Hriday Ravindranath (CDIO Orange Business): ‘L’IA générative connaîtra surtout le succès dans les environnements ouverts’

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Pieterjan Van Leemputten

Orange Business dessert les entreprises dans le monde entier avec ses 30.000 collaborateurs. Cet énorme travail exige une très solide infrastructure numérique dont est responsable Hriday Ravindranath, depuis un an Chief Digital and Information Officer de la firme.

Nous avons rencontré Ravindranath au Mobile World Congress de Barcelone, où Orange présentait diverses nouveautés, notamment en vue de réduire la consommation d’énergie. Data News voulait en fait savoir comment un CDIO frais émoulu allait pouvoir moderniser un colosse tel qu’Orange Business et comment il envisageait l’intelligence artificielle sur un salon, où l’IA était littéralement présente sur chaque stand.

Quelle est actuellement votre tâche principale au sein de l’organisation?

RAVINDRANATH: J’ai reçu le mandat de moderniser nos plates-formes IT et technologique. Nous sommes donc en train de passer par une transformation significative! Il est question ici de l’ensemble des éléments qui supportent nos produits et services que nous proposons aux clients. Il ne s’agit pas purement d’IT interne ou externe, mais plutôt de ce qui se trouve entre les deux avec un focus sur l’expérience des employés, mais dans le but final d’améliorer celle des clients.

Hriday Ravindranath

De plus, il y a mon mandat numérique qui cible tout ce qui touche à notre activité en ligne. C’est assez uniforme, mais le B2B y est souvent moins mature que le B2C. Nous y ajoutons donc à présent pas mal d’infrastructures numériques en vue de couvrir tous nos ‘customer journeys’ (parcours client) et environnements de partenaires.

‘Uniforme’, dites-vous, mais cela ne doit pas être évident avec du personnel dans 166 pays et des activités quasiment dans le monde entier?

RAVINDRANATH: Nous ciblons une expérience uniforme là où c’est possible. Cela ne le sera pas toujours, mais nous misons sur quatre canaux numériques: le premier est le marketing via orange-business.com, où les clients découvrent ou apprennent à mieux connaître les services. Le deuxième aspect est une boutique web complète avec un parcours client numérique en B2B. Le troisième est un nouvel environnement e-care incluant tout ce qui touche à la gestion des services. La différence ici, c’est qu’il ne faut pas nécessairement être connecté à la boutique en ligne, où l’e-care se concentre sur les clients avec lesquels nous entretenons déjà une relation.

Enfin, nous élargissons aussi notre portail des développeurs, où on peut retrouver nos API et SDK, ce qui permet aux développeurs d’intégrer numériquement des éléments. Nombre de nos clients, surtout dans le segment supérieur, préfèrent interagir avec nous et se brancher à nos systèmes au départ de leur environnement, d’un ServiceNow ou autre. 

Ils peuvent y arriver par eux-mêmes. Nous nous chargeons de l’intégration façon ‘no-code/low code’, ce qui est nouveau dans notre secteur. En B2B, il convient souvent de tenir compte de pas mal de paramètres en matière d’intégration numérique, alors qu’il faut que cela se passe le plus sereinement possible pour les clients et les partenaires.

Notre stratégie est de faire évoluer des choses en externe pendant trois ans, avant de les ramener en interne.

Enfin, ces quatre domaines seront interconnectés, afin de faciliter le passage de l’un à l’autre. Avec un customer journey pour chaque type de client.

De quels types est-il question?

RAVINDRANATH: Nous considérons trois segments de clients: le marché français inférieur, à savoir les petites et moyennes entreprises, mais qui représentent conjointement un tiers de notre chiffre d’affaires. Ensuite, il y a le marché intermédiaire et, finalement, le marché français des grandes entreprises, en ce compris les pouvoirs publics. Pensez ici à Airbus ou à LVMH, en général la plupart des firmes françaises actives au niveau mondial, mais ce qui est fondamental, c’est qu’il y ait une activité internationale. Nous avons nous-mêmes une vocation internationale, mais nos clients sont actifs dans davantage de pays encore. Notre mission consiste donc à les desservir où qu’ils se trouvent.

On voit fleurir partout le label ‘IA’. Qu’en est-il chez Orange Business?

RAVINDRANATH: Nous nous en occupons à coup sûr aussi et nous observons que l’IA, et surtout l’écosystème axé sur l’IA générative, évolue de manière particulièrement rapide.

Nous travaillons aujourd’hui avec OpenAI et disposons même de notre propre version privée d’OpenAI en collaboration avec Microsoft, où nous pouvons expérimenter l’IA générative.

Le défi lancé par l’IA générative ne réside pas tant dans le but de son utilisation que dans la manière sûre dont cela se fait.

Tout le monde en connaît entre-temps les possibilités. Ce que nous faisons à présent, c’est envisager comment pouvoir l’utiliser de manière sûre, tant en interne qu’en externe. 15 use cases expérimentaux sont en cours, dont au moins dix devraient être lancés sur le marché cette année.

Pouvez-vous nous donner un exemple concret?

RAVINDRANATH: Le ‘contract management’ en est un. Cela va de l’analyse jusqu’à l’élaboration d’un contrat. Nous examinons la façon dont l’IA générative peut accélérer ou simplifier le ‘contracting proces’ qui doit être sûr et conforme à la loi.

Nous expérimentons aussi des scripts de configuration de réseau. Cela peut s’avérer excessivement utile, mais il convient de veiller à ce que cela se passe de manière sécurisée. Le défi posé par l’IA générative n’est pas de savoir à quoi vous allez l’utiliser, mais bien comment et en toute sécurité, conformément à des lois telles que l’AI Act, le GDPR ou d’autres.

De plus, nous examinons également si nous pouvons intégrer l’IA dans des produits ou services existants, par exemple dans le domaine des centres de contacts.

Orange Business optera-t-elle pour une version privée d’OpenAI en raison des sensibilités en matière de données clients ou de règles de confidentialité?

RAVINDRANATH: Cela jouera assurément. Nous gérons de nombreuses données clients sensibles. Il convient donc de s’assurer d’œuvrer de manière souveraine. Mais cela est inclus aussi dans notre stratégie. Avec la vague de l’IA, la question ne porte pas tant sur la façon de consommer les données, mais bien aussi sur leur intégrité. L’IA génère plus de données: comment dès lors s’assurer qu’elles soient correctes. Et en tant qu’entreprise B2B franco-européenne, il nous faut équilibrer les besoins et les possibilités.

Avec la révolution de l’IA, on voit aussi apparaître des startups prometteuses. En tant que CDIO, comment jugez-vous les acteurs qui pourraient faire la différence pour Orange Business?

RAVINDRANATH: L’essentiel repose dans les cas d’utilisation et les entreprises d’IA spécifiques, qui respectent les normes d’IA que nous voulons nous-mêmes propager et proposer à nos clients.

Mais comme nous sommes un acteur B2B, nous ne pouvons pas éviter les géants technologiques. Nous collaborons étroitement avec Microsoft notamment, mais aussi avec Google, AWS et d’autres acteurs dans l’écosystème. Ils continuent de jouer un rôle en vue, aussi parce que nos clients achètent leurs services.

Ceci dit en passant: l’IA générative et l’ensemble de la vague d’IA que nous connaissons à présent, connaîtra le plus de succès dans les environnements ouverts. L’appellation peut vous faire penser à autre chose, mais OpenAI est bien une technologie propriétaire.

Notre stratégie est de faire évoluer des choses en externe pendant trois ans, avant de les ramener en interne.

Il y aura un marché où les modèles des géants joueront assurément un énorme rôle, mais il y aura aussi des opportunités pour les jeunes pousses. Plus les systèmes, les données ou les modèles seront ouverts et meilleurs seront les cas d’utilisation. Moins la technologie sera propriétaire, plus elle sera ouverte, ce qui offrira davantage de possibilités aux startups de croître dans ce genre d’environnement.

Combien de personnes travaillent-elles dans votre département?

RAVINDRANATH: En interne quelque 1.800. Mais en externe, sous-traitants inclus, cela oscille entre 3.000 et 4.000. C’est évidemment dû à notre taille et à notre présence dans le monde.

Comment décidez-vous ce qui est fait en interne ou ce qui est externalisé?

RAVINDRANATH: Comme la plupart des grandes entreprises, nous conservons en interne le noyau de notre propriété intellectuelle, à savoir tout ce qui est important sur un plan stratégique spécifique. Il va de soi que nous voulons évoluer dans certains domaines. Il en résulte que nous recherchons alors des partenaires, car nous ne pouvons pas faire tout par nous-mêmes. Notre stratégie est de faire évoluer des choses en externe pendant trois ans, avant de les ramener en interne.

Dès que cela tourne bien, cela peut-il être repris plus aisément en interne?

RAVINDRANATH: Oui et avec des partenaires extérieurs, cela peut se faire facilement, car ils disposent de compétences ou de collaborateurs spécifiques aux endroits-clés. Nous ne sommes pas une entreprise IT, mais une firme télécom qui se charge aussi d’intégrations systèmes. Dans ce but, nous combinons des partenaires, ce qui nous permet de proposer toute une série de services.

Mais nous continuons de nous focaliser sur une puissante base de talents.  Nous ne passerons jamais complètement à l’outsourcing, mais jamais non plus entièrement à l’insourcing. Nous parcourons aussi toujours un cycle. Il est parfois question de consolidation avec des partenaires, afin d’optimaliser les coûts: ce genre de chose joue aussi un rôle dans la détermination des choix.

Nous disposons également d’un vaste environnement legacy. Il est alors parfois préférable de poursuivre avec un partenaire plutôt que de vouloir tout faire soi-même. Agissez ainsi, optimalisez et réduisez votre base de coûts: le genre de chose qu’il vaut mieux faire conjointement.

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