Evelien Vanhooren, partenaire chez delaware Belux, est la nouvelle Leading ICT Lady of the Year. © Debby Termonia

Evelien Vanhooren, Leading ICT Lady of the Year: ‘Parfois, les femmes ont besoin d’un petit coup de pouce’

Kristof Van der Stadt
Kristof Van der Stadt Rédacteur en chef chez Data News

Evelien Vanhooren, partenaire chez delaware Belux, est la nouvelle Leading ICT Lady of the Year. Elle évoque avec Data News sa carrière, ses vingt ans d’expérience, les défis que rencontrent les femmes dans le secteur ICT et sa vision du leadership.

Félicitations pour ce titre de Leading ICT Lady of the Year ! Qu’est-ce que ce prix signifie pour vous ?

Evelien Vanhooren: Merci. C’est un immense honneur et une reconnaissance pour mon travail et celui de mon équipe chez delaware. À mes yeux, ce prix est surtout une opportunité de faire passer un message : les femmes ont leur place dans le secteur ICT et peuvent faire une énorme différence. Cela me motive à poursuivre ce que je fais depuis des années déjà, à savoir inspirer et soutenir les autres, surtout les femmes qui doutent de leur capacité à pouvoir concrétiser leurs ambitions.

Pouvez-vous rembobiner le film de votre carrière ? Comment êtes-vous arrivée dans le secteur IT ?

Vanhooren: Il n’était pas écrit dans les étoiles que je devrais travailler dans le secteur IT et ma formation n’était pas vraiment liée au domaine de l’IT. En fait, j’ai étudié l’économie appliquée à Leuven, après quoi j’ai suivi une formation d’un an en general management à Vlerick à Gand. L’IT s’est invitée sur mon parcours via une opportunité chez delaware, qui s’appelait encore à l’époque delaware IT Consulting. Mon (futur) mari travaillait pour delaware que j’ai dès lors appris à connaître. Ce qui m’a séduit, c’est que le travail était concret et que l’on voyait les résultats. En outre, j’aime travailler avec des gens et cet aspect était très présent. C’est à l’époque que j’ai découvert rapidement que ma satisfaction venait de résoudre des problèmes et d’aider des gens. Cette satisfaction et les sourires que je recevais en retour continuent à me remplir de joie. Pouvoir accompagner les gens dans leur transformation numérique et ressentir de la gratitude : il s’agit là toujours de ma principale source de motivation.

En regardant votre CV, on constate que vous travaillez désormais depuis vingt ans déjà chez delaware, encore toujours votre premier employeur donc. N’avez-vous jamais été tentée de naviguer vers d’autres eaux ?

Vanhooren: La diversité est ici la recette magique, à mon humble avis. J’ai d’abord suivi une carrière classique de consultante en commençant par analyste pour évoluer vers cheffe de projet, puis responsable de programme, à chaque fois chez des clients. Ce faisant, j’ai réalisé des projets très différents dans de nombreux secteurs et avec également des processus différents, passant de l’ERP à l’optimisation de processus. Il s’agit là déjà d’un aspect qui offrait une grande variété. Mais en parallèle, je me suis vu confier des missions en interne portant sur l’innovation et le développement de nouvelles solutions pour les clients. Il s’agissait en l’occurrence d’identifier de nouvelles tendances, de les mettre en œuvre et de les commercialiser ou de les intégrer dans de nouvelles solutions. C’est cette combinaison, d’une part la proximité du client et, d’autre part, l’implication dans l’organisation interne, qui m’ont permis d’évoluer. Depuis trois ans, je suis également associée de delaware Belux, ce qui démontre que tout est possible.

Evelien Vanhooren © Debby Termonia

Sur les 27 associés de la structure Belux, vous êtes la seule femme. Comment l’expliquez-vous ?

Vanhooren: C’est évidemment une position spéciale, et cela démontre qu’il y a encore du chemin à parcourir. Il s’agit d’un problème persistant dans l’ensemble du secteur, et pas seulement chez delaware. Dans d’autres zones géographiques, comme l’Asie, on constate d’ailleurs qu’il y a nettement plus de femmes aux positions de niveau C chez delaware. Mais aux États-Unis, il n’y en a en revanche aucune. En Europe, nous sommes quelque peu en retard. On remarque pourtant qu’il y a toujours plus de filles diplômées des études STEM, mais cet apport ne se traduit pas encore dans les postes de direction. J’essaie de profiter de mon rôle pour inspirer d’autres femmes. À mes yeux, il est important que les jeunes femmes se rendent compte qu’il est possible de progresser et d’occuper des fonctions dirigeantes dans un secteur qui est souvent considéré comme masculin.

Comment expliquez-vous qu’il y ait davantage de femmes à des fonctions de direction en Asie ?

Vanhooren: C’est largement une question de culture. Dans des pays comme Singapour ou les Philippines, les femmes sont mieux représentées dans les fonctions dirigeantes. C’est un exemple à suivre pour les autres. Ici en Europe, les femmes rencontrent moins souvent des modèles dans leur environnement direct, ce qui fait qu’elles ont moins tendance à oser franchir le pas. Il s’agit certainement d’un cercle vicieux que nous devons briser.

Que faudrait-il pour voir davantage de femmes à des fonctions dirigeantes ?

Vanhooren: Je suis convaincue que les femmes ont parfois besoin d’un petit coup de pouce supplémentaire. Les femmes veulent être sûres à 200% avant d’entamer quelque chose, alors que les hommes osent se lancer avec 80%. Nous devons les encourager à saisir leurs chances, les inciter à sortir de leur zone de confort et à aller de l’avant. C’est ce que nous faisons chez delaware, notamment en proposant des programmes de mentoring et en organisant des formations au leadership qui permettent de conscientiser les collaborateurs à l’importance de la diversité et de leur expliquer la manière de l’intégrer au sein des équipes. Ces formations concernent d’ailleurs aussi la neurodiversité par exemple.

Reconnaissez-vous le syndrome de l’imposteur chez les femmes ?

Vanhooren: Absolument. Les femmes sont souvent plus prudentes et pensent ne pas être suffisamment capables. Elles minimisent leurs propres prestations et doutent de leurs capacités. Mais lorsqu’elles vont de l’avant, elles reçoivent en général des réactions positives et constatent que leurs doutes n’étaient pas fondés. Il est important de briser ce schéma et d’aider les femmes à renforcer leur confiance en elles. Je l’ai d’ailleurs expérimenté personnellement. À partir du moment où j’ai pris un peu de hauteur, par exemple lorsque j’ai participé au Leading ICT Lady of the Year, j’ai eu immédiatement des réactions d’encouragement. Cela prouve à mes yeux que c’est et que cela reste nécessaire pour d’autres femmes : cela ne peut qu’avoir un rôle d’amplificateur. Comme je l’ai dit: les femmes veulent souvent d’abord que tout soit parfait avant de saisir leur chance. Je remarque d’ailleurs que les femmes se mettent parfois elles-mêmes des bâtons dans les roues. Elles ont en général besoin d’un encouragement pour dissiper leurs doutes et aller de l’avant. J’essaie dans ma fonction d’être précisément ce coup de pouce.

Cela se traduit incontestablement aussi dans votre style de management. Comment le décririez-vous ?

Vanhooren: Je suis très accessible et attache beaucoup d’importance à une communication claire et ouverte. Je suis proche des gens et j’essaie d’assumer un rôle de coach. Je donne du feedback constructif et réalisable, afin que les gens puissent vraiment l’exploiter. Je trouve qu’il est important de créer un environnement où chacun se sent bien et peut pleinement déployer ses talents. Pour moi, une communication ouverte et des objectifs réalistes sont cruciaux. J’essaie d’accompagner les gens en fonction de leurs besoins. Par exemple, si une personne éprouve des difficultés à parler en public, nous y travaillons pas à pas. Cela n’a aucun sens d’obliger quelqu’un à s’exprimer d’emblée devant mille personnes : il vaut mieux commencer petit. Sans pour autant le voir comme quelque chose de petit. Le leadership authentique est pour moi très important : rester fidèle à qui on est et vous obtiendrez le meilleur de vous-même et des autres.

Quelle est la taille de l’équipe que vous dirigez ?

Vanhooren: Au sein de delaware, je suis co-responsable du hub Business Applications, une équipe d’environ 500 à 600 personnes. Dans ce hub, je suis également sponsor pour tout ce qui concerne SAP Public Cloud et, par ailleurs, j’assume également la responsabilité de l’entité Incubateur.

Qu’est-ce que cela implique-t-il précisément ?

Vanhooren: L’entité Incubateur se concentre sur les solutions et les innovations futures qui ne sont pas encore totalement matures. Nous leur accordons une attention particulière ainsi que les moyens et l’encadrement nécessaires pour évoluer et éventuellement devenir un produit ou un service à part entière. La durabilité constitue à cet égard un exemple parlant. Nous estimons qu’elle renferme un potentiel énorme et entendons aider nos clients à atteindre leurs objectifs de durabilité. Dans cet incubateur, on retrouve souvent un mélange de technologies et d’approches. Mon rôle à ce niveau est souvent de faire le lien : je rassemble des personnes, des technologies et des idées pour en arriver à des solutions de meilleure qualité.

Evelien Vanhooren © Debby Termonia

Disposez-vous vous-même d’un bagage technique ?

Vanhooren: Pas vraiment. Je ne suis pas informaticienne au sens propre. Je n’ai pas étudié l’informatique et ne sais pas programmer, mais bien configurer. Mais ce n’est pas nécessaire non plus. Il y a beaucoup d’emplois dans l’IT où il n’est pas nécessaire d’avoir un bagage technique, j’en suis d’ailleurs la preuve puisque je travaille depuis plus de 20 ans dans le domaine IT (rire). Mais mon point de départ n’est jamais la technologie en soi. Je me concentre toujours sur la compréhension des besoins des clients et de leurs défis métier, ainsi que sur la manière dont la technologie peut les aider. Je fais en réalité office de pont entre le métier et l’IT. L’IT n’est pas seulement une question de technologie, mais plutôt d’analyse des demandes des utilisateurs. Ma force réside dans la traduction des besoins en solutions. D’ailleurs, l’empathie et la communication sont au moins aussi importantes que la connaissance technique.

Comment voyez-vous l’équilibre des genres dans le secteur IT ? Pensez-vous que l’on en arrivera un jour à un 50-50 ?

Vanhooren: Je crois que certaines choses sont ce qu’elles sont. Les hommes sont en général plus intéressés par la technologie et optent pour des formations techniques : cela va sans doute rester ainsi. Pour certaines fonctions techniques, je constate que l’apport des femmes reste plus limité. Peut-être n’est-ce d’ailleurs pas tellement grave pour certaines fonctions, mais nous devons certes continuer à essayer de promouvoir la diversité. En stimulant les filles à un très jeune âge à s’intéresser à la technologie, en brisant les stéréotypes et en montrant que l’IT n’est pas uniquement faite pour les hommes. Il est important de rendre le secteur plus accessible aux femmes ainsi que de leur permettre d’évoluer. Les modèles jouent à cet égard un rôle crucial. J’entends vraiment insister sur cet aspect afin de montrer que les femmes peuvent faire carrière dans l’IT et ne pas décrocher trop rapidement.

Quelle est votre position face aux quotas ?

Vanhooren: Je n’y suis pas favorable. J’estime qu’il est important que les compétences et les capacités soient le moteur, pas le genre. Nous devons promouvoir la méritocratie où chacun reçoit sa chance, indépendamment du sexe, de l’origine ou de tout autre facteur. Les quotas peuvent constituer une solution temporaire, mais à long terme, nous devons tendre vers un changement des mentalités et une culture inclusive.

Vous êtes-vous un jour vous-même sentie discriminée ?

Vanhooren: Pas vraiment ou du moins pas comme femme dans un contexte professionnel. Honnêtement, je me suis sentie davantage discriminée comme jeune que comme femme. Comme jeune consultante, je n’ai parfois pas été prise au sérieux par les clients hommes plus âgés. Mais ce sentiment a disparu au fil du temps, à mesure que j’avais plus d’expérience et que j’ai prouvé mes compétences.

Comment envisagez-vous l’évolution de votre carrière ?

Vanhooren: J’aimerais continuer à renforcer les liens entre les différents pays dans lesquels delaware est actif. Nous sommes une entreprise internationale et je suis intimement convaincue de la plus-value du partage de connaissances et de la collaboration au-delà des frontières. Par ailleurs, je veux continuer à m’investir dans la présence des femmes au sein de la direction générale. Il s’agit là d’un thème qui me tient particulièrement à cœur.

« Je fais en réalité office de pont entre le métier et l’IT. »

Vous êtes également très active dans la durabilité, comme nous l’avons entendu lors de votre présentation face au jury.

Vanhooren: Effectivement. La durabilité est une opportunité pour le marché et un potentiel pour la planète et la communauté en général. Le fait d’y contribuer me donne de l’énergie et un sentiment de satisfaction. Il s’agit d’un thème qui me parle personnellement et qui s’inscrit parfaitement dans les valeurs de delaware.

D’où vous vient ce dynamisme pour monter au front ?

Vanhooren: Vous savez, j’ai été élevée entourée de femmes fortes et volontaires. Ma mère, ma grand-mère, etc. Elles m’ont inspirée à réaliser mes rêves et ne craignaient pas d’exprimer leurs opinions. Et, comme vous le voyez, cela réussit, dans l’IT également. Quant à savoir si je me considère comme un modèle… (elle réfléchit) Je désire surtout montrer que ce n’est pas forcément difficile. Faites comme vous le sentez et tout ira bien. Soyez authentique, travaillez et croyez en vous. Mais surtout aussi : ne renoncez pas trop vite, persistez et osez aller de l’avant. Et n’oubliez pas de vous faire plaisir de temps en temps et de profiter (rire). Il s’agit d’ailleurs là de valeurs que j’essaie de transmettre à mes enfants, outre une curiosité saine et une attitude positive. Je voudrais qu’ils soient ouverts aux nouvelles expériences et ne craignent pas de commettre des erreurs. Et je veux certainement leur apprendre à persévérer et à se battre pour atteindre leurs objectifs.

Y a-t-il eu des moments où vous avez pu donner ce fameux coup de pouce à quelqu’un ?

Vanhooren: Oui, et à différents stades. À des personnes qui stagnaient à un certain niveau ou qui envisageaient de nous quitter parce qu’elles ne pouvaient exprimer tout leur potentiel. En les coachant, en les proposant des défis et en leur faisant prendre conscience de leur valeur, j’ai pu les aider à avancer.

Si vous avez un message à faire passer à la jeune fille que vous étiez au début de votre carrière, que lui conseilleriez-vous ?

Vanhooren: De commencer plus tôt à réseauter et à établir des contacts. La puissance d’un réseau est souvent sous-estimée alors qu’il peut donner un boost énorme à une carrière. Osez aborder les gens, partagez vos connaissances et vos expériences et construisez des relations. Le problème est que l’on ne se rend compte que plus tard dans sa carrière qu’un réseau est nécessaire. Au début, on ne s’y intéresse que trop peu.

Avez-vous un jour, compte tenu de votre passion et de votre motivation, envisagé de lancer votre propre société ?

Vanhooren: Non, pas vraiment. Chez delaware, je dispose de l’espace et de la flexibilité pour grandir et prendre de nouvelles initiatives. Je me sens ici chez moi et je partage la mission et les valeurs de l’entreprise. Je me vois rester ici un certain temps encore, surtout depuis que je suis devenue associée (rire).

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