Les organisations qui intègrent la durabilité informatique dans leur stratégie en tirent un avantage concurrentiel. Mais comment aborder au mieux cette quête d’une IT durable ? Hans Stokking, de l’institut de recherche néerlandais TNO, souligne l’importance de la ‘suffisance numérique’.
Selon l’Agence internationale de l’énergie, les activités informatiques prennent à leur compte environ 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Une part qui ne cesse de grossir, notamment en raison de la popularité croissante de l’intelligence artificielle générative. Lors du forum GreenTech à Bruxelles, Hans Stokking, chercheur spécialiste de l’infrastructure numérique au TNO, a expliqué observer une prise de conscience de la nécessité de durabiliser l’IT. Pourtant, de nombreuses organisations éprouvent toujours des difficultés à prendre des mesures efficaces, note-t-il.
Hans Stokking y voit l’effet d’un paysage complexe dans lequel opèrent une myriade de fournisseurs, d’intégrateurs et d’organisations : ‘De plus, il y a trois acteurs très dominants avec Amazon, Microsoft et Google. Leurs décisions ont un impact majeur sur l’empreinte carbone mondiale. Mais cela ne doit pas empêcher les opérateurs locaux de saisir toutes les occasions de faire mieux.’
Paradoxes
Hans Stokking souligne que la question d’une IT durable n’est pas sans poser de problèmes même aux régulateurs. ‘L’appel en faveur d’une informatique plus durable se fait de plus en plus pressant, mais les autorités se rendent compte que toute restriction entrave l’innovation. Un autre paradoxe concerne les partenariats. De nombreuses entreprises sont parfaitement conscientes du fait qu’un partenariat peut faire changer de dimension n’importe quelle initiative durable, mais elles sont souvent réticentes à l’idée de s’engager avec un acteur du secteur’, explique Hans Stokking.
Une contradiction similaire se retrouve au niveau technologique : le cloud ouvre la voie à une efficacité et une durabilité accrues, mais entraîne à son tour une utilisation plus intense des applications IT. En fin de compte, l’empreinte carbone ne diminue pas.
‘Suffisance’
Les entreprises doivent oser remettre en question leur utilisation de l’IT, poursuit Hans Stokking. ‘Je plaide pour une approche rationnelle et ce que j’appelle la “suffisance numérique”. Si vous voulez parier sur l’IA générative, vous devez être en mesure d’expliquer comment l’outil bénéficiera à la productivité de votre entreprise. Si elle n’apporte pas de valeur ajoutée pour l’entreprise, il est possible de faire avec moins.’
Pour ce qui est du hardware, Hans Stokking conseille aux organisations d’opter pour la circularité et de privilégier les appareils qui ont un cycle de vie plus long. ‘La sensibilisation à des habitudes de recharge durables est tout aussi importante. L’idéal est de demander à vos collaborateurs de maintenir entre 20% et 80% de charge sur leur ordinateur portable.’
De plus, une politique informatique durable doit inclure toute l’entreprise. ‘N’hésitez pas à y associer une dimension stratégique et à mettre autour de la table le département informatique, les responsables de la CSRD et d’autres rôles déterminants. Sur le plan externe, la voie à suivre requiert une coopération entre les utilisateurs de l’IT, les fournisseurs de technologies, les instituts de connaissance et les décideurs politiques.’
Défis
Hans Stokking a rédigé un rapport de recherche sur l’informatique verte à partir de contributions de vingt organisations néerlandaises, dont ABN Amro, Air France-KLM et Philips. L’étude révèle plusieurs défis. ‘De nombreuses organisations éprouvent des difficultés à obtenir des données transparentes et vérifiables sur leurs émissions, y compris au niveau des fournisseurs de cloud.’
L’intégration de la durabilité dans la gouvernance informatique et la traduction d’objectifs généraux en résultats mesurables constituent deux autres points sensibles. ‘Enfin, une informatique durable nécessite une réflexion en termes de chaîne, puisque les émissions du scope 3 (soit les émissions indirectes, ndlr) représentent une part substantielle des émissions liées à l’IT pour de nombreuses organisations. Or la cartographie et le pilotage de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement restent complexes.’
Conclusion positive
Enfin, nous devons également tenir compte de la positivité nette. ‘Il faut mettre en balance la réduction de l’empreinte carbone de l’informatique et la valeur qu’elle apporte aux gens et à la société’, affirme Hans Stokking. L’objectif est que le solde reste positif.