Certains CIO belges optent pour une carrière alternative
Est-ce une tendance ou un hasard? Le fait est que pas mal de CIO belges ont disparu de la scène ces douze derniers mois. Certains réapparaissent comme consultants, autant free-lance que salarié, tandis que d’autres franchissent le pas de l’IT vers le business. Careers est allé parler avec certains anciens directeurs informatiques.
Le phénomène est tout sauf belgo-belge. Le magazine américain CIO a encore récemment titré que le CIO ne considère plus son poste comme le sommet de sa carrière. Aux Etats-Unis également, de plus en plus de CIO optent pour une carrière alternative. Auparavant, quand un directeur informatique avait besoin d’un nouveau défi, il sollicitait un autre emploi de directeur informatique, par exemple dans une plus grande organisation ou dans un autre secteur. La situation a changé. La fonction de CIO est au fil des ans de plus en plus imprégnée d’implications business. Elle a été assortie d’importants composants de management. Le CIO ne se contente pas de donner l’orientation informatique, il gère également des budgets, du personnel et est en contact étroit avec le business. On peut en conclure sans prendre trop de risque qu’un CIO passe environ quatre-vingt pour cent de son temps en tant que ‘business manager’ et qu’il s’occupe pour les vingt pour cent restants de questions informatiques. C’est pourquoi certains CIO évoluent naturellement après un certain temps vers d’autres fonctions : ils deviennent directeur général (CEO), passent chez un fournisseur ou un consultant avec lequel ils ont travaillé, etc.Bien que nous croyions volontiers que certains cadres IT changent de boulot pour relever un nouveau défi, il ne faudrait pas non plus nier la réalité économique. Il n’y a pas tant de grosses organisations IT en Belgique. Et le nombre de fonctions de CIO très prisées n’est pas très élevé. Qui plus est, un certain nombre de “top jobs” disparaissent régulièrement. Lorsque des multinationales comme Huntsman, Procter&Gamble ou InBev délocalisent leurs centres de décision de Belgique, les CIO belges ne suivent pas nécessairement le mouvement. Et l’ancien CIO doit bien continuer à gagner sa vie. Vu le nombre limité de fonctions semblables disponibles, il se voit obligé de changer de rôle. Vu que différents marchés sont en phase de consolidation continue, par exemple le secteur financier, ce n’est pas pour demain que le poste de CIO ne sera plus mis sous pression. Diverses entreprises belges préfèrent d’ailleurs mettre sur pied un comité de direction international, synonyme encore une fois de moins d’opportunités pour les super-informaticiens du cru. La règle ne vaut malheureusement pas dans l’autre sens. En effet, aux Pays-Bas ou en Allemagne, le CIO est un autochtone. Point à la ligne. Les CIO belges ont donc peu de chances de s’expatrier.Capacités de managementData News s’est mis à la recherche de quelques exemples pour confronter la théorie à la pratique. C’est ainsi que nous avons rencontré Ludo Van den Kerckhove, auparavant CIO d’Electrabel et aujourd’hui administrateur délégué d’Atos Origin Belux. “La Belgique doit effectivement faire face à une diminution du nombre de centres de décision, ce qui fait qu’il y a simplement moins de jobs de CIO”, poursuit-il. Il voit toutefois d’autres raisons pour évoluer à un certain moment de CIO vers un autre rôle. “En fait, le CIO a une fonction très complexe, explique Ludo Van den Kerckhove. Il dirige une entreprise – le département informatique – au sein d’une plus grande entreprise, et dispose de son propre service du personnel, de son budget, etc. Pour assumer de telles responsabilités, il faut disposer de bonnes capacités de management.” Cela explique peut-être pourquoi les CIO qui se sentent bien dans ce rôle évoluent vers des fonctions plus orientées business. Ludo Van den Kerckhove sait en tout cas de quoi il parle, car avant de devenir CIO chez Electrabel, il a notamment travaillé au département commercial.Il y a encore une autre bonne raison pour laquelle un CIO réoriente sa carrière à long terme: “L’informatique joue un rôle stratégique dans l’entreprise, explique Ludo Van den Kerckhove, tout le monde est d’accord sur ce point. Jusqu’à ce qu’on regarde comment cela se passe dans la pratique. Il est très rare que le CIO siège au comité de direction. Cela crée des tensions: le CIO entend régulièrement qu’il est important, mais constate qu’en réalité il est coincé dans une fonction de pur support.” Cela peut donner lieu à de la frustration, et par conséquent à une volonté du CIO de changer de boulot. En ce qui le concerne, Ludo Van den Kerckhove précise que la frustration n’était pas la motivation pour passer d’Electrabel à Atos Origin. “Mon job actuel me permet de combiner deux choses : le contact avec les clients et mon intérêt pour l’IT. Le passage de l’IT vers le business nécessite une très grande capacité d’adaptation, mais je ne regrette certainement pas.”Recherche de changementLors de notre recherche de CIO ayant changé leur fusil d’épaule, nous avons également croisé Dominique Kindt. Il a évolué d’une position de manager IT vers un rôle orienté business, après quoi il a décidé, il y a trois ans, de faire le pas vers le monde de la consultance. Il est à présent ‘senior manager’ chez Deloitte Enterprise Risk Services. Dominique Kindt a débuté sa carrière en tant que chercheur à l’université, avant de devenir responsable IT du Fonds de Formation Professionnelle de la Construction (FFC). Il a eu pour mission de soutenir grâce à l’IT un environnement de travail assez complexe. “Comme j’avais une bonne formation économique, combinée à des compétences IT, j’ai eu l’opportunité de devenir directeur général de la division Internal Services. Bien que je sois resté au sein de la même organisation, c’était déjà une nouvelle carrière.” Lorsqu’il s’est avéré qu’il n’avait plus de possibilité d’évolution au sein de la FFC, Dominique Kindt a voulu donner une nouvelle orientation à sa carrière. “La principale raison en était que je me considère en premier lieu comme un gestionnaire du changement. Le changement me stimule”, explique-t-il.Chaque entreprise atteint tôt ou tard une situation de stabilité, où le processus de changement devient un processus d’entretien. Pour Dominique Kindt, il est justement essentiel que cette volonté de changement reste omniprésente. “Vous pouvez la trouver en rejoignant une organisation plus grande, parce qu’il s’y passe par définition plus de choses. J’ai trouvé intéressant de mettre mes connaissances en gestion du changement au service d’autres entreprises. C’est ainsi qu’a mûri l’idée d’intégrer une entreprise de consultance. Le lien avec l’informatique est toujours présent, notamment via nos activités en matière de sécurité et de gouvernance IT.” Celui qui fait le pas vers la consultance peut par la même occasion faire le choix de devenir free-lancer. Dominique Kindt a bien pesé le pour et le contre, également parce que la situation économique à l’époque, il y a environ trois ans, n’était pas idéale pour se lancer comme indépendant. “De plus, je préférais travailler dans le cadre d’une grande entreprise, plutôt que seul. Le fait que j’aie à présent acquis de l’expérience au sein d’une équipe interne autant qu’au sein d’un groupe de consultants a élargi mon regard. Je suis très heureux d’avoir connu les deux méthodes de travail.”Contribution stratégiqueJos Poelmans nous a confié qu’il n’était pas évident pour un CIO de changer de fonction. Il a été directeur informatique de la BIAC, le gestionnaire de l’aéroport de Zaventem. “Je n’étais pas complètement d’accord avec le nouveau management, explique-t-il. J’ai donc commencé à réfléchir à réorienter ma carrière. Un nouveau job de CIO m’attirait, à condition qu’il soit impliqué dans des projets d’une certaine ampleur, qui ont une contribution stratégique. Ce n’était pas mon ambition de changer d’employeur pour simplement faire tourner l’usine.” Jos Poelmans a finalement décidé de se lancer comme consultant free-lance. Sa mission la plus importante consiste désormais à évaluer de façon critique l’informatique de leurs donneurs d’ordre, de leur indiquer des opportunités, d’élaborer des projets et finalement de finaliser ceux-ci. “Mon rôle est de réveiller les consciences de l’entreprise, déclare-t-il. Le mot d’ordre est très souvent : if it ain’t broke, don’t fix it. Je pars plutôt du principe suivant: if it ain’t broke yet, there’s still time to fix it. De cette façon, je peux réellement apporter ma contribution à la stratégie de l’entreprise. C’est précisément ce que je recherche dans mon nouveau job.”Au niveau du contenu, Jos Poelmans ne constate pas de grandes différences avec son métier précédent de CIO. “La responsabilité opérationnelle a disparu, bien sûr. Et vous restez une personne extérieure à qui il faut expliquer la situation.” Pour ce qui est de l’exécution pratique du job, il y a évidemment quelques différences entre un consultant free-lance et un CIO. Ainsi, le consultant externe se retrouve pour chaque projet dans un nouvel environnement, où il doit d’abord gagner la confiance des parties concernées. Mais parallèlement, l’entreprise acceptera davantage la critique venant d’un consultant externe. “C’est surtout la diversité qui m’attire dans ma nouvelle tâche. Les projets se déroulent dans différents secteurs. Vous rencontrez de nombreux nouveaux visages. J’ai davantage de contacts sociaux que quand j’étais CIO. C’est également un enrichissement.”
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