Emploi ICT: vers un “cycle du cochon”
“Le secteur informatique engage à un point tel qu’en 2010, nous risquons à nouveau de connaître la situation de 2001.” Voilà l’une des conclusions les plus étonnantes de l’étude annuelle portant sur les ressources humaines dans le secteur informatique, présentée récemment par le Dr Geert Van Hootegem de la KU Leuven.
Geert Van Hootegem travaille pour le Centre d’Etudes Sociologiques de la faculté des Sciences Sociales de la KU Leuven et a étudié pour la sixième fois consécutive les tendances en ressources humaines du secteur informatique. Il est arrivé à la conclusion que, de prime abord, les choses allaient bien dans ce secteur: le nombre d’entreprise est en hausse, le chiffre d’affaires augmente et l’embauche augmente pour la première fois depuis 2001. Mais tout n’est cependant pas si rose. Si aucune mesure n’est prise, le scénario se répétera comme en 2001, quand le secteur avait connu un sérieux déclin. Car malgré toutes les tendances positives, les investissements en formations continuent à diminuer. Dans le secteur informatique, le nombre d’heures de formation en 2005 a diminué pour atteindre un niveau en dessous de celui de 1999, alors qu’à l’époque, le secteur était en pleine expansion et il y avait 25 pour cent de travailleurs en moins actifs dans le secteur.Cycle du cochonDans l’enseignement, nous constatons que le nombre d’étudiants inscrits en première année d’informatique ne cesse de diminuer. En 2004, ce nombre a même atteint un niveau inférieur à celui de 1996, tandis que l’embauche au cours de cette même période dans le secteur a plus que doublé (de 19.000 à 39.000).”Si nous n’intervenons pas de manière structurée”, nous nous retrouverons à nouveau dans le cycle du cochon, prévoit Geert Van Hootegem.Ce cycle du cochon est une loi économique découverte pour la première fois dans le secteur de l’agriculture et également observée sur le marché du travail, surtout dans les secteurs particulièrement soumis à la conjoncture, telle l’informatique. Ce phénomène se base sur le fait que la demande et l’offre ne parviennent pas à s’accorder: lorsqu’il y a pénurie de personnel informatique et une demande importante, les formations informatiques remontent soudainement, mais lorsque, quatre ans plus tard, ce groupe d’étudiants est lâché sur le marché, il semble soudain y avoir surabondance, et un nombre de moins un moins élevé d’étudiants en informatique.Les départs dépassent l’afflux”Cette situation est typique d’un secteur qui n’est pas encore arrivé à maturité”, trouve Geert Van Hootegem. Toujours selon lui, l’on ne peut strictement même pas parler d’un secteur à part entière, car aucun syndicat, fédération professionnelle ni accord gouvernemental ne s’est encore formé. Le secteur informatique belge n’est pas encore arrivée si loin. Il lui faudra encore un peu de temps. Etant donné qu’il n’y a pas encore d’accords salariaux collectifs au sein du secteur, il y a de fortes chances pour que nous aboutissions dans une espèce de vide où les salaires dépassent l’entendement et où le phénomène de jobhopping ne fera qu’augmenter, ce qui ne stabilisera pas de sitôt le secteur.En 2002 et 2003, l’afflux de nouvelles personnes dans le secteur informatique était à peine plus élevé que les départs. Cette tendance ne semble pas s’être poursuivie ces deux dernières années, que du contraire. Mais ce n’est que temporaire. “Sous l’influence des facteurs démographiques [vieillissement, diminution de l’accroissement de la population, NDLR], en 2010, les départs seront plus importants que l’afflux. Et il ne s’agira pas d’une carence structurelle, mais bien d’un manque de main-d’oeuvre qui se maintiendra certainement pendant 30 ans.”Femmes et allochtonesIl est dès lors grand temps de prendre des mesures pour rétablir la situation. Geert Van Hootegem est d’avis que les efforts doivent provenir non seulement des établissements d’enseignement traditionnels. “Dans un premier temps, il faut engager bien plus de travailleurs “vierges”, et je pense dans un premier temps aux femmes et aux allochtones. Autrement dit, les programmes d’enseignement doivent également être adaptés et orientés vers la création de profils génériques, qui seront ensuite complétés dans les sociétés mêmes.” Cela n’a en effet pas beaucoup de sens de former quelqu’un pendant 4 à 5 ans, de lâcher ensuite cette personne sur le marché de l’emploi alors que celui-ci a évolué de manière telle que les connaissances acquises ne correspondent plus aux besoins réels du marché. Il est donc bien plus sensé de former des personnes “sur le terrain”, analyse Van Hootegem. Il plaide également en faveur d’une régularisation de certificats et attestations de compétences acquises ailleurs, car celles-ci sont aujourd’hui invisibles dans les procédures de sélection et de recrutement.En d’autres termes, la question de la formation est un problème collectif concernant tant les établissements d’enseignement que les entreprises, y compris les grandes entreprises, les sociétés informatiques et les bureaux de placement.
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