Reinier van Leuken (Salesforce): « Notre ambition est d’optimiser les processus client avec l’IA »

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Après avoir déjà intégré la technologie des données dans sa plateforme CRM, Salesforce mise désormais sur l’utilisation de la technologie IA pour supporter et optimiser les processus client.

En marge de l’événement Salesforce Innovation Day de Bruxelles, Reinier van Leuken, director of Product Management chez Salesforce, a partagé son analyse de l’IA.

Depuis le lancement public de ChatGPT fin de l’année dernière, l’intelligence artificielle ne cesse de faire la une de l’actualité. En tant que scientifique, vous vous intéressez depuis plus longtemps déjà à ces domaines de recherche. Mais est-ce aussi le cas de Salesforce ?

Reinier van Leuken: Bien évidemment. Dès 2016, lorsque je suis entré chez Salesforce, nous avions lancé Einstein comme module de notre plateforme. D’ailleurs, Einstein est aujourd’hui encore la marque qui recouvre l’ensemble de nos activités en IA. À l’époque, il s’agissait surtout d’un logiciel d’analyse et d’applications d’IA prédictive. Chaque semaine, notre plateforme délivre mille milliards de prévisions. Ce chiffre élevé en dit long sur l’évolutivité et le taux d’adoption de notre offre IA. Et désormais, nous y ajoutons l’IA générative. C’est à ce niveau qu’intervient notamment Einstein Copilot qui propose aux clients un assistant virtuel dans leur environnement Salesforce. Cet assistant intelligent permet aux collaborateurs de poser des questions et de donner des missions. Par exemple, donnez-moi une synthèse de l’état d’un compte spécifique. Ou écrivez-moi un courriel pour une action marketing. C’est ainsi que Salesforce propose toutes sortes de scénarios aux utilisateurs.

À vous entendre, l’IA semble avoir déjà largement conquis sa place sur le lieu de travail.

van Leuken: Cette évolution s’explique aussi en partie par le fait que nos clients déploient des processus métier très concrets sur notre plateforme. C’est notamment le cas des processus de service tels qu’on les retrouve typiquement dans les grands centres de contacts avec des agents qui sont confrontés à des questions, des plaintes ou des problèmes. Dans un tel cas, la rapidité est importante, mais aussi la productivité de ces agents.

Dans de tels environnements, on voit apparaître des applications très puissantes de l’IA. Dès qu’un agent entame une conversation avec un client, il se voit par exemple proposer automatiquement différentes réponses et solutions possibles grâce à l’IA. Comme notre technologie d’IA prend en compte les données de notre plateforme Salesforce lors de la génération de ces solutions et ces réponses, les suggestions sont en outre très contextuelles. En d’autres termes, vous ne recevez pas une réponse générale ou générique, comme c’est souvent le cas avec ChatGPT notamment, puisque le contexte est pris en considération, ce qui augmente finalement la pertinence et la précision de la réponse à une question spécifique du client. Du coup, nos solutions d’IA générative apportent une valeur aux agents du centre de contacts qui, à leur tour, peuvent encore mieux servir les clients.

Qu’advient-il si ces mêmes agents considèrent l’application d’IA comme une menace ?

van Leuken: Je pense qu’il est important de se concentrer sur ‘the human in the loop’ comme nous l’appelons. Pour ma part, je n’y vois pas tant une application susceptible d’éliminer l’homme du processus de service que comme une application ayant le potentiel d’améliorer l’expérience à la fois du client et de l’agent. Une application gagnant-gagnant en quelque sorte. En ce qui concerne les clients, il faut savoir qu’autrefois, ceux-ci faisaient l’effort de contourner le chatbot pour entrer en contact avec un agent humain pour obtenir la réponse à une question simple. Mais aujourd’hui, ils ne veulent plus se donner cette peine et préfèrent voir leur question prise en charge par un agent conversationnel. Et c’est d’ailleurs une bonne chose puisque les agents humains semblent préférer se concentrer sur les 20% de cas plus difficiles – et donc plus intéressants – où l’interaction humaine est par définition nécessaire. Car pour les 80% restants, qui ne devraient vraiment pas leur être adressées, ils préfèrent ne pas s’y consacrer.

Reinier van Leuken © Salesforce
Entre-temps, la concurrence ne reste pas les bras croisés. Comment Salesforce se distingue-t-elle des éditeurs plus généralistes de logiciels d’entreprise comme SAP et Microsoft en matière d’IA ?

van Leuken: Salesforce ne s’appelle pas pour rien ‘The Customer Company’. Notre slogan est et reste de rapprocher les entreprises de leurs clients. Cela étant, notre priorité a évolué au fil des années d’un support à la vente pur et dur vers un large spectre de solutions, par exemple pour le marketing et le service à la clientèle. Bref, tout ce qui concerne l’optimisation des interactions client. Pour atteindre cet objectif, nous avons désormais enrichi notre plateforme de toutes sortes de technologies de support.
C’est par exemple le cas de Data Cloud où nous offrons une image complète du client. Traditionnellement, il se révèle difficile pour bon nombre d’entreprises d’identifier un client au sein de leur environnement de vente, puis de retrouver ce même client dans l’environnement de marketing. Ces deux profils devraient fusionner en une seule ID client cohérente si l’on veut vraiment être pertinent pour ce client au travers des différents canaux et lui offrir une expérience client uniforme. Ce que nous constatons désormais, c’est que depuis deux décennies maintenant, nos clients consolident non seulement leurs processus métier, mais aussi leurs données, sur la plateforme Salesforce. Et que l’étape logique suivante consistera à rendre ces processus métier plus intelligents, plus efficaces et plus pertinents grâce à l’IA. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous misons pleinement sur cette nouvelle technologie.

En fait, notre ambition est de regrouper ces trois dimensions dans notre offre : le CRM, les données ET l’IA. Avec cette spécificité importante que chez nous, contrairement aux concurrents que vous évoquiez, il s’agit de processus client. Or il s’agit là dans bon nombre d’entreprises de la majorité des processus, ou du moins une grande partie d’entre eux.

Comment voyez-vous l’IA générative évoluer ? Pouvez-vous lever un coin du voile ?

van Leuken: Si nous nous arrêtons plus spécifiquement sur le texte, l’évolution se fera évidemment vers le LLM, ces ‘large language model’ ou grands modèles de langage. Aujourd’hui, force est encore de constater que lorsqu’ils posent une question à un tel modèle, les gens s’attendent à recevoir une réponse factuellement correcte. Toutefois, lorsqu’il s’agit de connaissances ou d’informations très spécialisées, on se heurte rapidement aux limites d’un tel LLM.

Je m’attends donc à voir une évolution en termes de responsabilité de l’exactitude factuelle qui sera enlevée aux LLM pour la confier à des ‘prompts’. Dans un tel cas, lorsque vous poserez une question à ce modèle, vous obtiendrez directement à la suite une série d’articles scientifiques ou de documentations qui peuvent contenir la réponse à votre question et qui seront ensuite analysés de manière très ciblée par le modèle. Il s’agit là d’une évolution à laquelle nous croyons beaucoup. C’est ainsi que nous développons maintenant une technologie capable d’optimiser les messages-guide.

Une autre tendance que nous identifions est que nous ne recevrons plus uniquement un texte comme réponse à une question posée à un tel modèle ou à une instruction donnée, mais plutôt une proposition d’actions à entreprendre. Des actions que le système pourra, le cas échéant, exécuter directement. C’est ainsi que l’IA générative évoluera progressivement vers une sorte de nouvelle ‘expérience utilisateur’ qui nous permettra de converser toujours plus avec nos systèmes. Cette ‘interface conversationnelle’ est d’ailleurs l’idée sous-jacente de l’Einstein Copilot.

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