ICT Woman of the Year: comment favoriser l’afflux féminin dans l’ICT?
Cette semaine, vous pouvez voter pour élire l’ICT Woman of the Year. Pour vous aider dans votre choix, nous donnons la parole aux trois personnalités nominées. Quels sont, selon elles, les principaux défis à relever au niveau de la diversité sur le lieu de travail et comment favoriser l’afflux féminin dans l’ICT?
La rédaction de Data News a annoncé lundi avoir nominé Caroline De Vos (Co-founder/COO SatADSL), Dewi Van De Vyver (Co-founder/CEO Flow Pilots) et Bieke Van Gorp (Co-founder/COO FibriCheck) dans le cadre de l’ICT Woman of the Year. Nous attendons à présent impatiemment vos votes. Vous avez jusqu’au 12 janvier inclus pour vous faire entendre via www.shegoesict.be, où nous présentons aussi les nominées. Vos votes pour l’ICT Woman of the Year comptent pour moitié. Le jury professionnel votera lui aussi ultérieurement et représentera l’autre moitié. Pour vous aider dans votre choix, nous avons posé quelques questions aux trois nominées.
Où se situe le principal défi à relever pour améliorer la diversité sur le lieu de travail?
Caroline De Vos: “Y travailler sur le lieu de travail, c’est trop tard. Le véritable défi à relever est d’attirer les jeunes filles vers des formations ICT. Un métier tel celui de programmeur peut offrir la flexibilité à laquelle tant de femmes s’intéressent. Il ne faut qu’une connexion internet pour pouvoir travailler. Le télétravail devrait donc être à coup sûr possible. Les employeurs doivent évidemment aussi offrir cette flexibilité dans la pratique. Et ils doivent déjà la promouvoir auprès des adolescentes pour les motiver à choisir l’ICT (ou l’orientation STEM).
Par ailleurs, il faut bien entendu être motivé pour être actif dans l’ICT. Tout y change rapidement et continuellement, ce qui fait que le travail n’est donc pas (toujours) conventionnel. Il faut pouvoir faire face au stress et à la vitesse. Il n’est pas toujours possible d’arrêter le travail à 17H pour le reprendre le lendemain à 9H. Parfois, il faut s’investir davantage, faire ce qu’il faut, veiller à atteindre un résultat et ne pas trop réfléchir. Il est important aussi que le partenaire respecte ce choix de carrière.”
Dewi Van De Vyver: “Il convient d’abord et avant tout de gommer le préjugé bien en place, selon lequel les professions exercées par les femmes sont orientées davantage vers les ‘soins’, alors que celles des hommes sont plus ‘hard’. Au daible aussi l’a priori que si des métiers se féminisent, ils deviennent moins intéressants pour les hommes et perdent en qualité, comme c’est le cas dans l’enseignement et les soins de santé. Comme si de par leur féminisation, ces emplois seraient moins valorisés. Voilà une rhétorique que nous devons toutes et tous fermement combattre.
De plus, c’est à mes yeux une grande opportunité que de miser davantage sur un meilleur soutien des ménages après la naissance des enfants. Avec les actuels congés de maternité et de paternité, les tâches organisationnelles ménagères sont encore trop souvent l’affaire des femmes. Le fait de ne pas reconnaître ou de nier délibérément les défis dans cette phase de la vie freine fortement l’épanouissement professionnel des femmes.
En outre, j’espère que nous puissions enfin communiquer réciproquement de manière vraiment ouverte, libre et sûre. Pouvoir dire que des plaisanteries sont drôles ou pas. Qu’une communication dépasse les bornes ou pas. Sans se voir attribuer immédiatement l’étiquette de ‘briseuse d’ambiance’, de ‘on ne peut plus rien dire alors’, voire de ‘#metoo’.”
Bieke Van Gorp: “Notre pays doit relever un grand défi. Pas moins de 86 pour cent des informaticiens dans notre pays sont des hommes. Nous nous situons ainsi au-dessus de la moyenne européenne de 83 pour cent, d’après les chiffres du bureau européen de la statistique et de la recherche Eurostat. Mais ce problème, nous devons le résoudre à la base, avant que les femmes n’arrivent sur le marché du travail. Il est donc important d’intéresser les filles dès leur plus jeune âge à l’ICT et à tout ce qui y a trait – si on restaure l’équilibre à ce niveau, il sera ensuite rétabli aussi sur le lieu de travail.
De plus, il y a aussi un besoin de modèles d’identification féminins. Chaque étudiant ou néo-diplômé masculin peut prendre comme modèle des dizaines de CEO et de dirigeants d’entreprises ICT, ayant chacun leur propre style de management. Malheureusement, il n’y a encore et toujours que peu de femmes au top de firmes technologiques. Les jeunes filles trouvent donc bien plus malaisément ‘quelqu’un à qui s’identifier’, qui a gravi les échelons. Or c’est vraiment très important pour les jeunes femmes qui, à côté de l’aspect professionnel, ont aussi des questions à poser à propos de la façon dont des femmes occupant une position en vue arrivent à la combiner avec une vie familiale dont font partie les enfants. Voilà pourquoi des initiatives comme celle-ci sont importantes.”
Miser sur STEM pour favoriser l’afflux de femmes dans l’ICT, est-ce la solution ou y a-t-il d’autres possibilités, encore meilleures?
Caroline De Vos: “Il faut d’abord intéresser les enfants et les jeunes en général à l’orientation STEM, afin qu’ils optent pour ce type d’études. Selon moi, il convient pour cela d’expliquer aux enfants comment les choses fonctionnent de manière très concrète et pratique. En démystifiant la technologie. “Pourquoi pouvons-nous parler avec toi, si tu es en Afrique?”, me demandent par exemple mes filles. Je tente alors de le leur expliquer. C’est ainsi que croît chez les enfants l’intérêt pour la façon dont les choses fonctionnent. Quel est le mécanisme qui se cache là derrière? Cela les motivera pour notamment “vouloir devenir quelqu’un qui invente des choses”, par exemple un ingénieur.
On pourrait réagir nettement plus à cela dans l’enseignement. Je suis moi-même venue parler des fusées dans la classe de ma fille de six ans. Les parents n’ont pas toujours de réponse fin prête à des questions de ce genre, mais en invitant en classe des parents qui connaissent le domaine, on peut fortement stimuler l’intérêt des enfants.”
Dewi Van De Vyver: “Je crois qu’il faut démarrer l’orientation STEM bien plus tôt, déjà en maternelle. STEM est aujourd’hui encore et toujours davantage lié aux garçons. Aujourd’hui encore, les enfants sont dès leur plus jeune âge répartis en garçons et filles avec tout ce que cela suppose: vêtements, jouets et pôles d’intérêt. Nos enfants sont sur YouTube et TikTok bombardés de vidéos insistant davantage encore sur cette distinction. On ne peut donc pas s’attendre à ce qu’à l’âge de 10 ans, on ramène l’équilibre avec 4 petites heures de STEM. On atteindra certes quelques filles, mais cela ne provoquera pas un gros afflux de femmes dans l’ICT. STEM ne peut pas faire partie de cette division. Il convient donc de lancer cette orientation le plus rapidement possible et de la considérer comme quelque chose de très normal convenant à tout le monde. Au même titre qu’apprendre à utiliser les ciseaux, à chanter des chansons ou à calculer.
Nous devons aussi mettre en évidence davantage de modèles féminins avec qui s’identifier et dire les choses comme elles sont. Le premier programmeur reconnu, Ada Lovelace, était une femme, et travailler avec des ordinateurs était initialement un job féminin. Ce n’est que depuis 1983 que les femmes sont de moins en moins représentées dans les sciences techniques: voilà qui devrait quand même remettre en question le credo, selon lequel ‘l’IT dans son ensemble est un secteur macho’.
Et je dirais aux hommes dans l’IT: initiez vos filles, même si elles ne semblent pas intéressées. Inculquez-leur les principes de base, apprenez-leur à penser de manière ‘computationnelle’, expliquez-leur l’impact de l’IT sur leur vie. Même si cela ne les intéresse guère aujourd’hui, qui sait, ce sera peut-être le cas demain.”
Bieke Van Gorp: “C’est une bonne chose que le plan d’action STEM ait été lancé, il y a quelques années. Du dernier recensement, il apparaît que cela commence à porter ses fruits et que davantage de garçons, mais aussi de filles optent pour une orientation STEM. Promouvoir celle-ci tant chez les filles que chez les garçons aura son importance dans les années à venir compte tenu de la pénurie sur le marché du travail.
Même si “le problème” débute, selon moi, encore beaucoup plus tôt qu’à l’école secondaire. Les jouets à connotation technique par exemple ciblent encore souvent typiquement les garçons.
A l’école secondaire, il est, d’après moi, important que les jeunes soient rapidement initiés à la programmation en aiguisant leur curiosité et en leur montrant toutes les possibilités. Mais il convient aussi d’expliquer spécifiquement aux filles que l’ICT, c’est bien plus que programmer. Je pense ici à la façon de s’y prendre pour résoudre des problèmes et créer des choses. Il convient que les applications soient les plus conviviales possibles, qu’un dialogue s’installe avec les utilisateurs des applications et que les produits en imposent du point de vue visuel. Dans une firme technologique (médicale) comme la nôtre, on fait bien plus qu’écrire du code.
Peut-être ne serait-ce pas non plus une mauvaise idée que de souligner davantage qu’un bon informaticien doit pouvoir collaborer dans un esprit d’équipe, et que ce métier est donc nettement plus social que certains le pensent encore et toujours. De plus, ce travail se prête souvent à un horaire flexible, ce qui ne devrait pas déplaire à beaucoup de femmes.”
Votre voix compte, mais n’attendez pas trop longtemps
Vous avez jusqu’au 12 janvier inclus pour voter sur www.shegoesict.be, où nous vous présentons du reste aussi les nominées. Vos voix compteront pour moitié. Le jury professionnel votera plus tard et représentera l’autre moitié. N’oubliez pas non plus de voter pour la Young ICT Lady of the Year: vous trouverez toutes les infos sur les nominées soit ici, soit sur www.shegoesict.be.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici