informaticiens sont donc traités avec pas mal d’égards. Ils n’en sont pourtant pas tous convaincus. “Des entretiens de départ que nous avons avec tous ceux qui nous quittent, nous apprenons que la plupart ne s’en vont pas parce qu’ils sont mécontents, dévoile Luk Denayer. Ils ne partent donc pas à la concurrence, mais se sont rendu compte que le travail qu’ils faisaient, n’était pas fait pour eux. Ils vont donc faire quelque chose de tout à fait différent ailleurs. Ce sont donc surtout des personnes jeunes qui s’en vont.” Inge Janssens abonde dans ce sens: “Lors du changement de siècle, nous avons engagé beaucoup de personnel. Subitement, tout le monde avait du travail dans l’ICT, même ceux qui n’étaient pas vraiment intéressés. Ce sont ces gens-là qui quittent l’entreprise aujourd’hui parce qu’ils ont pris conscience que ce type de travail n’était pas leur tasse de thé.”
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