Les CIO doivent franchir le pas en abandonnant la mesure de la productivité au profit de la mise en œuvre d’un véritable impact financier. « Économiser du temps n’est pas gagner de l’argent », a-t-on pu entendre durant le Gartner IT Symposium/Xpo de Barcelone.
La question de savoir comment être un formidable leader en 2026 était un thème central du Gartner IT Symposium/Xpo de Barcelone. Rassemblant 6.000 visiteurs, dont une majorité de CIO et autres décideurs IT, il s’agit là encore et toujours du rendez-vous annuel par excellence pour identifier sa stratégie pour 2026 et les années qui suivent. Des analystes y ont présenté les résultats de la plus grande enquête CIO au monde. Le message clé adressé par les plus de 2.500 cadres participants est que 2026 ne sera pas guidé par un agenda clairement planifié, mais par des pivotements constants et des changements de priorités. Pour réussir, les CIO devront selon Gartner maîtriser trois axes : l’agilité (Agility), la gestion des risques (Risk) et la ténacité (Tenacity).
Budgets stables
Les analystes Daniel Sanchez-Reina et Hung LeHong ont évoqué un environnement budgétaire stable.« La hausse de votre budget IT dans la zone EMEA (2,9%) est très similaire à celle de l’augmentation mondiale (2,8%), a ainsi précisé Daniel Sanchez-Reina. Hors inflation, ce pourcentage reste toujours positif. Ce qui est appréciable, n’est-ce pas ? » Le taux d’occupation IT reste toutefois assez faible (1,4% de croissance en EMEA), ce qui, toujours selon Sanchez-Reina, indique que « les CIO et leurs entreprises sont en recherche de gains de productivité. » Cette productivité est surtout recherchée – sans grande surprise – dans l’IA générative (39% envisagent d’investir dans ce domaine en EMEA), dans l’IA traditionnelle (37%) et dans la cybersécurité (27%).
Quatre quadrants
Pour sa part, Hung LeHong a évoqué un ‘scope of leadership’ dans lequel les responsabilités d’un leader technologique sont réparties en quatre quadrants : le ‘backoffice’, les activités cœur de métier, le ‘frontoffice’ et les produits/services. Les résultats de l’enquête montrent que la plupart des CIO ne couvrent que deux ou trois quadrants. « En EMEA, 10% à peine des leaders technologiques interrogés prennent en charge l’ensemble des quatre éléments de l’organisation », constate LeHong. Il s’agit là d’un défi majeur. « Car si vous avez comme mandat en tant que leader technologique de transformer l’ensemble de l’organisation et que vous n’avez pas la responsabilité de ces quatre domaines, vous devez vous rendre compte qu’un défi se pose. »
Gartner a ensuite analysé les performeurs de haut niveau, soit ceux qui se distinguent par leurs capacités d’exécution. Hung LeHong déconstruit résolution plusieurs mythes. C’est ainsi qu’un budget élevé n’est pas forcément une garantie de succès. De même, la taille de l’équipe, le secteur, voire la structure de rapportage, ne paraissent pas déterminants. Ce qui fait la différence, en revanche, sont les trois facteurs évoqués plus haut, à savoir l’agilité, la gestion des risques et la ténacité.
2026, l’année des pivots
Toujours selon Daniel Sanchez-Reina, 94% des CIO de l’EMEA devront revoir leurs objectifs en 2026.« En d’autres termes, l’année 2026 sera dominée par les pivots, la reprioritisation et le réagencement, et non plus la planification basée sur un calendrier. » Cela exigera de la flexibilité, alors que 18% seulement des CIO privilégient aujourd’hui selon l’enquête une reprioritisation dynamique. Sanchez-Reina recommande donc aux CIO d’avoir le courage d’arrêter les projets offrant des performances insuffisantes. « Mettez-y un terme et réaffectez les moyens ainsi libérés. Pour ce faire, il n’y a qu’un moyen : faire preuve de courage.» Et de faire le parallèle – quelque peu surprenant – avec la manière de travailler du groupe de métal Metallica. « Lorsqu’ils préparent un nouveau spectacle, ils font d’abord une première version conceptuelle du concert. En fonction de la réaction obtenue, ils modifient les arrangements pour obtenir un spectacle différent et de meilleure qualité. C’est l’exemple parfait de l’agilité », estime Sanchez-Reina.
Approvisionnement : du mondial au régional
Le deuxième élément, la gestion des risques, concerne surtout la chaîne d’approvisionnement. Alors que 28% seulement des CIO se qualifient eux-mêmes de ‘gestionnaire de risques’, la pression géopolitique et les questions de ‘souveraineté IA’ imposent une évolution de l’approvisionnement qui passe de mondial à régional. En dehors des USA, 50% des CIO envisagent de modifier leurs engagements vis-à-vis des vendeurs contre 31% seulement outre-Atlantique. Gartner prévoit que d’ici 2030, plus de 75% des entreprises de la zone EMEA géo-rapatrieront (entendez ramèneront dans leur région) leurs charges de travail virtuelles afin de réduire les risques géopolitiques, soit une hausse par rapport aux moins de 5% en 2025.
Du gain de temps au gain d’argent
Le facteur le plus critique est toutefois la ténacité. Hung LeHong considère que les CIO devraient abandonner la mesure de la productivité au profit de l’évaluation de l’impact financier réel. Et de faire état d’une enquête menée auprès de CFO qui conclut que la valeur de l’IA se calcule pour 74% en ‘gains de temps’, alors que 5% seulement y voient un ‘gain d’argent’ et 6% une ‘hausse du chiffre d’affaires’. Et LeHong l’exprimer en d’autres termes : un gain de temps n’est pas synonyme de gain d’argent, prévient-il. « Vous devez vous approprier ce gain de temps. Peut-être faudrait-il restructurer vos équipes ? Mais vous devez surtout faire preuve de ténacité. » Vous êtes un peu perdu ? Concrètement, il conseille aux CIO de jeter un œil critique sur leurs dépenses en matière d’externalisation et d’exiger des remises de 5 à 30% dans les domaines où l’IA peut assumer le travail. C’est ainsi que Repsol utilise des agents d’IA pour réduire de 10% le personnel du centre d’appels de ses fournisseurs externes et pour restructurer ses contrats permettant de générer des économies de coûts de 5 à 7%.
Pour les CIO qui désirent étendre leur sphère d’influence, Sanchez-Reina aura encore ce message clair : vous devez d’abord améliorer votre capacité d’exécution et cultiver une influence positive. Un conseil pratique ? Stimulez l’adoption du ‘changement’, sachant que les trajets de changement qui couvrent l’ensemble de l’entreprise exercent un impact trois fois supérieur. De même, la mise en avant proactive de solutions d’IA double l’impact. Vous savez désormais ce qu’il faut faire, cher CIO.