Les data et la technologie accélère la durabilisation du transport et de la logistique

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Le secteur belge du transport et de la logistique atteint un seuil critique. La pression pour réduire les émissions de CO2 s’accroît. Cette durabilisation n’est plus seulement une question de carburants alternatifs et de camions électriques: en coulisses, une révolution de la numérisation et de l’automatisation est en train de se produire.

Les objectifs climatiques en matière de transport et de logistique sont ambitieux. D’ici à 2030, les émissions de gaz à effet de serre de l’Europe doivent être réduites d’au moins 55 %, alors que les flux de marchandises continuent de croître. Cette tension oblige l’industrie à innover. Alors qu’au cours des dernières années, il s’est principalement intéressé aux carburants alternatifs et aux véhicules électriques, il est désormais de plus en plus admis que les data et la connectivité sont les véritables catalyseurs de la transition écologique. De la planification du fret à la gestion de l’énergie, la réduction structurelle des émissions est impossible sans outils numériques.

Selon Theo Notteboom, professeur d’économie portuaire et maritime à l’université d’Anvers, la transition climatique dans la logistique est donc principalement une question de data. ‘Il n’est possible de réduire que ce que l’on peut mesurer avec précision’, constate-t-il. ‘Nous devons visibiliser les émissions tout au long de la chaîne, et pas seulement à l’échappement du navire.’ Theo fait ainsi référence aux émissions générées par la combustion du carburant à bord d’un navire par rapport aux émissions totales de gaz à effet de serre émises tout au long du cycle de vie du carburant.

Dans ce contexte également, mesurer, c’est savoir. Des capteurs installés dans des camions et des conteneurs fournissent des informations en temps réel sur la consommation de carburant, la vitesse, le chargement et les temps d’arrêt. Des plateformes numériques traduisent ces données en ‘tableaux de bord carbone’ qui permettent aux entreprises de suivre leurs émissions par trajet, par client ou par expédition. Kris Neyens, responsable de l’internationalisation au sein de la Plateforme flamande pour l’innovation logistique (VIL), constate chaque jour l’impact croissant de cette évolution:  ‘la numérisation est le moteur de la durabilisation. Sans données, vous ne savez pas où vous gaspillez, où vous roulez à vide ou où vous consommez trop d’énergie. La technologie visibilise ces éléments et permet donc de les maîtriser.’

La technologie intelligente comme moteur

Aujourd’hui, la numérisation des processus logistiques dépasse largement l’automatisation administrative qui avait déjà eu lieu auparavant. De nouvelles technologies rassemblent la consommation d’énergie, les déplacements et les infrastructures dans un réseau intégré. L’IA et l’apprentissage automatique prédisent où les véhicules peuvent évoluer le plus efficacement, en tenant compte du trafic, de la météo et du chargement. Les jumeaux numériques simulent des chaînes logistiques complètes, afin que les entreprises puissent tester les itinéraires ou les sources d’énergie qui génèrent le moins d’émissions. Des capteurs IdO surveillent en temps réel les performances des camions, des navires ou des entrepôts. Cette architecture complète est regroupée dans des plateformes dématérialisées qui relient les données des transitaires, des transporteurs et des terminaux afin d’optimiser la consommation d’énergie et la planification.

 ‘Les ports sont l’épine dorsale de la numérisation de la chaîne logistique’

Les ports d’Anvers et de Zeebrugge jouent les pionniers dans cette transition numérique. Ils se transforment de points de transbordement physiques en centres de données intelligents qui surveillent et enregistrent chaque mouvement. Selon le professeur Notteboom, le port est ‘le centre naturel de la numérisation dans la chaîne logistique’.  C’est là que les flux de marchandises, l’énergie et l’information se croisent. La connexion de ces couches de données crée des opportunités de réduction systémique des émissions.

Cette vision est conforme à l’évolution vers une plus grande automatisation des ports. L’échange de données entre les terminaux, les transporteurs et les partenaires énergétiques permet à l’ensemble de la chaîne de fonctionner plus efficacement. Kris Neyens souligne que la Flandre dispose d’un écosystème solide pour renforcer cette coopération numérique. ‘Nous avons les connaissances, les acteurs et l’infrastructure’, confie-t-il. ‘Le défi consiste à associer la numérisation à la décarbonation.  C’est la seule façon de conserver nos atouts logistiques ici en Flandre.’

La collaboration est la clé de l’impact

Selon un rapport récent d’ING Transport & Logistics, réalisé en collaboration avec l’Université d’Anvers, la collaboration reste un facteur de succès décisif. En effet, les entreprises qui partagent des données avec des partenaires, des clients ou des concurrents obtiennent des résultats plus rapidement. La durabilisation de la logistique ne peut s’opérer dans des silos isolés, constate le rapport, et les véritables gains ne se concrétisent que lorsque les données circulent librement tout au long de la chaîne. Les algorithmes peuvent alors déterminer automatiquement quel transporteur est le plus économe en énergie pour un chargement donné. En d’autres termes, grâce à la convergence de la numérisation et de la décarbonation, la durabilité n’est plus un compromis entre efficacité et écologie.

Une autre observation, plus remarquable, que le rapport associe à ce constat est que la durabilité a perdu de son importance en tant qu’argument de vente unique pour attirer les jeunes travailleurs. Alors qu’auparavant, les entreprises utilisaient la durabilité comme argument de recrutement, ce sont aujourd’hui surtout l’innovation et la numérisation qui jouent ce rôle. ‘Les jeunes professionnels veulent travailler dans un environnement créatif et axé sur les data’, explique Lawrence Vanhove, responsable de Transport & Logistics chez ING Business Banking Belgium. ‘La numérisation devient ainsi une stratégie RH. Les entreprises qui misent sur des systèmes intelligents et des plateformes intégrées attirent des talents qui feront la différence dans la transition vers le développement durable.’

Réglementation et incertitude

La vague de numérisation rencontre toutefois des obstacles. Le rapport d’ING fait état d’une incertitude juridique et d’un cadre politique fragmenté en Europe. ‘L’UE propose trop de directives et trop peu de règles’, souligne encore le professeur Notteboom. Cette situation complique particulièrement la tâche des entreprises de transport internationales : les États membres appliquent des mécanismes de péage et de subvention divergents pour les véhicules zéro émission et le reporting numérique.

Cette incertitude se traduit par une réticence à investir, en particulier au sein des petites entreprises. Dans le même temps, l’intérêt pour la collaboration et les infrastructures partagées s’accroît. L’enquête, qui a servi de base au rapport, montre que les transporteurs investissent davantage dans la numérisation aujourd’hui qu’ils ne l’avaient prévu il y a cinq ans. Cette observation indique clairement que la technologie est plus que jamais une nécessité stratégique.

 

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