Le Vlaams Instituut voor Technologisch Onderzoek (VITO) observe la Terre depuis des années grâce à des satellites et a à présent développé un système permettant de capter des images, même lorsque les nuages obstruent la vue. Ce système devrait notamment profiter aux agriculteurs de notre pays souvent ennuagé.
VITO, l’Institut flamand de recherche technologique, utilise l’imagerie satellite pour l’observation de la Terre depuis les années nonante. L’institut est connu grâce aux satellites Proba qu’il a contribué à concevoir. Actuellement, VITO participe à un projet européen Copernicus plus vaste visant à capter des images de la surface terrestre à l’aide de caméras multispectrales. Ces images sont ensuite utilisées dans la recherche sur le verdissement, l’érosion des sols, etc. Parmi les projets que le VITO a contribué à développer figure WatchITgrow, une plateforme conçue pour fournir aux agriculteurs un aperçu de l’état de leurs champs.
Observation de la Terre
Les satellites utilisés par VITO gravitent en orbite autour de la Terre et effectuent des images du monde entier. Dans la pratique, les images d’un lieu précis (comme votre jardin) sont réalisées tous les trois à cinq jours. ‘Cela nous permet d’observer l’évolution des parcelles agricoles au fil du temps’, explique Jürgen Decloedt, business developer chez VITO Remote Sensing. L’imagerie multispectrale offre actuellement une résolution allant jusqu’à 10 x 10 mètres. Il s’agit là d’une résolution inférieure à celle de Google Maps par exemple, mais les images sont réalisées beaucoup plus fréquemment et contiennent des informations supplémentaires.
‘Nous utilisons dix bandes spectrales pour déterminer l’évolution des cultures agricoles. Comment se portent-elles? Souffrent-elles de stress thermique? D’inondations? Quelle est l’intensité de la photosynthèse?’, explique Decloedt. Ces données sont ensuite traitées pour créer une carte qui indique visuellement l’évolution des plantes. Les zones en vert foncé du champ sont très productives, tandis que les zones rouges le sont moins.
Nuages
Cependant, les changements météorologiques sont fréquents en Belgique. ‘Comme nous volons au-dessus des nuages, si ceux-ci sont denses, on ne voit rien. C’est très gênant pour l’observation de la Terre’, explique Decloedt. Mais il existe donc désormais une solution. Dans quelques semaines, le VITO déploiera un système actuellement appelé ‘cropsar’, basé sur des données SAR ou radar.
Comme nous volons au-dessus des nuages, si ceux-ci sont denses, on ne voit rien. C’est très gênant pour l’observation de la Terre
‘Ces données radar captent les réflexions de la Terre et ne sont pas obstruées par les nuages’, affirme Jürgen Decloedt. Le radar mesure l’altitude et la structure de la surface terrestre de manière très détaillée. ‘Ces mesures ne contiennent pas de données visuelles, mais de très nombreuses métadonnées. Nous avons formé un réseau neuronal en vue de corréler les données visuelles avec les données radar.’ Le nouveau système génère ainsi une image synthétique à partir des données SAR par temps nuageux. Cela permet d’obtenir une carte visuelle d’un champ, même dans ce cas. VITO peut en l’occurrence s’appuyer sur l’imagerie et les données radar depuis 2018. ‘Nous sommes désormais suffisamment confiants pour proposer une telle carte’, ajoute Decloedt, ‘et, à notre connaissance, nous sommes les seuls.’
Plateforme des agriculteurs
Les images provenant de tous ces satellites, ainsi que les cartes traitées, sont en grande partie des données ouvertes (vous pouvez les consulter vous-même sur terrascope.be) et sont, via des API, mises à disposition des organisations et entreprises souhaitant les utiliser. WatchITgrow, une plateforme à laquelle ont collaboré VITO et le Boerenbond, entre autres, est déjà utilisée. Cet outil permet aux agriculteurs de suivre l’évolution de leurs parcelles (et de celles qu’ils souhaitent louer) au fil du temps. De nombreuses données sont collectées dans ce but. ‘Pour ces parcelles, nous fournissons des données satellitaires, ainsi que des données météorologiques à l’échelle belge’, poursuit Decloedt. Des données pédologiques sur l’érosion, par exemple, et des éléments environnementaux tels que les rangées d’arbres sont également intégrées à la plateforme. Les agriculteurs qui font réaliser un scan du sol ou un scan par drone de leurs champs, peuvent ajouter ces résultats afin d’obtenir une couche d’information supplémentaire.
Un agriculteur qui consulte la carte d’un de ses champs, peut facilement accéder à toutes les informations (jusqu’à dix mètres) nécessaires pour déterminer les zones nécessitant un apport supplémentaire d’eau ou d’engrais. La chronologie facilite également la prise de décision. ‘C’est ainsi que l’on constate parfois que certaines zones du champ prospèrent les années humides, et d’autres les années sèches’, précise An Schellekens, de la ferme expérimentale Hooibeekhoeve. Elle utilise la plateforme pour ses recherches, entre autres, sur les cultures fourragères destinées aux vaches laitières. ‘L’herbe est une culture plus difficile à analyser que, par exemple, les pommes de terre, car on en sait moins sur son rendement’, explique Schellekens. Les agriculteurs utilisent aujourd’hui souvent des machines qui mesurent la récolte au mètre carré, tout en arpentant le champ. Or l’herbe est fauchée au moyen de bras de coupe très larges et est projetée dans toutes les directions. ‘Au bout du champ, on ne sait plus d’où proviennent les brins d’herbe’, ajoute encore Schellekens.
‘Data scientist’
On n’associe peut-être pas directement le secteur à l’IT, mais un agriculteur quelque peu à la page devra de plus en plus se muer en ‘data scientist’. Notamment pour tirer le meilleur rendement de ses terres agricoles, mais aussi pour se conformer à toutes sortes de lois. ‘Certaines grandes entreprises agricoles recrutent même des data scientists, mais c’est loin d’être accessible à toutes. Avec cette appli, nous essayons de rendre ces données exploitables par un plus grand nombre d’agriculteurs’, explique Decloedt. Le public cible actuel est la quasi-totalité des agriculteurs belges, des plus petits aux plus grands, mais principalement ceux qui maîtrisent déjà la technologie. ‘Sa gratuité la rend accessible. Sinon, elle serait principalement destinée aux grandes exploitations’, conclut Schellekens.