Formation: l’ultime motivation
On dirait que l’industrie de l’ICT s’est progressivement remise de l’uppercut qu’elle a reçu en 2001. Les entreprises retrouvent enfin un peu de souffle et lors des réunions, le sujet ‘économie’ fait de nouveau place à ‘investissement’.
Le budget destiné aux formations augmente donc, bien que cela ne se traduise pas directement par une augmentation du nombre de jours de formation par membre du personnel. La formation ciblée, où l’informaticien assimile un maximum d’informations en un minimum de temps, est le nouveau mot-clé. Nous avons interrogé quelques sociétés de formation sur les nouvelles tendances de ce marché.Il y a une pénurie de personnel ICT sur le marché du travail. Et c’est en fait une bonne nouvelle pour les sociétés de formation car pas mal de personnes se sont ainsi converties en informaticiens. Mais ce n’est quand même pas la seule raison qui pousse à envoyer des gens à un cours. “Engager du personnel de qualité est une chose, le garder en est une autre, confie Dirk Phlips, ‘operations manager’ à la John Cordier Academy. Il est donc nécessaire de présenter suffisamment de défis à vos informaticiens pour qu’ils continuent volontiers à faire leur boulot. Pour cela, les recyclages sont très efficaces. On le remarque d’ailleurs dès le recrutement. Avant, un candidat était uniquement intéressé par le contenu de la fonction et le salaire. Maintenant, les jeunes gens demandent de plus en plus ce qu’ils vont apprendre chez leur futur employeur potentiel.”Apprentissage rapideL’une des conséquences du manque d’informaticiens, c’est que les meilleurs éléments sont pratiquement indispensables pour une société. On n’envoie pas comme ça ses poules aux oeufs d’or suivre des cours pendant deux semaines. “Alors qu’autrefois, on envoyait facilement un informaticien suivre cinq cours, aujourd’hui, c’est presqu’impensable, explique David Wouters, ‘business unit manager’ chez Dolmen. Maintenant, ce qui compte, c’est regrouper toutes les informations dont a besoin un informaticien pour son travail et lui faire acquérir ces compétences rapidement. Cela n’est possible qu’avec des formations sur mesure, la tendance par excellence dans le secteur en ce moment.”Le contenu des cours doit faire l’objet d’une discussion avec les entreprises concernées. Aujourd’hui, on opte souvent pour des cours vraiment ciblés, où les professeurs viennent en quelque sorte donner leurs explications sur le lieu de travail. On évite ainsi que l’élève ne perde du temps en apprenant des choses ‘inutiles’ pour lui. Naturellement, cela coûte plus cher aux entreprises de faire faire un cours sur mesure, mais ce coût est en grande partie récupéré en réduisant la durée de la formation.L’externalisation complète des formationsDe plus en plus d’entreprises veulent un partenaire unique pour toutes leurs formations. “Souvent, les entreprises s’en remettent entièrement à nous pour tout organiser et déterminer de quels cours chaque informaticien a exactement besoin, déclare Serge Pensaert, CEO de Keyjob Training. En réalité, elles ne stipulent que les compétences finales, et nous nous chargeons du contenu de l’ensemble des cours. La plupart du temps, nous commençons par soumettre tous les informaticiens à un petit test, simplement pour connaître leur niveau. Nous les répartissons donc en groupes de même niveau, pour lesquels nous définissons le programme des cours. Environ trois semaines après la fin du programme complet, nous effectuons encore un test pour voir si les compétences ont été acquises. C’est non seulement intéressant pour nous, mais aussi pour certaines entreprises où le fait de posséder certaines connaissances est par exemple lié à une augmentation salariale.”Un avantage supplémentaire lorsqu’on fait confiance à une seule entreprise, c’est que la formation est mieux étalée dans le temps. Autrefois, les sociétés osaient parfois employer la méthode ‘big bang’ qui consistait à envoyer tout un département au cours pour un mois. Ceci, dans le seul but de suivre le planning des sociétés de formation. C’est une chose impensable aujourd’hui. Si l’on planifie minutieusement, chaque travailleur est au cours environ un jour toutes les deux semaines, ce qui a peu d’effet sur le déroulement du travail. Le fait que des entreprises aiment travailler avec une même société de formation ne signifie d’ailleurs pas que cet institut dispose d’un professeur spécialisé pour toutes les parties de la formation. Pour les cours qu’elles ne proposent pas elles-mêmes, les sociétés de formation engagent simplement des experts externes.Quelle formation?L’e-learning est un mot magique qui, c’est le moins que l’on puisse dire, suscite des sentiments mitigés. Certains se montrent extrêmement enthousiastes, tandis que d’autres n’en pensent rien. La majorité des sociétés de formation belges ne sont pas très positives par rapport à l’apprentissage via l’internet et y investissent donc peu. “Développer un cours en ligne complet et de qualité demande énormément de travail, déclare David Wouters de chez Dolmen. Pour un petit marché comme la Belgique, il est quasi impossible de rentabiliser un tel projet. C’est pourquoi nous ne proposons pas de modules d’e-learning complets. Nous savons que l’apprentissage purement virtuel n’est pas vraiment facile. À peine 5% des informaticiens retirent autant d’un e-cursus que d’une formation ordinaire. Cela ne veut pourtant pas dire que nous laissons totalement l’internet de côté car nous proposons souvent des formations sur mesure qui se font en partie en classe et en partie par l’étude personnelle. On a donc ainsi le meilleur des deux méthodes: la flexibilité de l’e-learning alliée à la possibilité d’avoir un contact direct avec un professeur.”Classique ou non?Les formations classiques accessibles à tous (‘open’), où les informaticiens suivaient un cours en groupe pendant un nombre de jours bien défini, sont-elles finies pour de bon? “Ma foi, nous voyons naturellement diminuer la demande pour des formations de ce genre, confie Peter Coppens, ‘business unit manager training & productivity services’ chez Xylos. En ce moment, environ la moitié de nos formations sont des formations accessibles à tous, tandis que l’autre moitié est du sur-mesure. Ce sont surtout les formations sur les nouvelles technologies, auxquelles assistent principalement des administrateurs systèmes, qui se déroulent encore souvent de manière classique. C’est un peu logique car, au moment où la formation est suivie, cette technologie est rarement présente dans l’entreprise. Il est donc quasi impossible de créer une formation sur mesure. Mais la plupart des autres cours que nous donnons sont principalement faits sur mesure.”Keyjob Training a même vu la demande pour les formations accessibles à tous passer de 2/3 du chiffre d’affaires (il y a deux ans) à seulement 30%. Le CEO Pensaert voit une autre raison expliquant la baisse de popularité de l’enseignement classique: “Il est logique que ce soient surtout les collaborateurs de petites entreprises qui s’inscrivent à des formations accessibles à tous. Faire élaborer un cours sur mesure pour à peine deux personnes coûte tout simplement trop cher. Ces PME utilisaient souvent les chèques formation pour payer les cours. Maintenant que ceux-ci ont disparu, nous remarquons une demande nettement moins importante pour des formations accessibles à tous.”Seule la John Cordier Academy observe une reprise des formations classiques que Phlips explique ainsi: “Maintenant que les entreprises se portent bien, elles souhaitent octroyer un petit extra à leur personnel. Les formations à l’extérieur font partie de ces extras: le personnel se retrouve dans un bel environnement, profite d’un bon repas à midi et peut se débarrasser pendant tout ce temps du stress du boulot. C’est une chose qu’il ne faut pas sous-estimer.”Hot or not?Il est difficile de dire avec précision quelles sont les formations les plus populaires en ce moment car à peu près toutes les personnes interrogées ont donné une réponse différente. La demande de formations de pure programmation (C++ ou Java, par exemple) semble quand même diminuer auprès des sociétés de formation. En effet, les personnes qui veulent suivre ce genre de cours s’adressent plutôt à une haute école ou au FOREM ou à l’ORBEM. Ceci contre la volonté de certaines sociétés de formation qui considèrent ces instituts subsidiés par l’État comme de la concurrence déloyale.Il ressort également que les connaissances préalables des utilisateurs ne cessent de s’améliorer. “On le remarque surtout au cours relatif à Office, par exemple. L’époque où nous apprenions sur quel bouton cliquer pour envoyer un mail dans Outlook est bel et bien révolue. Aujourd’hui, on nous demande plutôt comment faire pour mieux gérer sa boîte aux lettres, par exemple”, confie-t-on chez Dolmen.Tendance étonnante observée l’année passée: la demande de formations informatiques pour des non-informaticiens. Le directeur des RH aussi utilise un PC toute la journée, alors qu’il ne sait probablement qu’à moitié comment il fonctionne. Ces cours de base sur Office (surtout) étaient assez populaires l’an dernier, mais cette progression semble à présent calmée. Peut-être s’agissait-il d’une manoeuvre de rattrapage qui a malheureusement pris fin.Continuer à évoluer2006 a donc été une bonne année pour les sociétés de formation, à peu de choses près comparable à l’âge d’or qui a précédé l’année 2001. Mais cette tendance positive se poursuit-elle? “Oui!, répondent en choeur les clients. Les premiers mois de l’année 2007 ont déjà montré une amélioration par rapport à l’année précédente, et le carnet de commandes est de nouveau rempli pour après l’été. Peter Coppens de chez Xylos donne l’explication suivante: “Nous sommes un Microsoft Certified Partner et sommes donc très étroitement liés au géant des logiciels. Si Redmond décide une année de ne pas effectuer d’importantes mises à jour de ses programmes, nous le ressentons évidemment. Mais avec Exchange Server 2007, SharePoint, Windows Vista et Office 2007, je pense que nous sommes gâtés cette année.”D’autres entreprises font également confiance à la carte Microsoft pour couvrir leur année. “En 2008, de nombreuses sociétés migreront vers Windows Vista, prévoit Serge Pensaert de chez Keyjob Training. Évidemment, un cours sur ce nouveau système d’exploitation ne dure pas une semaine: une demi-journée suffit pour expliquer les différences par rapport à Windows XP. Mais si une grande société envoie un millier de travailleurs à ce genre de cours, cela représente d’importantes rentrées pour nous.”Pourtant, Marc Crauwels, administrateur adjoint d’Info Support, veut un peu tempérer cet enthousiasme: “Naturellement, c’est bien que les sociétés fassent de nouveau des bénéfices et réinvestissent dans les formations. Mais j’ai peur que l’on ne jette un peu trop l’argent par les fenêtres. Et pas seulement pour les formations. J’ai déjà entendu parler d’informaticiens ‘rachetés’ à des entreprises pour des montants absurdement élevés. Je crains un peu que l’histoire ne se répète et que l’on ne connaisse un nouveau crash important d’ici cinq ans.”Certaines sociétés sont pourtant très attentives aux prix qui diffèrent parfois considérablement. Certains formateurs sont accusés par leurs concurrents de faire du dumping. Lorsqu’il s’agit de cours apparemment identiques, les clients ont parfois tendance à choisir le meilleur marché.Qui veut un certificat?”L’intérêt pour la certification en Belgique n’est pas si important, confie Dirk Phlips de la John Cordier Academy. Nous sommes également actifs aux Pays-Bas et là-bas, les certificats sont prioritaires. Dans notre pays, l’intérêt diminue même, j’ai l’impression. Une des causes possibles peut être le fait que les sociétés craignent qu’un tel certificat soit trop attrayant sur le marché du travail et leur fasse perdre leur personnel.”Il n’est pas étonnant que le calculateur Marc Crauwels de la société d’origine néerlandaise Info Support trouve le comportement des sociétés belges insensé: “Les travailleurs ne quittent jamais ou que très rarement une entreprise dont ils sont vraiment satisfaits. Et croyez-moi: s’ils cherchent un autre boulot, ils le trouveront vite, certificat ou non. Il est donc absurde de considérer la certification comme une menace. C’est justement une bonne motivation pour un informaticien qui l’incitera davantage à rester auprès de la société!”
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