Que devient votre vie numérique après votre décès?

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Après avoir poussé votre dernier soupir, la situation est irréversible jusqu’à nouvel ordre. Mais les traces que vous laissez en ligne peuvent perdurer éternellement. Or ce processus, il est préférable de le contrôler vous-même de votre vivant.

De votre vivant, vous exercez un contrôle total sur tous vos médias sociaux, qui sont une extension (ou une… glorification) de votre existence ici-bas. Mais que se passe-t-il lorsque vous recevez soudainement une Error 404? Parmi la population de milliards de Terriens sur les réseaux sociaux tels que Facebook, Instagram, X et LinkedIn, la mort est malheureusement autant une réalité que dans la vraie vie. Le magazine américain Wired révélait au début de l’année dernière qu’il y avait 30 millions d’utilisateurs de Facebook signalés comme décédés à Meta, ce qui signifie qu’il y a autant de millions de comptes sur Instagram, LinkedIn, Snapchat et autres plates-formes similaires, qui sont passés de vie à trépas. Avec un dark number (nombre inconnu) qui peut être maintes fois plus élevé. Car avec la plupart des comptes d’utilisateurs décédés, il ne se passe rien du tout: ils continuent d’exister et de recevoir des messages, comme si la personne en question se trouvait toujours parmi les vivants.

Prendre contact avec la plate-forme

Si personne ne fait rien, rien n’arrive en effet au profil. Il reste ouvert pour la plupart des survivants, généralement avec les derniers messages de condoléances toujours sur le forum de discussion. Mais en même temps, si vos proches n’agissent pas, cela peut se traduire par des effets pervers très désagréables. C’est ainsi que la personne décédée peut toujours être récupérée par l’algorithme ‘Personnes que vous connaissez peut-être’ des années après sa mort. Ou son anniversaire continue d’apparaître dans les suggestions. Ou bien, la seule chose qui reste visible sur le profil après des années, ce sont les messages de spam provenant d’amis qui n’ont pas correctement sécurisé leur ordinateur, avec des éléments louches comme ‘les conseils d’investissement prodigués par de soi-disant experts’.

Cependant, il existe des moyens plus élégants de se souvenir du défunt en ligne. Les proches peuvent faire deux choses envers les plates-formes. Ils peuvent prendre contact avec les entreprises sous-jacentes pour simplement faire supprimer le profil en question, ou ils peuvent utiliser la même méthode pour créer un profil commémoratif, où d’autres pourront continuer à publier des messages de condoléances. Les membres de la famille ou les proches peuvent ‘signaler’ le décès à la plate-forme généralement au moyen d’un formulaire spécial dans la section Help. Mais il y a ici un seuil pas si évident à franchir: il faut prouver que la personne en question est décédée. Dans ce but, vous aurez besoin de fichiers PDF des actes de naissance et de décès, ainsi que, parfois, d’autres ‘preuves légales’ attestant que vous avez la compétence de faire quelque chose avec le profil du défunt.

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Différents critères

Les critères utilisés pour formuler une affirmation crédible sur le profil social d’un survivant diffèrent d’un média social à l’autre. C’est ainsi qu’avec Facebook et Instagram, qui font bien sûr toutes deux partie de Meta, il y a une section distincte à cet effet dans la catégorie Help (il est préférable de se connecter via un ordinateur portable), et les éléments doivent y être téléchargés: un PDF des actes de naissance et de décès du défunt, ainsi qu’un certificat légal d’autorité, qui stipule que vous êtes le représentant légal de la succession du défunt.

LinkedIn, propriété de Microsoft, fonctionne plus ou moins de la même manière (également via ‘Help’), mais met l’accent sur la preuve notariée de l’héritage. Chez X, il n’y a pas de formulaire prêt à l’emploi avec lequel transférer toutes les données requises, mais une ‘collaboration’ peut être mise en œuvre  comme le média social l’indique lui-même. Le compte du défunt ne peut qu’être supprimé. Dans le formulaire initial, il n’y a de place que pour ‘d’autres données qui peuvent être utiles’.

Snapchat, en revanche, ne donne pas du tout accès aux données d’une personne décédée. ‘Notre politique de confidentialité ne nous permet pas d’accorder l’accès au compte’, y indique-t-on froidement dans la section ‘Help’. Chez Reddit, les modérateurs doivent être contactés. Une preuve du décès en ligne (comme un lien vers la nécrologie) y semble suffisante. Même procédure avec Pinterest et Tumblr: un mail doit y être envoyé, avec preuve du décès et votre relation avec le défunt, aux adresses mail respectives care@pinterest.com et support@tumblr.com.

‘Death and the Internet’

Bien entendu, aucune des options susmentionnées n’est idéale. Primo, parce que l’intégralité de la vie numérique d’une personne décédée ne peut pas être enregistrée uniquement par les médias sociaux. Ce n’est là que la partie la plus visible. De plus, nous conservons évidemment aussi de plus en plus de nos précieux souvenirs et documents importants dans le cloud. 

Il existe des sauvegardes cloud de l’ordinateur et des smartphones, ainsi que des services de messagerie tels que Gmail. Peut-être le défunt possédait-il aussi un blog ou un site web personnel. Ou des comptes sur des jeux en ligne ou un monde en ligne. Death and the Internet (la mort et internet): voilà un élément qui suscite de plus en plus d’attention, surtout au cours des quinze dernières années, depuis qu’internet a pris une place centrale dans nos vies.

Comment les proches obtiennent-ils toutes ces données? La meilleure façon de garantir que l’accès soit aussi fluide que possible, est d’y penser maintenant, alors que vous êtes encore en vie. Vous pouvez bien sûr le faire en imprimant vos noms d’utilisateur et mots de passe sur une ou deux ou trois feuilles A4 et en les stockant dans un coffre-fort. Mais il existe quelques solutions quelque peu plus élégantes.

Héritage numérique

Une piste est le notaire. Les notaires belges y sont en effet attentifs: maintenant que les données numériques commencent à jouer un rôle de plus en plus important dans nos vies, autant les laisser derrière nous à notre mort. Il s’agit là de ‘nouvelles formes de patrimoine’, peut-on lire sur Notaire.be. 

Aussi parce que certaines de ces données portent sur de l’argent. Un blog peut générer des revenus publicitaires, ou un compte de jeu League of Legends peut avoir gagné des prix, ou encore vous avez déjà versé de l’argent pour une bibliothèque musicale sur iTunes et, jusqu’à nouvel ordre, vous devez toujours le faire pour certains films. Peut-être aussi qu’une personne décédée a encore de l’argent dans son portefeuille PayPal.

Pour les notaires, l’accès aux services en ligne fait simplement partie des capacités de chacun. C’est ainsi que des dispositions peuvent être incluses dans un testament, selon lesquelles un ‘exécuteur testamentaire’ peut également s’occuper des données numériques du défunt. Il aura alors accès à vos données via une – mais oui! – liste imprimée de données de connexion, qui seront alors conservées en toute sécurité chez le notaire.

Mais vous n’avez même pas besoin de vous rendre physiquement chez un notaire à cette fin. Les notaires belges ont en effet fondé Izimi, il y a environ trois ans: un coffre-fort numérique gratuit dans lequel vos objets de valeur numériques – comme l’accès à tous vos services en ligne – peuvent être stockés.

Et la confidentialité dans tout cela? Voici une histoire que vous ne connaissez peut-être pas: le droit au respect de la vie privée prend fin au décès en droit belge. Si votre héritage numérique contient des traces de sexting ou de quelque chose de similaire, vos proches survivants le sauront également, ​​à moins que vous n’ayez pris des mesures pour effacer ces traces de votre vivant. Mais vous ne vous en souvenez peut-être plus!

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