Bart Steukers

Bart Steukers (Agoria): ‘Le gouvernement ne reconnaît pas suffisamment la valeur du secteur ICT’

Kristof Van der Stadt
Kristof Van der Stadt Rédacteur en chef chez Data News

Il est grand temps que le gouvernement ‘considère mieux le secteur ICT’, déclare Bart Steukers. Le CEO d’Agoria estime que le secteur ICT reste sous-estimé, et il plaide aussi en faveur d’un coordinateur numérique à tous les niveaux de pouvoir.

Bart Steukers a tenu ces propos dans une interview accordée à Data News, dans laquelle il partageait une mise à jour de l’impact du secteur ICT dans notre pays. Le secteur – avec ses quelque 132.000 employés – s’en tire certes bien, mais cela n’empêche pas Agoria d’observer pour la première fois une légère inflexion au cours du trimestre écoulé. L’accroissement d’informaticiens supplémentaires se ralentit, et la progression des résultats a paru plutôt s’essouffler ces trois derniers mois. ‘D’une part, le trimestre dernier me cause quelques soucis – la croissance des services IT a stagné –, mais d’autre part, je reste optimiste pour 2024. 2023 ne fut pas un grand cru pour le secteur ICT, mais la recherche manifeste d’une plus grande productivité dans les entreprises en 2024 jouera à l’avantage du secteur’, estime Steukers.

2023 ne fut pas un grand cru pour le secteur ICT

Bart Steukers

CEO d’Agoria

Ce secteur crucial mérite davantage d’attention

Le CEO de l’organisation des employeurs du secteur des entreprises technologiques fustige le fait que le secteur ICT demeure sous le radar sur le plan politique. ‘Le secteur est considéré comme une évidence et reçoit à peine une attention supplémentaire. Je trouve cela singulier quand on sait que c’est précisément ce secteur qui est devenu crucial pour la gestion des entreprises et pour la société en général’, affirme Steukers. ‘Nous partons d’une croissance de 6 pour cent pour le secteur en 2024. Mais avec plus d’attention, le secteur ICT dans son ensemble pourrait aisément croître deux fois plus’, prétend-il.

© Agoria

Un meilleur salaire individuel

Steukers espère entre autres que le débat sur la fixation des salaires pourra s’ouvrir: ‘Le coût salarial dans ce secteur a énormément grimpé et pèse sur la compétitivité. On est arrivé à un règlement sur les droits d’auteur, parce que c’était une nécessité. Mais maintenant qu’ils ont disparu, reste à savoir si et comment les entreprises vont compenser cela pour les employés. Le secteur a manifestement besoin de plus de formules salariales individuelles. Ne peut-on pas faire grand cas d’un système salarial unique fiscalement intéressant et clairement défini au niveau des incitations, qui puisse être utilisé par toutes les entreprises dans le secteur?’ Toujours selon le CEO, la fixation salariale serait aussi un fond d’alimentation pour une tendance émergente vers davantage de freelances et d’indépendants. ‘Non seulement des spécialistes coûteux, mais à coup sûr aussi des programmeurs qui recherchent ainsi une compensation à la disparition des droits d’auteur. Cela ne peut quand même pas être la bonne motivation pour devenir indépendant. Je trouve qu’avec Agoria, il nous faut aussi passer en revue les risques que cela comporte. J’estime également que pas mal d’entreprises sont préoccupées par cette tendance vers plus d’indépendance, notamment sur le plan de la loyauté.’

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STEM et R&D

Steukers réitère aussi l’appel lancé par Agoria de miser davantage sur STEM dans l’enseignement, en vue d’amplifier l’afflux de talents dans le secteur ICT. Plus spécifiquement, la fédération sectorielle souhaite plus d’attention accordée à l’enseignement non-régulier. ‘A mon avis, il est temps de donner une place plus formelle à de belles initiatives comme Molengeek. Pour garantir l’évolutivité et davantage de programmes concrets, ainsi que la structure et la certification. Ici, je considère Innocom comme un bon exemple avec sa formation académique formelle au sein de l’entreprise. Nous avons besoin de plus d’initiatives de ce genre.’ Selon lui, ce que le monde politique fait de bien, c’est sur le plan de la fiscalité en matière de recherche et développement (R&D). ‘C’est là notre atout majeur, et le monde politique semble en être progressivement conscient’, ajoute-t-il.

© Agoria

On recherche: coordinateur numérique

Le CEO a aussi une demande claire à poser au prochain gouvernement: un coordinateur numérique pourra-t-il être engagé? Ce dernier serait chargé à tous les niveaux de pouvoir de veiller à ce que toutes les initiatives numériques soient parfaitement conformes les unes aux autres. ‘Ce coordinateur devrait empêcher que les autorités fassent des doublons. Ou mettent en place des initiatives contradictoires et se chevauchant. Pensez aux discussions sur Itsme, Athumi et sur les portefeuilles numériques. Mais je veux aussi parler du lien européen. Nos entreprises sont soumises à pas mal de travail de réglementation de la part de l’UE, comme c’est le cas de l’AI Act et du Data Act. Nous avons tous intérêt à ce que tout cela soit mis en œuvre de manière correcte à tous les niveaux de pouvoir.’

Un tsunami de règlements

‘Nous devrons de toute façon rechercher ensemble un équilibre entre notre fonctionnement au quotidien et le tsunami de règlements qui va déferler sur nous. Les Microsoft et Google de ce monde pourront toujours s’en tirer, mais qu’en sera-t-il des nombreuses PME de notre pays? Voilà qui renforce notre plaidoyer en faveur d’un coordinateur numérique unique: je pense qu’il pourrait aussi peser sur le monde politique et veiller à des directives claires’, poursuit Bart Steukers, qui a encore une suggestion à faire: ‘Je suis un adepte fervent des laboratoires régulateurs (‘sandboxes’) comme il en existe déjà en Allemagne et en France. Via ce genre de laboratoires, on pourrait contrôler l’impact d’éventuelles nouvelles lois, avant qu’elles n’entrent en vigueur. Cela devrait aider à éliminer les obstacles possibles avant même leur apparition: je pense que le secteur ne pourrait qu’en profiter, mais pour cela, il faudrait que le gouvernement prenne les choses en main. Qu’il reconnaisse le secteur ICT pour ce qu’il fait en faveur du pays’, conclut le CEO d’Agoria.

Bart Steukers

Qu’en est-il du nombre de femmes dans le secteur informatique aujourd’hui ?

La bonne nouvelle, c’est que les choses évoluent : ces dernières années, le nombre de femmes travaillant dans l’industrie numérique a augmenté. Le nombre de femmes employées dans le secteur numérique par rapport au nombre d’hommes augmente. Mais la mauvaise nouvelle, c’est que les progrès sont lents, très lents même. Le graphique semble en progression, mais lorsqu’on jette un coup d’œil sur l’axe vertical, on s’aperçoit que l’image est quelque peu déformée : le graphique commence non pas à zéro, mais à 25 %. Alors qu’en 2008, la part des femmes dans l’emploi était de 26,1 %, en 2022, elle est passée à… 28,1 %. Deux pour cent en moins de 14 ans, en d’autres termes. Ou comment des initiatives telles que “She Goes ICT” sont manifestement encore nécessaires.


Agoria

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