Gartner ébauche les tendances technologiques stratégiques pour 2026

Tori Paulman et Soyeb Barot durant leur présentation au Gartner IT Symposium/Xpo à Barcelone. © KVdS/DN
Kristof Van der Stadt
Kristof Van der Stadt Rédacteur en chef chez Data News

La force motrice de l’IA est si puissante que les analystes de Gartner ne distinguent pour la première fois pas une tendance nette au-delà de cinq ans.

L’ordre mondial reste chaotique avec des bouleversements géopolitiques, des économies chancelantes et une forte accélération technologique poussant les IT-managers à devenir des ‘superhéros’. ‘Oui, vous pourrez en 2026 encore organiser de la même façon votre superhero journey’, ont lancé les analystes de Gartner, Soyeb Barot et Tori Paulman, au début de leur présentation des ‘Top Strategic Technology Trends for 2026’. L’IA? Evidemment! Jouez même à fond sur l’IA comme force motrice. Les choses se passent même si puissamment et rapidement que Gartner ne prévoit pour la première fois plus aucune tendance dans le ‘far out future’ (au-delà de 5 ans): tout se déroulera entre ‘maintenant’ (1-3 ans) et un ‘proche’ avenir (3-5 ans). Gartner regroupe les tendances autour de trois ‘héros’: l’Architect (infrastructure), le Synthesist (applications) et le Vanguard (sécurité et gouvernance).

© Gartner

L’Architect

AI-native & supercomputing

L’’Architect’ posera la base de l’entreprise pilotée par l’IA. La première tendance aura pour nom les AI Supercomputing Platforms. Selon Barot et Paulman, l’architecture informatique classique arrive progressivement à ses limites. Ces nouvelles plateformes seront spécifiquement conçues pour des charges de travail d’IA de grande ampleur et dissimuleront la complexité matérielle sous-jacente aux développeurs. Elles iront également au-delà des CPU et GPU traditionnels et auront des visées neuromorphiques, optiques, voire quantiques. ‘La ‘supercomputing-platform’ fera tout pour vous permettre de vous focaliser davantage sur les applications créatives et sur la stimulation de l’innovation’, a affirmé Soyeb Barot.

La deuxième tendance est celle des AI-Native Development Platforms. Il s’agit d’une nouvelle génération de création de logiciels, où l’IA ne sera plus simplement une fonctionnalité, mais constituera le cœur même du processus de développement. Ces plateformes intégrant des agents d’IA numériques fonctionnant conjointement avec des développeurs auront comme but d’aider à résorber les retards dans les gammes d’applications. Elles devront libérer la voie en faveur d’équipes plus petites et, à en croire Tori Paulman, même au profit de l’idée d’une startup of one, dont des responsables de l’IA tels Sam Altman (OpenAI) ont déjà osé parler. Paulmann a du reste fait référence ici à des exemples concrets proches: ‘Parmi les services financiers, on voit que des banques comme ING et BNP Paribas utilisent réellement ces plateformes de développement de logiciels basées sur l’IA en vue par exemple d’automatiser complètement de nouveaux contrôles de conformité.’

Le Synthesist

Agents d’IA, LLM spécifiques au domaine et Physical AI

Le ‘Synthesist’ utilisera l’infrastructure pour créer des applications intelligentes, spécifiques au domaine. La première tendance en la matière est ce que Gartner appelle les Multi-agent Systems (MAS). Nombre d’organisations mettent déjà en œuvre des agents d’IA, mais Soyeb Barot a émis un avertissement: ‘Dire que vous disposez de 50 ou de 100 agents ne signifie pas que vous avez réellement créé un système multi-agent’. Les MAS sont en fait des architectures modulaires où des agents autonomes traiteront des flux de travail complexes et dynamiques, comparables à l’orchestration parfaite d’une équipe dans une course de Formule 1.

Ces agents seront alimentés par des Domain-Specific Language Models (DSLM). Les LLM génériques tels que nous les connaissons depuis trois ans maintenant, ne seront pas à la hauteur dans des contextes spécialisées. Les DSLM seront plus performants pour un coût inférieur et réduiront le risque d’hallucinations, précisément parce qu’ils cibleront tout spécialement un domaine ou une niche unique, comme le job matching ou le traitement médical spécifique.

La troisième tendance du Synthesist est la Physical AI, à savoir l’extension de l’IA au monde physique. Il s’agira de machines, de robots et de drones qui observeront et comprendront leur environnement physique et y réagiront. Un exemple de ce qui précède: les drones de pulvérisation précise en agriculture ou de surveillance d’endroits malaisément accessibles.

Le Vanguard

Prévention, souveraineté et authenticité

Le ‘Vanguard’, enfin, aura la tâche cruciale de sécuriser ce nouveau monde piloté par l’IA et de maintenir la confiance. La première tendance inhérente sera la Preemptive Cybersecurity. Aujourd’hui, 80 pour cent des dépenses en sécurité sont consacrées à la détection et à la réaction, mais elles accusent par définition toujours du retard. La sécurité préemptive utilisera l’IA pour prévoir les menaces et agir proactivement. Tori Paulman a ici établi une comparaison avec le film The Minority Report: ‘Pensez à la prévision de délits et d’actes de violence, avant même qu’ils ne soient commis.’ De la cybersécurité donc, mais avec un ‘état d’esprit à la Minority Report’, où des AI SecOps par exemple pourront automatiquement créer un ‘honeypot’ (leurre) en vue de tromper les agresseurs.

Une tendance très proche, caractérisée par une maturité inférieure à deux ans, s’appelle Geopatriation. En raison de la croissance des tensions géopolitiques, il devient risqué d’héberger les applications et les données exclusivement auprès d’hyperscalers globaux. Geopatriation s’apparente au déplacement de ces actifs vers des alternatives souveraines, ce qui pourrait signifier que vous rameniez vos services sur site – ce qu’on entend ces derniers temps assez souvent en Belgique – ou que vous optiez pour des acteurs cloud locaux. ‘Je suis pratiquement certain que vous aussi, vous souhaiteriez que vos données et vos applications tournent nettement plus près de chez vous’, a affirmé Soyeb Barot au public constitué en majorité par des IT-managers.

Venons-en enfin à la Digital Provenance. En cette ère d’IA générative, il est toujours plus malaisé de distinguer le vrai du faux. ‘J’éprouve toujours plus de difficultés à me rendre compte si c’est un véritable pingouin qui se trouve sur telle photo ou vidéo et/ou s’il sirote vraiment un cocktail Mai Tai’, a déclaré Tori Paulman comme pour citer un exemple très spécifique. Mais le lecteur que vous êtes, a sans nul doute aussi en tête des exemples où vous avez douté de l’authenticité ou vous avez compris beaucoup trop tard qu’il s’agissait d’une illustration ou d’une vidéo générée par l’IA. Digital Provenance devrait offrir une sorte de ‘certificat de naissance’ pour tous les actifs numériques, en recourant à des technologies comme SBOM (Software Bill of Materials), les filigranes et la chaîne de blocs. Il en existe déjà des exemples: l’Union européenne recourt ainsi à la chaîne de blocs pour des diplômes numériques sécurisés contre la fraude, alors que des marques de luxe telles que Prada l’utilisent pour authentifier leurs produits, selon Paulman et Barot.

L’IA peut-elle transformer le CIO en super-héros dans l’entreprise?

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