La Belgique, ‘antenne d’IA’ en Europe: quand les ambitions numériques se heurtent aux limites du réseau électrique

Kristof Van der Stadt
Kristof Van der Stadt Rédacteur en chef chez Data News

Le secteur des centres de données belges va accélérer la cadence en 2026. Alors que sa capacité atteint 260 mégawatts (MW), notre pays se voit attribuer un nouveau rôle stratégique: celui d’antenne d’IA européenne. Mais trouverons-nous l’énergie nécessaire?

La Belgique entamera bientôt 2026 avec un secteur d’infrastructures numériques devenant rapidement mature. Après deux ans d’annonces et d’activités de construction, le secteur des centres de données passe du stade des plans d’expansion à celui de la livraison concrète. La capacité de colocation et d’hyperscale dépassera 260 MW de capacité IT d’ici la fin de 2026, répartie en 105 MW pour le secteur de la colocation et 158 MW pour les centres de données hyperscale. C’est ce qu’a calculé la Belgian Digital Infrastructure Association (BDIA), qui publie les chiffres et tendances dans un nouveau rapport ‘State of the Belgian Data Centers’.

L’évolution des investissements reste également élevée, portée par le programme récemment annoncé par Google de 5 milliards d’euros injectés en Wallonie, par la région cloud centrale belge de Microsoft et par l’expansion continue du marché des colocations. Aujourd’hui même, Cegeka annonce la construction d’un nouveau centre de données.

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Avec des milliards d’euros investis par des acteurs tels que Google et Microsoft, notre pays se positionne de plus en plus comme un pôle stratégique en Europe, loin des marchés saturés comme Amsterdam ou Francfort. Le rapport annuel montre cependant aussi que ce bond en avant numérique se heurte à de solides limites physiques: une pénurie aiguë de techniciens et un réseau électrique belge qui ‘craque’ sous la demande.

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La Belgique en tant que centre de coordination de l’IA

La Belgique s’est récemment vue confier le rôle d’antenne d’IA en Europe. Bien que notre pays n’ait pas été choisi par la Commission européenne pour accueillir l’une des ‘AI factories’ (les emplacements des nouveaux superordinateurs européens, ndlr), nous ne sommes pour autant pas laissés de côté. Au contraire, en tant que nouvelle antenne d’IA, la Belgique sert désormais de centre de coordination crucial au sein de l’infrastructure européenne de l’IA.

Que signifie ce statut concrètement? La mission de l’antenne d’IA est de connecter des acteurs nationaux – tels que les institutions de recherche, les pouvoirs publics et les entreprises – au réseau informatique distribué de l’UE. Dans la pratique, cela signifie que la Belgique travaillera en étroite collaboration avec les pays où se trouvent des AI factories, en particulier la Finlande et l’Allemagne. Le gros avantage, c’est que les organisations belges auront ainsi accès à une capacité de formation en IA à l’échelle européenne, sans que notre pays ait à héberger l’immense infrastructure physique d’un tel superordinateur.

Le statut a désormais été officiellement attribué, et la collaboration est actuellement en cours de déploiement pour assurer l’intégration au réseau européen. Le rapport évoque ici un développement clé qui devrait protéger notre influence locale en R&D à une époque où la puissance de calcul de l’IA vaut son pesant d’or.

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L’électricité comme goulot d’étranglement

La demande d’IA est réelle et change radicalement le design des centres de données – pensez au refroidissement liquide et à une densité plus élevée par armoire, comme nous l’avons régulièrement abordé dans Data News –, mais le rythme du déploiement est principalement déterminé par notre réseau électrique. Et la disponibilité d’une électricité suffisante est devenue le goulot d’étranglement absolu. L’opérateur de réseau Elia met en garde contre la capacité de réserve limitée, et pour de nombreux nouveaux projets, le délai d’attente pour une connexion est incertain. Dans le cadre d’une enquête sectorielle, les choses sont claires: ‘L’énergie existe, mais l’attribution est un défi’. Cela oblige les opérateurs à explorer des modèles de connexion flexibles et même à installer des parcs de batteries pour maintenir l’équilibre du réseau.

La pénurie de personnel freine la croissance

En plus d’une pénurie d’électricité, un afflux accru est également nécessaire. Le secteur prévoit d’offrir du travail à quelque 4.700 travailleurs à temps plein d’ici 2026, un nombre qui pourrait dépasser les 7.000 d’ici 2031. Mais l’afflux stagne. Il y a une pénurie structurelle d’ingénieurs électromécaniciens et de spécialistes CVC. Maintenant que les centres de données deviennent plus complexes à cause des applications d’IA, cet écart de connaissances ne fait que grandir. De nombreuses entreprises sont contraintes de créer leurs propres centres de formation, car l’enseignement normal ne peut répondre assez rapidement aux besoins spécifiques.

Avec le statut d’antenne d’IA et sa position centrale, la Belgique dispose donc de solides atouts. Mais pour les jouer, la réalité ‘physique’ – câbles électriques et main d’œuvre technique – doit urgemment suivre les ambitions numériques, conclut le rapport.

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