L’IA nous aidera bientôt à parler avec les animaux
S’adresser aux animaux: une compétence actuellement attribuée uniquement à des personnages mythiques comme le docteur Dolittle et François d’Assise, pourrait bientôt devenir possible grâce à l’intelligence artificielle. C’est ainsi que l’organisation à but non lucratif Earth Species Project réalise déjà des progrès significatifs dans l’interprétation IA des sons émis par les baleines.
Le chemin est encore long, mais Earth Species Project (ESP) poursuit vraiment son objectif d’une communication bidirectionnelle entre l’homme et les autres espèces animales, dans leur propre ‘langage’, au moyen d’ordinateurs pilotés par l’IA comme intermédiaire entre les deux. L’organisation, qui a des fondateurs à l’esprit technologique et avec des antécédents sur Twitter et Facebook, entre autres, génère depuis l’année dernière un ensemble de données pour alimenter une intelligence artificielle qui devrait un jour être capable d’interpréter la communication des oiseaux, primates, éléphants, chauves-souris et amphibiens notamment et les traduire en langage humain. Tout comme ce que Médor ou Minou tentent de vous ‘dire’ à la maison.
Du pain sur la planche
D’ici 30 ans, souligne ESP, les documentaires sur la nature n’auront plus besoin d’une voix narrative à la David Attenborough, car ce que les animaux se diront, sera sous-titré à l’écran. Mais bien sûr, nous n’en sommes pas encore là. La technologie de l’IA constitue l’obstacle le plus faible à franchir: dans le même temps, de grandes quantités de données doivent encore être collectées, et une compréhension plus approfondie de la manière dont les animaux communiquent entre eux (et avec d’autres espèces animales, comme la nôtre) est nécessaire.
En règle générale, les animaux ne possèdent pas un langage complexe comme celui que les humains ont développé: ils communiquent par leur comportement. Prenez un chat domestique: il ne s’exprime pas dans une langue, mais par un système de signaux tels que les sons, les mouvements de la queue, la grandeur de la pupille et la position des oreilles. À mesure que cette communication sera de mieux en mieux reconnue et interprétée, les possibilités de la convertir en phrases simples en langage humain augmenteront.
Les biologistes réussissent de plus en plus à ‘décoder’ et à interpréter cette communication, mais il reste encore beaucoup de travail à accomplir. ‘L’IA est une machine phénoménale de reconnaissance de modèles’, a déclaré Karen Bakker, professeure à l’Université de British Columbia, dans un discours au Forum économique mondial. ‘Mais cela ne nous avance guère. Ce n’est pas la machine du Dr. Dolittle. Pour vraiment comprendre la communication animale, nous devons lier la reconnaissance des modèles au comportement.’
Données et compréhension
La clé réside dans l’écologie comportementale, l’étude des réponses animales à l’environnement des créatures sur Terre. Ce domaine d’étude suit les modèles et les lois du comportement animal. Les biologistes collectent de vastes ensembles de données sur les comportements par lesquels les animaux tentent de se communiquer quelque chose via des signaux visuels, oraux et physiques. ESP travaille déjà avec plus de 40 biologistes et instituts écologiques à travers le monde pour collecter leurs données afin que l’IA de l’organisation à but non lucratif puisse y être formée.
L’objectif, selon les chercheurs, est de déterminer dans quelles circonstances un animal produit ce que l’on peut appeler un signal de communication, comment l’animal récepteur y réagit et quels signaux sont pertinents pour d’éventuelles actions d’influence. Les algorithmes d’apprentissage machine font alors ce qu’ils font de mieux: reconnaître des modèles et générer du contenu ciblant l’humain en fonction de ce qu’ils ont appris.
Les baleines d’abord
Les principaux progrès enregistrés à l’heure actuelle, selon Wired, concernent les cétacés. Dans les années 1960, l’activiste environnemental Roger Payne a découvert une série d’enregistrements sous-marins de baleines à bosse effectués par des sous-marins américains, qui, selon lui, prouveraient que ces animaux sont capables d’une communication complexe entre eux. Il a sorti un vinyle des sons en question en 1970, Songs of the Humpback Whale, qui a non seulement été récompensé à plusieurs reprises par un disque de platine grâce à son succès commercial, mais qui a également contribué à sauver l’espèce de l’extinction. La diffusion de ce disque vinyle devant la session plénière des Nations Unies a déclenché des initiatives législatives mondiales, ce qui s’est traduit par une augmentation du nombre de baleines à bosse sur la planète, pour passer de 5.000 exemplaires seulement en 1960 à 135.000 aujourd’hui.
Et maintenant, ce chant de baleine est inclus dans la collecte de données d’ESP. ‘Les cétacés sont particulièrement intéressants en raison de leur longue histoire – 34 millions d’années en tant qu’espèce culturelle et d’apprentissage social’, déclare Katie Zacarian, CEO d’ESP, à forum économique mondial. ‘Et comme la lumière ne se propage pas bien sous l’eau, une plus grande partie de leur communication passe forcément par le canal acoustique.’
Un ton plus bas
Des organisations et des écologistes travaillant sur ce projet – et sur une initiative similaire appelée Projet CETI – n’essaient bien sûr pas seulement de comprendre ce que ‘disent’ les animaux pour le plaisir. Il y a aussi un incitant écologique important: une meilleure compréhension des animaux, du point de vue de ces derniers en tant que tels, peut également contribuer à sauver des espèces menacées de l’extinction.
Cependant, la philosophie sous-jacente à ce projet d’IA est bien plus profonde. Si nous pouvons communiquer d’une manière ou d’une autre avec les animaux, nous devrons à un moment donné adopter un ton plus bas. ‘J’aime comparer l’IA à l’invention de l’optique moderne, qui nous a donné le télescope et nous a aidés à réaliser que la Terre n’était pas le centre de l’univers’, a suggéré le fondateur d’ESP, Aza Raskin, lors du lancement du projet en 2022. ‘Nous avons maintenant atteint un point où nous disposons de données à une nouvelle échelle, et l’IA nous offre la possibilité d’y observer des modèles à grande échelle. En pointant ce nouvel instrument sur les modèles de la planète, nous pouvons voir que l’humanité n’en est pas le centre.’
Mais le comportement des baleines, qui n’a pas encore été interprété par l’IA, selon l’écologiste acoustique Michelle Fournet dans Wired, indique que ces animaux voient déjà le monde à leur façon, avant même qu’on s’en rende compte: ‘Cet animal mesure 12 mètres de long et pèse 34.000 kilos et se fiche pas mal de nous. Chacune de ses inspirations me fait chavirer.’
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