MiMiOr: Un même patient, un seul dossier

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Dries Van Damme

Pourquoi est-il toujours aussi difficile de proposer des données de santé à la fois efficaces et sécurisées tant aux prestataires de soins qu’au patient ? Tel est précisément le défi que relève Jan Vekemans avec MiMiOr.

Gregory House – joué par l’acteur Hugh Laurie – est un médecin certes brillant, mais asocial, de la série TV éponyme. House se caractérise surtout par sa capacité à poser le diagnostic exact, sans forcément suivre les règles prescrites. C’est ainsi qu’il permet à ses assistants d’entrer par effraction dans la maison d’un patient pour y inspecter un évier et trouver l’origine d’une infection rare. « C’est précisément ce dont nous avons besoin », estime Jan Vekemans. Pas entrer par effraction, évidemment. « Mais bien une solution qui va plus loin. Car plus on dispose d’informations périphériques, mieux on peut soigner le patient. »

Cet exemple est la parfaite illustration d’un discours passionné. « La meilleure preuve que la numérisation des soins de santé ne fonctionne pas se trouve dans le frigo du patient, explique-t-il. Celui-ci renferme en effet une petite boîte jaune qui contient les données médicales et personnelles de la personne. Les ambulanciers en intervention savent qu’ils trouveront cette boîte dans le frigo. » Et c’est une bonne chose, faut-il avouer, car ils ne pourront pas avoir accès au dossier médical électronique du patient. Ce constat – qu’il y a encore beaucoup de marge d’amélioration dans le numérique – a incité Jan Vekemans à lancer MiMiOr, soit My integrated Medical information & Online record.« One patient, one record », en d’autres termes.

Flux

L’inspiration de cette start-up, Vekemans l’a puisée dans sa propre expérience et dans sa longue carrière dans le secteur IT, notamment chez Commodore, Vasco Data et InterSystems – avant d’être victime d’un cancer voici 5 ans. « C’est alors que j’ai appris à comprendre le fonctionnement des soins de santé du point du vue du patient », explique-t-il. Juste avant de passer sur le billard, il a demandé au médecin s’il savait qu’il était allergique aux noix. « Pourtant, je l’avais indiqué avant l’intervention comme l’une des réponses à un questionnaire particulièrement détaillé. Or cette information – pourtant une question de vie ou de mort – n’avait pas été communiquée à l’anesthésiste. »

Par la suite, cette info sur les allergènes fut certes reprise dans le dossier, mais pas dans le champ ad hoc. « Cet exemple montre clairement la problématique en cause. Il existe des hiatus dans l’information disponible, tant pour le médecin que le patient lui-même. À cela s’ajoute que dans ce secteur, le temps constitue un élément crucial. » En effet, le temps est souvent compté, le médecin est tenu d’intervenir rapidement. Or tout ce qui ne se trouve pas à ce moment dans le dossier n’existe pas pour le médecin. « Parfois, l’information existe certes, mais n’est pas disponible ou pas consultable, poursuit Jan Vekemans. Alors que l’échange d’informations est déjà difficile entre le patient et son médecin, cela devient très compliqué quand plusieurs médecins ou prestataires de soins sont impliqués. »

Consentement

Avec MiMiOr, Jan Vekemans rebat les cartes. « Nous mettons le patient au centre, explique-t-il. En parallèle, nous introduisons une ligne du temps. » Un médecin est tenu de valider l’ensemble des informations médicales, tandis que l’environnement intègre tous les éléments concernant le bien-être du patient. « Il peut s’agir des niveaux de glucose dans le sang pour un patient diabétique, mais aussi d’informations sur la condition physique relevées par une montre connectée ou une appli comme Strava. C’est ce que j’entends avec l’exemple du docteur House : collecter plus d’informations périphériques afin que les prestataires de soins disposent d’un contexte plus riche. »

« La meilleure preuve que la numérisation des soins de santé ne fonctionne pas se trouve dans le frigo du patient. »

S’il est certes important de disposer de toutes ces informations de manière centralisée, il convient également que le patient puisse décider lui-même des informations qu’il désire partager.« Nous avons mis au point une procédure qui permet au patient d’indiquer de manière très granulaire du type de consentement qu’il accorde, poursuit Vekemans. De même, le patient pourra tout aussi facilement retirer son autorisation. » Le système détermine aussi avec précision le type d’informations que telle personne pourra consulter. « Ce consentement qui est donné ou retiré est documenté dans un horodatage crypté. Ce faisant, il sera possible de prouver si une intrusion a été commise. »

Transition

Sur le terrain cependant, il apparaît que les systèmes des différentes parties concernées – hôpital, médecin, personnel soignant, etc. – ne sont pas en mesure d’échanger leurs données. « Il n’est possible de résoudre ce problème qu’en prévoyant des modifications à la base, et non en cours de route. En somme, le fait qu’un hôpital opte pour tel ou tel dossier patient électronique ne devrait pas poser de problème. Il faut simplement que des accords soient trouvés pour permettre la conversion des données dans un autre format si nécessaire pour faciliter ensuite l’échange de ces données. Techniquement, ce n’est pas compliqué, même s’il y a malheureusement de très nombreux intervenants. »

Dans le secteur, il apparaît toutefois souvent impensable de s’attaquer aux fondements d’un système. « D’un point de vue informatique, c’est pourtant faisable, estime encore Jan Vekemans. Certes, il faut entamer cette transition pas à pas et non pas comme un big bang. » Et de faire référence à la transformation numérique qu’a connue le secteur bancaire. « Les banques ont relevé le défi. » Mais d’ajouter en souriant : « Elles ont évidemment de l’argent. »

Mais plus sérieusement, Vekemans souligne que le secteur doit oser aller de l’avant. « On est toujours à la recherche de la perfection, alors que celle-ci n’est souvent pas possible, ce qui fait qu’en pratique, rien ne bouge vraiment. Il serait préférable d’envisager une norme réalisable, de la mettre en œuvre puis de l’améliorer au fil de l’eau. » Telle est d’ailleurs l’approche adoptée en son temps par le bancaire. « Les banques ont défini une réglementation qui n’était certes pas parfaite, mais suffisante pour commencer. Il s’agissait alors aussi de données confidentielles – en l’occurrence des données financières. Dès lors, pourquoi ne serait-ce pas possible avec les données de santé ? »

Poser d’abord les bases

Comment dès lors procéder ? Avec un nouveau ministre ? « Non, réagit Jan Vekemans. Mais avec une autre mentalité. Si davantage de patients mécontents devaient entamer une action en justice, cela pourrait aider. » Faudrait-il s’inspirer des modèles de soins de santé d’autres pays ?« Certainement. C’est ainsi que le portail e-Santé mis en place pour les patients et les prestataires de soins au Luxembourg, fonctionne parfaitement. Certes, il s’agit d’un petit pays, mais soit. Il suffirait de commencer chez nous par l’un des 25 réseaux hospitaliers. Car une approche top-down ne fonctionne pas. Le bottom-up, voilà la voie à suivre. »

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