Les chatbots deviennent votre interlocuteur
Le service à la clientèle que vous contactez via Messenger en cas de problème avec un produit est de moins en moins souvent une personne physique. En effet, les systèmes automatisés, basés sur l’IA, prennent toujours plus l’ascendant. Mais les clients se sentent-ils suffisamment aidés par ces chatbots ?
Vous avez une question concernant votre réfrigérateur, votre smartphone ou n’importe quel autre produit que vous venez d’acheter ? Aujourd’hui encore, vous pouvez sans doute faire appel au service clients de votre fabricant, accessible durant les heures de bureau. Mais demain ? Désormais, les centres de service clientèle s’appuient toujours plus sur des bots automatisés capables d’assister le client plus rapidement. Si les chatbots ont été au départ des gadgets, ils s’imposent ces deux dernières années – notamment sous l’impulsion de Facebook qui supporte désormais plus de 300.000 bots sur sa plate-forme – comme une technologie majeure. Et une technologie qu’un nombre croissant d’entreprises adoptent largement ; pour preuve, la compagnie aérienne KLM, la chaîne de restauration Burger King et l’entreprise de médias Disney font d’ores et déjà appel à des bots Messenger.
Pourtant, la véritable révolution est encore à venir, estime Philippe Urbain, solutions director de la filiale belge de Dimension Data, un fournisseur sud-africain d’infrastructures IT qui construit des centres de contacts numériques pour de grands clients. D’autant que les entreprises belges n’ont pas encore vraiment osé franchir le pas : 4,2 % seulement des entreprises belges ont déployé un bot pour la communication avec leurs clients, tandis que 29 % envisagent de le faire dans les deux prochaines années. “Nous avons cinq ans de retard sur les Etats-Unis, estime Urbain. Reste que les entreprises belges commencent à comprendre que les choses changent dans la manière d’interagir avec leurs clients. Car c’est ce client qui détermine désormais les règles du jeu : la marque doit être directement à son service et il définit lui-même les canaux qu’il veut utiliser pour communiquer sur les produits. Cette rapidité et cette disponibilité deviennent toujours plus difficiles lorsque la communication ne passe que par des collaborateurs humains.”
Conversationnel
Au niveau des entreprises qui ont installé des bots pour répondre aux questions numériques de leurs clients, le helpdesk virtuel reste limité à la toute première ligne : globalement le travail de ‘perroquet’, soit les informations basiques que l’on retrouve également sur le site Web dans la Foire aux Questions (FAQ), et notamment les heures d’ouverture. En outre, les entreprises se sentent en général plus rassurées lorsqu’elles peuvent combiner les bots aux opérateurs humains, ceux-ci pouvant le cas échéant reprendre la main. Ainsi, lorsqu’un client est frustré, les réponses automatisées d’un bot informatique risquent souvent de renforcer encore le sentiment de frustration. “La technologie des centres de contact intelligents est certes aujourd’hui encore à un stade assez primaire, remarque encore Urbain. Mais le chemin est d’ores et déjà tout tracé vers des bots qui réagissent non seulement à des commandes, mais peuvent mener une conversation. Cet élément conversationnel prendra une importance majeure dans les prochaines années. De même, les bots seront capables de détecter toujours mieux vos émotions, notamment sur base du choix des mots par l’utilisateur, ce qui leur permettra d’adapter la conversation.”
Toutes ces évolutions seront rendues possibles par le développement de l’intelligence artificielle et du traitement en langage naturel, lesquels permettent de mettre au point des chatbots de service à la clientèle toujours plus intelligents. “Aujourd’hui, le schéma est le suivant : un bot prend en charge les services de première ligne, après quoi l’humain prend la relève”, ajoute Sjoera Roggeman, user experience designer auprès du prestataire de service IT iCapps. Mais à l’avenir, cette séparation sera toujours plus vague, mais cette évolution prendra du temps dans la mesure où il a déjà pas mal d’incompréhension entre deux personnes, ce qui ne fait qu’augmenter entre un homme et un ordinateur en phase d’apprentissage. De même, un client ne laissera pas beaucoup de chance à un bot : lorsqu’un problème survient, ce client spécifique abandonne directement. Pour l’instant, nous construisons toujours surtout des bots adaptés spécifiquement à telle ou telle entreprise ou destinés à exécuter une série de tâches prédéfinies. Mais avec la percée de l’intelligence artificielle, nous verrons apparaître des bots toujours plus intelligents et qui s’enrichiront en fonction des besoins des clients avec lesquels ils communiqueront.”
Et si votre frigo appelait lui-même le helpdesk ?
Selon Dimension Data, un nouveau canal est appelé à jouer un rôle sans cesse plus important dans la communication bot, à savoir l’Internet des objets. Si un problème se posait à l’avenir avec votre réfrigérateur du futur, celui-ci prendrait directement contact avec le service clientèle. L’émergence de cette communication IoT impliquera une approche totalement différente. “Il est possible que le helpdesk de l’avenir vous contacte directement, via le canal de votre choix, pour vous faire part d’un problème, estime Philippe Urbain de Dimension Data. Certes, la communication n’est pas encore à ce point avancée que des données de diagnostic soient transmises, mais il s’agit là évidemment d’une évolution logique dans le futur.”
La puissance de Messenger
Le pourquoi de la percée de chatbots de service à la clientèle saute clairement aux yeux : du fait de l’explosion de canaux numériques tels que le livechat et Twitter, les clients communiquent simplement toujours davantage avec le service clientèle des entreprises. Ainsi, pas moins de 77 % des entreprises interrogées à ce sujet par Dimension Data s’attendent à recevoir dans les prochaines années toujours plus de demandes d’aide de leurs clients. Et près de 70 % estiment que ce regain de demandes sera surtout traité par des systèmes de contacts numériques entièrement automatisés. De même, le nombre de canaux au travers desquels le client communique avec l’entreprise (qu’il s’agisse d’outils classiques comme le courriel et le téléphone, d’un formulaire sur le site ou encore d’un livechat ou de réseaux sociaux du style Facebook et Twitter) ne cesse d’augmenter : une entreprise moyenne entretient aujourd’hui, selon Dimension Data, 9 systèmes opérationnels, contre 10 d’ici 2018.
Dans cet ensemble d’outils, la messagerie instantanée offre le plus grand nombre de possibilités d’ automatiser la communication avec le client, cette technique étant plus directe que le courriel et beaucoup plus facile d’accès que le téléphone. Certes, il faudra un certain temps encore avant que la majorité des clients n’acceptent de communiquer par le biais de l’IA. “L’homme craint par nature ce qui ressemble à du vrai, tout en ne l’étant pas”, analyse Roggeman.
Heureusement, les clients millennials ne se laissent pas perturber par la technologie. “L’aspect générationnel est important à ce niveau, ajoute Urbain. Pour un quadragénaire, le canal n’a pas d’importance, aussi longtemps qu’il a une personne humaine à l’autre bout de la ligne. Mais pour un jeune d’une vingtaine d’année, peu importe que ses questions soient solutionnées par un bot pour autant qu’il reçoive une réponse pertinente. La jeune génération réfléchit tout simplement en termes numériques parce qu’elle a grandi avec les Webchats, les médias sociaux et les applications mobiles, et qu’elle utilise tous ces outils pour communiquer. Même lorsqu’elle dialogue avec des entreprises, elle n’éprouve aucune appréhension à converser avec un système automatisé.”
L’assistant numérique comme étape suivante
Des entreprises comme Coca-Cola, Domino et ING ont leur propre approche du chatbot de service à la clientèle : elles ont intégré l’assistant virtuel Nina dans leur site Web en faisant appel à Nuance Communications, une entreprise IT américaine qui développe notamment des applications de traitement en langage naturel (une part non négligeable de leur technologie s’appuyant sur la technologie de feu Lernout & Hauspie reprise à la curatelle de l’ancienne perle technologique belge). Nina adopte un tout autre schéma que le chatbot réceptif puisqu’elle noue une relation avec le client et mémorise également ses questions précédentes.
“Nina apprend à connaître le client, explique George Skaff, directeur mondial du marketing de Nuance Communications. Elle embraie lors d’une visite suivante sur la conversation qui avait été entamée à l’époque. Elle n’attend pas que le client pose une question, mais propose un ressenti global, une conversation, qui est reprise chaque fois que le client se connecte.”
Certes, Nina apprend constamment et s’inscrit, comme les chatbots ‘primitifs’, dans l’évolution de l’IA. Mais lorsqu’elle ne connaît pas une réponse, elle passe directement la main à un opérateur humain. “Le client ne sait pas s’il dialogue avec un système automatisé ou avec un être humain”, affirme Skaff.
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