L’inclusion sur le lieu de travail: la solution miracle n’existe pas
Les CEO et directeurs (RH) le confirment: l’inclusion et la diversité sur le lieu de travail sont des thèmes d’actualité dans les technologies. Or une solution miracle ne semble pas exister.
Mesurer c’est savoir. Et le feeling est à bannir. En effet, ce sont les actions concrètes qui font finalement la différence dans la mise en place d’une stratégie d’inclusion et de cadre de travail diversifié. Ce constat, le secteur technologique l’a fait progressivement. Mais dans le même temps, il s’est mis en quête de solutions pertinentes. C’est du moins la conclusion a laquelle sont arrivées les chercheuses Anouck Van Couter et Ilse Lievens dans leur projet ‘Level IT Out’ mené dans le cadre d’une collaboration entre la haute école Artevelde, Agoria, Inclusion Now, NLdigital et Tech Talent Charter et intitulée fort à propos ‘Werken aan Inclusie en Diversiteit (I&D) in de tech’. [L’inclusion et la diversité au travail dans les techs, NDT]
Entre mars et juin 2021, les chercheuses ont interrogé au total 393 CEO (9%), directeurs RH (8%), cadres et employés (83%). Une première conclusion claire s’impose: tous les acteurs considèrent l’inclusion et la diversité (I&D) comme un thème majeur. Ouf! Les CEO d’entreprises technologiques ajoutent que l’I&D est non seulement un thème d’actualité, mais restera important à l’avenir également.
Les motivations des entreprises à investir dans l’I&D sont variées, mais quatre ressortent manifestement dans toutes les catégories de fonction interrogées: pallier l’absence de talents divers, stimuler l’innovation par des modes de pensées plus divers, améliorer les performances de l’ensemble de l’équipe et créer un environnement de travail inclusif. En revanche, l’amélioration des résultats financiers ou de renforcement des relations clients ne figurent pas – étonnamment peut-être pour certans les motivations principales.
Travail d’équipe
Mais ce n’est pas parce que l’I&D est considérée par tous comme un point d’attention que des mesures concrètes sont d’emblée mises en oeuvre. C’est ainsi que 24% des CEO précisent que le sujet n’a jamais été à l’ordre du jour du comité de direction. A l’autre extrémité du spectre, les chercheurs constatent que 21% mettent l’I&D chaque trimestre à l’agenda.
Par ailleurs, l’enquête révèle que plusieurs personnes sont impliquées dans l’organisation par le thème de l’inclusion, qu’il s’agisse de CEO, des RH, parfois d’un département I&D spécifique ou des employés à des niveaux divers. Voilà qui prouve que l’inclusion et la diversité sont perçues dans la plupart des entreprises comme une mission commune – ce qui est certainement encourageant. Il n’empêche qu’à l’heure actuelle, il n’existe encore que peu de données démographiques sur l’I&D au-delà de l’âge et du sexe. Exploiter davantage de données est d’ailleurs l’une des recommandations majeures des chercheuses, car ‘mesurer c’est savoir’ comme nous l’écrivons en guise d’introduction.
Que peuvent faire les entreprises?
Sans doute la conclusion la plus importante de ce rapport est qu’il n’existe pas de solution miracle globale applicable à toutes les organisations. Lorsqu’elle envisage une politique d’inclusion et de diversité, l’entreprise se doit de prendre en compte sa propre culture interne, sa stratégie et ses objectifs. Adopter une approche essai-erreur ne peut pas être une mauvaise chose.
Cela étant, le rapport avance huit recommandations..
1 Associez l’ensemble des acteurs
Un véritable changement ne peut intervenir que si l’ensemble des acteurs de l’entreprise est convaincu des avantages que peuvent apporter l’inclusion et la diversité. Ces avantages ont pourtant été régulièrement mis en lumière ces dernières années dans la littérature spécialisée et dans des études de Bersin et McKinsey & Company notamment. Ainsi, les organisations inclusives affichent de meilleurs résultats financiers et attirent davantage de talents diversifiés. Une fois l’ensemble des acteurs ’embarqué’, vous pouvez définir des objectifs concrets et des KPI. Or l’enquête montre que tel n’est que trop rarement le cas, à nouveau en l’absence de données quantifiables.
2 Collectez des données
Améliorer une situation n’est possible que si l’on sait exactement où l’on se situe: collectez un maximum de données démographiques sur vos collaborateurs et leur perception de l’inclusion. Même s’il est évident que c’est plus facile à dire qu’à faire. De telles données seront de préférence anonymisées, tandis que la collecte anonyme de ces informations n’a rien d’évident. L’enquête évoquée dans cet article est d’ailleurs l’une des premières tentatives d’analyse de données en matière d’I&D dans le secteur technologie belge et néerlandais.
3 Créez une culture inclusive dans l’organisation
Les cadres de votre entreprise doivent être sélectionnés et formés à penser plus large et à veiller à promouvoir l’inclusion. De même, les employés et les cadres doivent pouvoir oser réagir à un comportement inapproprié. Songez à des blagues ‘sexistes’, à des remarques homophobes ou même à un comportement tout simplement raciste. Il appartient aux entreprises de mener des discussions ouvertes à ce sujet, de même qu’à aborder les nombreux malentendus et préjugés qui peuvent régner.
4 Recrutez des talents divers
Evoquer le faible apport de talents divers dans le secteur technologique revient à enfoncer une porte ouverte. Au-delà d’actions menées pour stimuler les STEM, les entreprises peuvent s’efforcer selon l’enquête de s’adresser dès le plus jeune âge à des groupes sous-représentés pour leur présenter les possibilités de carrière dans les technologies. Songez à des visites d’entreprise par les écoles ou inversement à des présentations d’un représentant de l’entreprise dans les écoles, sans oublier la présence sur des salons et événements technologiques et scientifiques. Par ailleurs, se pose la question de la discrimination effective ou sous-jacente dans toutes les phases du processus de recrutement et de sélection. La bonne nouvelle est qu’il est possible d’y remédier en sensibilisant notamment les employés RH à des ‘biais’ inconscients’ ou en utilisant un langage neutre en termes de genre dans les offres d’emploi. Mais il est aussi possible d’activer d’autres canaux – plus diversifiés – dans les campagnes de recrutement. Enfin, pourquoi ne pas envisager de revoir en profondeur les tests de sélection.
5 Pourquoi pas un programme de mentorat?
Lors de l’engagement de nouveaux collaborateurs, les entreprises doivent d’emblée annoncer clairement que l’I&D est un objectif stratégique et que tout comportement discriminant ne sera pas toléré. Veillez aussi à proposer des opportunités de formation et développement comparables pour tous les employés. Une politique claire et transparente dans ce domaine est essentielle.
Et si un employé ne saisit pas une opportunité de formation qui lui est proposée, il appartient à son/sa responsable de vérifier ce qui l’a retenu. Et ensuite de voir comment y remédier. Les chercheuses estiment que des programmes de mentorat peuvent également aider dans le développement de carrière d’employés issus de minorités.
6 Egalité des salaires
Une rengaine – malheureusement -, mais les employés qui exercent la même fonction devraient simplement bénéficier de la même enveloppe salariale. Afin de fidéliser les talents diversifiés que vous avez engagés, il est important d’être transparent dans la politique de ‘compensations & benefit’ de l’organisation et de n’y déroger en aucun cas. Ce n’est jamais une bonne idée de concéder une augmentation salariale à l’employé le plus virulent. Heureusement, de nombreuses entreprises technologiques ont déjà adopté cette approche, comme le montre l’enquête Salaires des dernières années de Data News.
7 Egalité des chances
Autre truisme, mais non moins important: offrir aux employés des chances égales de carrière. Vérifiez si, dans votre organisation, l’évaluation des prestations des collaborateurs se fait de manière uniforme dans les différents départements et équipes. Veillez le cas échéant à former les cadres à définir et appliquer des critères clairs et objectifs. De même, une promotion ne devra pas se fonder uniquement sur les prestations de l’année écoulée, ce qui risque inévitablement de pénaliser l’un ou l’autre – songez à une femme enceinte ou à un collaborateur en maladie de longue durée.
8 Des lieux de travail accessibles pour tous
Chaque travailleur doit pouvoir accéder à son lieu de travail et pouvoir travailler sans entrave particulière. Logique, non? Pourtant, tel n’est pas toujours le cas, et de loin. Les entreprises doivent parfois oser aller plus loin que les exigences légales en matière d’accessibilité de leurs locaux. De plus, elles devraient se montrer proactives, par exemple en privilégiant le recrutement de collaborateurs souffrant d’un handicap.
Par ailleurs, il convient de ne pas négliger les petits détails, des éléments qui paraissent triviaux ou mineurs, mais qui peuvent faire la différence pour rendre un environnement de travail agréable pour tous les collaborateurs. Songez par exemple aux menus du restaurant d’entreprise (végan? halal? allergènes? ), ou à la possibilité de choisir ses jours fériés religieux en fonction de la confession de l’employé. Et les toilettes sont-elles neutres en termes de genre? De même, veiller à des orateurs diversifiés aux événements de l’entreprise. Et les exemples sont multiples.
Au final, le rapport ne présente pas de faits nouveaux révolutionnaires. Comme quoi une solution miracle n’existe pas. Mais cette étude constitue certainement un fil rouge intéressant pour tout responsable qui, dans son organisation, entend promouvoir la diversité et une approche inclusive. En adoptant une approche proactive et en veillant à promouvoir l’I&D à grande échelle, l’inclusion et la diversité deviendront naturelles dans l’organisation. Et ne poseront dès lors plus problème. Mais nous n’en sommes pas encore là.
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