Formations ICT: après le rêve, l’action!
Il faut faire mieux en matière de formations ICT. Les responsables informatiques Daniël Sluysmans (Volkswagen Bruxelles, voir *), Stefan Seghers (Volvo Europa Truck) et Ludo Vandervelden (Toyota Europe) ne le savent que trop bien. “Au moins 5 jours de formation par an, tel est l’objectif.” Au vu des résultats de l’enquête salariale de Data News, la réalité reste très en-deçà: un quart des répondants n’ont pas suivi un seul jour de formation au cours de l’année écoulée.
Deux managers sur trois confirment une situation douloureuse: le recyclage des informaticiens est insuffisant. L’enquête salariale de Data News, réalisée cet été, a produit les chiffres qui le prouvent. Parmi les informaticiens interrogés, 25% n’ont pas reçu la moindre formation durant les douze derniers mois. Dans ces conditions, deux tiers le confirment, il est difficile, voire impossible, de suivre le rythme de l’évolution technique. Ludo Vandervelden l’exprime en ces termes: “Si vous n’êtes pas une ‘learning organisation’, vous ne pouvez pas avancer, surtout dans l’informatique.” Chez Seghers et Sluysmans, c’est le réalisme qui domine: “Quand je considère les formations suivies par nos informaticiens, c’est très peu en comparaison avec les objectifs et avec d’autres secteurs. Pourtant, ce n’est pas faute de volonté.”Chez nos deux ICT managers, l’objectif est de donner à chacun 5 jours de formation par an. Mais trop souvent, l’on en est encore très loin. “Nous arrivons rarement à 5 jours par an, admet Sluysmans. Ce n’est pas une affaire de priorités. Les priorités, nous pouvons les adapter. Il s’agit plutôt de force majeure, ou d’un défaut de vigilance. Le manque de temps peut aussi intervenir.” Seghers n’est pas entièrement d’accord. “La décision appartient aussi aux informaticiens eux-mêmes. Parfois, il n’y a pas de cours intéressants au programme. Il peut aussi arriver que l’employé ne s’intéresse tout simplement pas au recyclage à ce moment-là.””C’est vrai, il y en a chez nous aussi, réagit Ludo Vandervelden, de Toyota Europe. Mais quand j’examine nos statistiques internes de recours aux possibilités de formation, les informaticiens sont chez nous les plus gros ‘consommateurs’. Nous attendons même de leurs collègues externes qu’ils poursuivent leur formation, bien que sur ce plan, la culture de leur maison mère soit souvent différente. A tel point que nous avons déjà songé à rédiger une politique pour organiser le recyclage de ces personnes.”Sentiments mitigésSeghers et Sluysmans estiment que leurs collaborateurs sont assez autonomes pour juger eux-mêmes de ce qui est important. Le CIO est surtout là pour stimuler. “Nous encourageons à la formation, mais l’employé doit mettre au point son propre programme. Chacun a son propre ‘personal business plan’ et son ‘personal development plan’. Il prend lui-même l’initiative de la formation et en parle à son supérieur direct. Ensemble, ils complètent alors le ‘personal business plan’ suivant les besoins du salarié”, explique Seghers. Chez Volkswagen aussi, l’on compte sur l’initiative individuelle, mais cela ne va pas toujours comme sur des roulettes, commente Sluysmans. “Nous avons un service de formation central. Le département ICT est tenu de passer par ce canal, pourtant prioritairement axé sur les ouvriers. Raison pour laquelle il faut d’abord définir clairement le besoin: quel est l’objet de la formation souhaitée? Le service recherche alors un programme adéquat. La première chose à faire consiste donc à formuler le besoin. Ensuite, la demande passe par le service central, qui – et c’est normal – ne connaît pas très bien le marché des formations ICT.” Chez Toyota Europe, les formations sont plus dirigées, intervient Vandervelden. “Nous mettons nous-mêmes le doigt sur les domaines dans lesquels nos collaborateurs doivent s’améliorer. Mais la question centrale reste l’utilité de la formation: qu’elle dure 20 jours ou 2 jours, c’est son impact qui compte.”La qualité des formations disponibles suscite aussi quelques considérations chez nos CIO. “La qualité? Elle m’inspire des sentiments mitigés, commence Seghers. A l’issue de chaque formation, nous procédons à une évaluation interne. L’intéressé doit donner une note à la formation. Ces notes sont souvent moyennes. Certains instituts, que je ne nommerai pas, font systématiquement mieux que les autres.” Pour Sluysmans et Vandervelden, les programmes techniques sont plus intéressants. “Dans les compétences organisationnelles, il est très difficile de trouver une bonne formation,” confirme Sluysmans. Vandervelden est du même avis: “Si vous voulez dépasser le stade purement technique en Belgique, vous vous retrouvez très vite avec des gens bardés de titres. En Angleterre, par exemple, il y a beaucoup plus de diplômes de bachelier qui mettent aussi l’accent sur le management.”CertificatsSi Sluysmans devait choisir une seule formation pour tous ses informaticiens, il leur imposerait le cours de base que chaque membre du département doit suivre chez Volkswagen Bruxelles: l’orientation client. “Une sorte d’introduction générale au travail chez VW. Notre département ICT est un fournisseur de services interne. Comme nous travaillons pour des ‘clients internes’, ce genre de compétence est très important.” Même son de cloche chez Vandervelden. “Dans l’informatique, la compétence technique va de soi. La plus-value dont bénéficie le client interne dépend donc des aptitudes au management.” Seghers privilégierait la formation aux nouvelles technologies. “Il y a beaucoup à faire en matière de mobilité (matériel et logiciels), par exemple. Les modèles d’entreprise à base de PDA dont le logiciel tourne sur l’intranet, voilà qui est intéressant. Je suis moins enthousiaste quand il s’agit de variantes plus exotiques des environnements ICT, et naturellement des formations aux technologies passées, notamment un langage de programmation comme le Cobol.”Quant à l’intérêt des certificats, les avis sont partagés. “Le certificat n’est pas indispensable, estime Sluysmans. Pour nous, certaines connaissances techniques sont intéressantes, mais quand il faut accomplir tout le cycle de certification pour les obtenir, cela va trop loin. La certification demande trop de temps et d’effort par rapport à la valeur ajoutée du bout de papier.” Seghers approuve: “Je préfère investir plus de temps dans nos ‘frameworks’ et standards. Les certificats ne pèsent pas lourd dans les entretiens d’embauche. S’il y quelque chose que je trouve important chez un informaticien, ce sont ses compétences, par exemple pour un gestionnaire de base de données. Ces gens occupent une place essentielle dans le monde informatique, et ce sera encore plus vrai demain.” Seul Vandervelden reconnaît un certain intérêt aux certificats. “Mieux vaut l’avoir que de ne pas l’avoir. Pour moi, un certificat n’est pas un bout de papier inutile.”Et les IT managers?”Personnellement, en matière de formation, je puis être satisfait de mon année”, répond fièrement Seghers à la question de savoir si les CIO sont mieux lotis. “J’ai suivi à l’extérieur un cours de ‘business process management’ (BPM, les indicateurs de processus et le déploiement de KPI et de ‘balanced scorecard’ chez Amelior. Des 13 jours de formation ont été très profitables. L’an dernier, il n’en a pas été de même. Il faut que le calendrier s’y prête. Je suis de plus en plus souvent des formations orientées business. Et dans la pratique quotidienne, une bonne part des connaissances ICT proviennent de vos fournisseurs.” Il ajoute avec un sourire: “Pour rester au courant, je lis aussi des magazines comme Data News et je visite de temps à autres les sites internet intéressants.”Chez Sluysmans, le compte est moins bon. “Je n’ai pas suivi de formation ICT cette année, juste 3 jours de cours en ressources humaines. J’assiste aussi de moins en moins aux séminaires. Quand j’y participe, c’est qu’il est question d’organisation IT ou des nouvelles technologies comme RFID, WLAN, VoIP… Les séminaires plus techniques ne m’intéressent pas. J’essaie de lire beaucoup à propos de l’ICT et du ‘business’. Et je suis de près les publications d’instituts comme Gartner.””Chaque jour, je sais ce que je sais, mais aussi ce que je ne sais pas. Chaque jour, je peux apprendre une nouvelle information, acquérir une compétence”: telle est la devise de Vandervelden. “Mais pour apprendre, je n’ai pas nécessairement besoin de suivre des cours. Les réunions de ‘peer groups’, par exemple, sont très fertiles en informations. Quatre fois par an, j’assiste à des rencontres de CIO. C’est en parlant avec des collègues que je m’informe le mieux.”(*) A noter que l’interview de Daniël Sluysmans a été réalisée avant l’annonce des licenciements massifs à VW Forest.
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