Tableau: l’IA pour doper la visualisation de données
Cinq ans après le rachat par Salesforce, le visualisateur de données Tableau mise à fond sur l’IA, question de rendre son produit encore plus utile et convivial et d’aiguiller de nombreux utilisateurs vers d’autres services.
Tableau est une solution de visualisation de données qui permet par ailleurs de générer des prévisions et d’identifier des tendances. À l’ère de l’IA, l’entreprise entend continuer dans cette voie, tout en permettant de travailler sur les données visualisées pour réaliser des tâches utiles et en exploitant l’IA générative afin que des utilisateurs non scientifiques puissent aussi tirer un maximum de profit des chiffres disponibles.
« La plupart des données ne sont pas ou qu’à moitié structurées. Notre solution permet de les ouvrir », adéclaré Matthew Miller, senior director Product Management chez Tableau, dans le cadre de son discours inaugural de Datafam Europe, la première conférence européenne de l’entreprise. Son message : notre produit exploite l’IA pour simplifier toute une série de tâches rébarbatives.
C’est ainsi que grâce à l’IA, Tableau peut améliorer la reconnaissance de données ainsi que leur structuration et leur visualisation. L’autre priorité porte sur la détection et l’analyse des données. « Vous pourrez obtenir des analyses proactives, ce qui était encore de la pure science-fiction voici deux ans à peine », insiste-t-on. À titre d’exemple, il est désormais possible de poser des questions en langage humain (en anglais) sur un jeu de données de Tableau. Mais aussi de demander de présenter les données sous une autre forme. « Vous connaissez votre modèle d’entreprise et vos données et au lieu de bricoler avec Python ou d’autres outils de transformation, vous pouvez simplement expliquer ce que vous voulez faire et demander de l’aide », explique encore Miller. Mieux encore, si Tableau identifie lui-même des situations, par exemple un nouveau segment de clientèle dans des chiffres de vente ou un lien entre une campagne de promotion et la pénurie d’un article sur un marché spécifique, il pourra faire des suggestions.
Aider, pas décider
Interrogé par Data News, Ryan Aytay, CEO de Tableau, insiste sur le fait que Tableau fera une suggestion, mais qu’il appartient à l’utilisateur d’opter ou non pour cette suggestion. En d’autres termes, l’IA vient en support, mais ne décide pas. « Mais dans le cas d’une telle suggestion, les données sous-jacentes seront présentées. Nous cherchons toujours à exploiter pourquoi telle suggestion est intéressante ainsi que la relation entre certains points de données et son intérêt. »
En arrière-plan, Tableau s’appuie sur Agentforce, l’IA de la maison mère Salesforce. L’entreprise mise clairement sur des agents pouvant être exploités avec des données. C’est ainsi qu’elle a mis au point une place de marché en ligne qui propose de tels agents conversationnels pouvant être intégrés à la solution. En d’autres termes, si vous vendez des parapluies, vous pourrez combiner des données de vente à un agent qui collecte les données météo des derniers mois et peut vérifier si les ventes ont effectivement augmenté lors de périodes de mauvais temps.
Le CEO de Tableau estime cette évolution positive dans deux directions. « Cela me donne, pour gérer l’entreprise, des informations que j’aurais sinon dû demander à mon équipe ou pour lesquelles j’aurais dû impliquer un analyste spécifique. D’un autre côté, la fonction d’analyste comporte des tâches que celui-ci n’apprécie pas toujours d’effectuer, comme certains calculs. Avec l’IA générative, une partie de ce travail est automatisé. En intégrant Agentforce dans Tableau, nous passons de la visualisation de données à une plateforme d’action qui peut être automatisée et à de l’analytique accessible à un plus grand nombre d’utilisateurs. »
« Nous pouvons proposer un contexte métier susceptible d’être exploité par plus de personnes, ce qui permet à davantage d’utilisateurs de répondre à plus de questions » ajoute Southard Jones, Chief Product Officer. Certes, cette évolution exige une adaptation de la politique de licence de l’entreprise, puisque les utilisateurs ne sont plus seulement des analystes, mais aussi de ‘simples’ utilisateurs de l’entreprise. Ryan Aytay : « Au départ, nous avions trois types de profils : le viewer, l’explorer et le creator. Mais à l’avenir, nous allons lancer Tableau Plus, un profil permettant d’accéder à toutes les fonctionnalités, outre les fonctions que nous déployons actuellement, comme Agentforce. Par ailleurs, nous examinons la possibilité d’un paiement à la consommation : certains utilisateurs ne se connectent à Tableau qu’une fois par mois et d’autres plusieurs fois par jour. »
Cloud ou local ?
L’un des éléments importants en ces temps agités sur le plan géopolitique est l’endroit où doivent être stockées les données. À cet égard, Tableau insiste sur une flexibilité maximale. « Vous choisissez sur quel serveur doivent résider vos données. Nous disposons désormais au Royaume-Uni d’un Hyperforce cluster Pod, mais aussi d’un site en Allemagne et en Indonésie, tout en envisageant d’autres régions encore. Mais il doit aussi être possible de stocker ses données en local, ce que nous proposons avec Salesforce », précise Aytay. Ces derniers mois, Tableau a migré son infrastructure cloud d’AWS vers Hyperforce, une plateforme de Saleforce qui tourne également sur AWS.
« Nous y intégrons aussi des éléments spécifiques : c’est ainsi qu’un client allemand demandait à travailler en partie dans le cloud, mais aussi à avoir certaines données sur site. C’est possible chez nous : vous ne devez pas forcément opter pour tel serveur ou tel cloud, ce qu’un nombre croissant d’utilisateurs demandent. Vous pouvez même mettre en place un double environnement.
« Vous pourrez obtenir des analyses proactives, ce qui était encore de la pure science-fiction voici deux ans à peine. »
L’intégration avec Agentforce et le développement d’agents en interne doit par ailleurs constituer un pont vers d’autres produits Salesforce. « Vous devez envisager les agents comme une couche transversale de Salesforce, explique Aytay. Songez à l’approbation de voyages ou de frais dans l’entreprise. Vous pourriez déployer un agent qui supporte le flux d’approbation via Slack [un autre produit de Salesforce, NDLR] qui approuve automatiquement la demande si un montant ou un total déterminé par an n’est pas dépassé. Certes, les possibilités sont bien plus vastes, mais j’essaie de vous montrer que ces agents ne sont pas une simple fonctionnalité, mais constituent le cœur même de notre activité, sans pour autant négliger la visualisation de données et la modélisation sémantique. Mais à nos yeux, l’avenir consiste à supporter la visualisation et la modélisation à l’aide d’agents. »
À terme donc, des agents exécuteront une partie du travail pour le compte des collaborateurs. « Vous ne devrez plus commander un Uber lorsque vous atterrirez, mais l’agent constatera que votre avion est au sol et fera le nécessaire. »
Cela dit, les agents ne sont pas une finalité. Nous avons rencontré Aytay et Jones deux semaines à peine après le lancement par Anthropic de Computer Use, un outil permettant d’exécuter certaines opérations sur un PC avec l’IA. Pour sa part, Google envisage de faire de même avec Gemini au sein de Chrome. Tableau, Slack et le reste du portefeuille de Salesforce vont-ils emprunter la même voie ? « J’estime que nous n’en sommes pas loin, confie Jones. A notre niveau, j’envisage une analytique qui tourne d’elle-même. Aujourd’hui, l’IA analyse déjà toutes vos données et identifie des modèles que l’utilisateur n’envisageait peut-être pas. Elle comprend aussi dans quel secteur vous être actif et sait dès lors quels éléments sont plus ou moins importants pour vous. Mais je crois qu’il faudra toujours une interaction humaine. Nous devons nous assurer que le résultat passera toujours par l’individu. »
Outre un pont vers d’autres produits Salesforce, l’IA est évidemment aussi une manière de se distinguer de la concurrence et, partant, d’augmenter sa part de marché. « Notre priorité est certes de continuer à aider toujours plus nos utilisateurs actuels. Nous voulons aussi les ‘déverrouiller’ en améliorant leur efficacité et leurs performances », souligne Aytay. « L’une des conséquences est évidemment qu’un nombre croissant de personnes utilisent une plateforme de données, et donc testent Tableau, complète Jones. Dans notre keynote, nous avons accueilli un responsable de Virgin Media qui expliquait comment il utilisait Pulse pour la détection de la fraude. Soit donc une personne qui n’utilisait autrefois qu’à peine notre produit et qui découvre comment l’exploiter davantage. Voilà qui prouve que nous pouvons leur fournir des informations sous une forme aisément compréhensible. »
21 ans de visualisation de données
Tableau a été fondée en 2003 et se spécialise depuis plus de 20 ans dans la visualisation de données. Elle est donc active sur le marché de la BI et concurrence notamment Microsoft Power BI et QLIK Sense. En 2019, elle était rachetée par Salesforce pour 15,7 milliards $. L’entreprise a longtemps été dirigée par le cofondateur Christian Chabot auquel a succédé en 2016 Adam Seppilsky qui dirige désormais AWS. En 2021, Sellipsky a été remplacé par Mark Nelson et depuis mai 2023, la direction est assumée par Ryan Aytay, vétéran de Salesforce.
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