Zoom: le passage plein de défis de Meet Happy à Work Happy

Demandez donc à des collaborateurs de votre entreprise à quoi ils associent Zoom, et ils vous répondront sans aucun doute ‘vidéo-réunions’. Pour Zoom, qui veut pousser plus en profondeur sa plate-forme collaborative Zoom Workplace pilotée par l’IA, c’est à la fois une malédiction et un bienfait.

‘Tout le monde nous connaît, mais en même temps, tout un chacun n’est pas conscient du volume de nos activités’, explique Frederik Maris, responsable EMEA de la firme, lors de l’ouverture du tout nouveau Zoom Experience Center au cœur de Londres.

Ce Zoom Experience Center démontre comment Zoom donne concrètement forme à son changement de cap pour passer du stade d’outil de vidéo-réunions à celui de plate-forme collaborative. L’entreprise immerge ses clients et partenaires dans son vivier de produits et de solutions. Selon Frederik Maris, elle sort la norme de la présence internationale de Zoom hors des Etats-Unis. Les produits-phares ont pour nom le Lens Wall, une décoration murale de quasiment quarante mètres de long, en plus d’un espace équipé d’un écran tactile LED vouté offrant une expérience visuelle à 360 degrés. Zoom y présentait sa solution Workplace à la presse internationale. Une importante délégation de clients s’était tout spécialement aussi rendue à Londres pour l’occasion.

Zoomer

Le Zoom Experience Center – et le launch y associé – devrait donner une nouvelle impulsion à Zoom en Europe. Il y a plus de quatre ans, lors du boum de la crise du corona, Zoom avait fortement le vent dans ses voiles. L’entreprise a vu une opportunité dans la forte demande inattendue de vidéo-réunions professionnelles. Zoomer était subitement présent sur toutes les lèvres. Assez étonnamment, la contre-réaction ne vint pas de Cisco Webex, qui était actif depuis nettement plus longtemps déjà sur le marché professionnel, mais surtout de Microsoft qui tenta de d’occuper ce dernier avec Teams. La firme y parvint entre autres en ajoutant Teams – un produit jusque-là séparé – ‘gratuitement’ à Office 365 à l’époque (aujourd’hui Microsoft 365).

Cela provoqua de l’inquiétude chez la concurrence, comme il apparut notamment de la préoccupation que Zoom suscita chez les régulateurs à propos de l’impact de l’offre conjointe de produits de Microsoft sur l’équilibre du marché. En fin de compte, une plainte de Slack conduisit à une dissociation de l’appli Teams de la suite Office. Même si Zoom réussit à tenir bon dans le segment de la visioconférence, l’entreprise considère la diversification et une focalisation sur les logiciels collaboratifs comme une condition de croissance future. Et à juste titre, car ‘zoomer’ n’est pas resté vraiment longtemps un terme à la mode.

Une autre approche du marché

L’évolution vers une plate-forme entièrement collaborative place la département des ventes de Zoom devant de très nombreux nouveaux défis. ‘Pour les vidéo-réunions, les clients se tournaient avant spontanément vers nous. A présent, il nous faut nous-mêmes approcher le marché de manière plus intensive’, déclare Frederik Maris. ‘Notre grande notoriété sur le front des réunions constitue en la matière tant une malédiction qu’un bienfait. Elle ouvre des portes, mais exige les efforts nécessaires pour faire comprendre que Zoom, c’est à présent bien plus que cela.’

Ce travail d’arrache-pied paie aujourd’hui, affirme-t-on chez Zoom. ‘Il y a un  an, nos prévisions se situaient quasi exclusivement dans les domaines des réunions et de la téléphonie. Aujourd’hui, nos outils collaboratifs, centres de contacts et implication des employés représentent déjà une proportion significative dans nos résultats.’

L’IA omniprésente

Mais de quelles applications s’agit-il donc? Zoom Workplace arrive à la première place. C’est grâce à une focalisation poussée sur la plate-forme collaborative que la base de Zoom s’est déplacée de Meet Happy vers Work Happy. Autre changement de cap: celui d’AI-powered vers AI-first. L’intelligence artificielle constitue le fil rouge reliant les applications au sein de Zoom Workplace. L’assistant d’IA générative Zoom AI Companion y revendique un rôle principal et se manifeste dans toutes les solutions collaboratives de Workplace, telles que les réunions, le chat en équipe, le téléphone, le planning, etc. En ce qui concerne les fonctionnalités d’IA proprement dites, on a également vu pas mal d’éléments qui étaient apparus précédemment déjà chez la concurrence, comme le résumé de réunions et l’élaboration de points d‘action.

Pour la partie réunions, AI Companion a récemment étendu le support à trente-six langues, dont le français et le néerlandais. D’importants facteurs distinctifs dans le domaine de l’IA sont, selon Zoom, la vitesse et la précision. C’est ce qui ressort d’une étude – effectuée, il est vrai, à sa propre demande – qui révèle une précision de transcription de 95 pour cent. Dans des scénarios de questions-réponses durant des réunions, AI Companion a fourni, à l’entendre, des résultats quatre fois plus rapides que ChatGPT-4.

Valeur sentimentale

L’intégration de l’IA offre, selon Zoom, une plus-value pour la vente, le marketing et le service à la clientèle notamment. C’est à ce dernier domaine qu’appartient Zoom Contact Center, auquel Zoom a consacré une vaste démonstration à Londres. Ce focus, l’entreprise ne l’a pas choisi par hasard, étant donné qu’elle est en forte croissance dans ce segment. Durant la présentation des résultats trimestriels les plus récents, elle s’est targuée d’atteindre nonante clients réalisant plus de cent mille dollars de rentrées récurrentes annuelles, ce qui représente une croissance de 246 pour cent sur l’année.

La démonstration a montré comment le chatbot d’IA tente dans un premier temps de résoudre le plus possible par lui-même les questions des clients. En cas d’une trop grande complexité ou de la nécessité d’une action personnelle, un collaborateur du service à la clientèle reçoit une notification. Ce collaborateur se fait à son tour aider par AI Companion. Expert Assist évalue l’intention du client et le contexte de la conversation, avant d’exhiber automatiquement à l’agent du centre d’appels l’article pertinent issu de la base des connaissances.

Ce qui rend AI Companion si particulier, c’est qu’il attribue au contact client une valeur sentimentale sur base des échanges de paroles préliminaires. Le collaborateur sait ainsi directement si le client se montre négatif ou compréhensif, ce qui doit l’aider à éviter une escalade. AI Companion ajuste cette valeur pendant l’entretien. Cela incite le collaborateur à élaborer une réaction positive. En bout de cycle, le superviseur du centre d’appels peut, via AI Companion, évaluer un résumé de toutes les interactions entre l’entreprise et le client, avant de vérifier si l’approche choisie était la bonne.

Une attention accordée au collaborateur

Workvivo provient d’un rachat effectuée l’année dernière par Zoom. Il s’agit d’une plate-forme consacrée à l’expérience des employés. Ellecombine des outils de communication et d’implication internes à un intranet social et à une appli ciblant les employés. Selon Zoom, cette plate-forme permet aux organisations de révéler entièrement le potentiel de leur personnel et de développer leur culture d’entreprise dans un monde hybride. Meta est déjà une première grande cliente de la solution. En mai, l’entreprise n’annonçait-elle pas avoir renoncé à son environnement de communication Workplace from Meta et avoir transféré l’activité à Workvivo by Zoom.

Pas de ‘winner-takes-all’

Pour Zoom, c’est clairement le moment de poursuivre sa croissance. Elle se sait soutenue par les chiffres présentés notamment par Fortune Business Insights, qui évoquent une croissance annuelle des marchés des visioconférences (12,6 pour cent), d’Unified Communication as a Service (13,4 pour cent) et des centres de contacts (23,2 pour cent). La question à un million demeure évidemment celle de savoir qui bénéficiera en fin de compte de cette progression potentielle. Zoom y mise en tout cas pleinement avec une cadence de plus de trois milles nouvelles fonctionnalités par an et de solides investissements R&D et ‘go-to-market’.  

Mais même si la concurrence ne reste évidemment pas inactive, le Chief Growth Officer, Graeme Geddes, ne table pas sur un marché de type ‘winner-takes-all’ (le gagnant emporte tout).‘ Je suis depuis longtemps déjà actif dans le secteur et je ne vois pas directement un acteur absorber l’ensemble du marché. Nous nous dirigeons plutôt vers un paysage à deux ou trois acteurs dominants par domaine. Une certaine consolidation dans ce sens me semble réaliste.’

De la vente directe vers un réseau de partenaires

Une gamme de produits adaptée et un marché en rapide évolution demandent aussi une autre approche du client. Alors que Zoom approchait surtout directement le marché jusque tout récemment, elle mise à présent fortement sur son réseau de partenaires. ‘Nous avons évolué du stade de spécialiste des réunions à celui de fournisseur d’une plate-forme collaborative. Nous arrivons donc sur un autre marché, avec des fournisseurs qui y sont présents depuis longtemps déjà. Ils constituent des acteurs idéaux pour intégrer nos solutions avec les plates-formes CRM et autres utilisées par les clients finaux. Nous avons entrepris le voyage au Moyen-Orient et en Afrique et nous nous déployons à présent intensivement dans nos autres régions’, affirme Joe McStravick, en charge du marché EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique).

Et d’ajouter: ‘Nous voulons ainsi être très clairs vis-à-vis de nos clients. En approchant le marché tant directement qu’indirectement, il y a déjà eu des frictions. Le fait que notre stratégie soit bien accueillie, se traduit par la croissance du réseau des partenaires avec un doublement en moins d’un an.’ L’entreprise a étoffé le programme de partenariats Zoom Up, par lequel elle reconnaît ses partenaires et leur attribue un statut. Des acteurs en vue tels qu’Amazon et Meta appartiennent également au réseau de partenaires de Zoom.