Comment conserver les données pour un avenir lointain ?
Dans un monde de plus en plus dépendant de l’information numérique, la question se pose : comment garantir que ces précieuses données restent accessibles et utilisables non seulement aujourd’hui, mais aussi dans un avenir lointain ?
L’initiative eArchiving de la Commission européenne apporte une réponse à ce défi. Elle s’inscrit dans une collaboration étroite entre partenaires technologiques qui crée un cadre pour un archivage numérique durable et à l’épreuve du temps, nous apprend un entretien avec Gregor Završnik lors du dernier IT Press Tour, auquel Data News a assisté. Gregor Završnik est CEO du spécialiste slovène des données géospatiales Geoarh et membre de l’EU Digital Archiving Group.
« Les données numériques sont vulnérables. Elles sont plus fragiles que nous le pensons peut-être », explique Gregor Završnik. « En accélérant l’obsolescence de formats de fichiers et de logiciels, les progrès technologiques risquent aussi d’entraver l’accès aux données à terme. En outre, des données numériques peuvent facilement être perdues à la suite de défaillances matérielles, de cyberattaques ou d’erreurs humaines. Sans stratégies d’archivage adéquates, nous pourrions perdre à jamais de précieuses informations », répond-il quand nous lui demandons de décrire le défi auquel nous sommes confrontés.
Une solution durable par la collaboration
L’initiative eArchiving apporte une solution durable à ces défis. En proposant des normes ouvertes, des métadonnées standardisées et des outils, l’initiative aide les administrations – mais aussi d’autres organisations – à gérer et à préserver leurs archives numériques de manière durable. Grâce à eArchiving, les données numériques restent accessibles, fiables et utilisables même dans un environnement technologique en évolution rapide.
« Si les données sont le nouveau pétrole, quel est le moteur de l’économie ? » se demande Gregor Završnik. « La valeur du pétrole ne réside pas dans le produit proprement dit, mais dans ses dérivés comme l’essence et le diesel. Ce sont ces combustibles qui font fonctionner les moteurs, ce qui fait à son tour tourner l’économie pétrolière. De la même manière, la valeur des données ne réside pas uniquement dans les données en soi, mais aussi dans la possibilité de les utiliser et les analyser rapidement et efficacement. C’est à ce niveau que les espaces de données européens entrent en jeu. Ces espaces de données font office de “stations-service” pour les données en les rendant rapidement et facilement accessibles à différentes organisations et à différents secteurs », pointe-t-il pour conclure son analogie entre pétrole et données.
Partenaire belge
L’initiative eArchiving trouve son origine dans les archives nationales (publiques) de plusieurs États membres de l’UE, comme les Pays-Bas, le Danemark, l’Estonie et la Suisse. Elle a rapidement bénéficié d’un soutien conséquent de la Commission européenne, qui reconnaît l’importance d’un archivage numérique durable dans le développement d’une économie numérique future-proof. C’est ainsi la Commission qui finance le projet et fournit les cadres et les lignes directrices nécessaires. Le développement et la mise en œuvre des solutions d’eArchiving sont assurés par un consortium de partenaires technologiques et universitaires dont font notamment partie Keep Solutions, l’université de Glasgow, CSC – IT Centre for Science Ltd et l’Open Preservation Foundation. Sans oublier la société belge IdenTrust – rebaptisée TrustScape au début de l’année –, qui joue un rôle crucial dans la préservation de nos données numériques.
Normes ouvertes
L’un des principaux piliers d’eArchiving est le recours à des normes ouvertes. Autrement dit : les outils et les méthodes utilisés pour l’archivage ne dépendent pas de fournisseurs de logiciels spécifiques ou de technologies propriétaires. Ce qui réduit le risque de verrouillage par lesdits fournisseurs et favorise l’interopérabilité entre les différents systèmes. Un facteur essentiel pour que les données restent accessibles à l’avenir, même si la technologie évolue.
Nous avons le devoir de préserver notre héritage numérique pour les générations futures
Gregor Završnik (EU Digital Archiving Group)
Métadonnées normalisées
Un autre élément important de l’initiative eArchiving est l’utilisation de métadonnées standardisées. En décrivant le contenu et le contexte des données numériques, les métadonnées facilitent la recherche et l’interprétation. Le recours à des métadonnées standardisées permet ainsi à plusieurs organisations et systèmes d’échanger et de comprendre les données même s’ils font appel à des systèmes d’archivage différents.
eArchiving en pratique
L’initiative a entre-temps fait ses preuves dans différents secteurs. Les archives administratives s’appuient sur elle pour conserver des données et documents historiques de manière à ce qu’ils restent accessibles aux chercheurs et aux citoyens. Dans le secteur de la santé, eArchiving facilite la gestion des dossiers des patients et des données médicales, ce qui est essentiel à la continuité de soins. L’enseignement fait appel à eArchiving pour stocker les données de recherche et les dossiers des étudiants, contribuant ainsi à la qualité de l’enseignement et de la recherche.
Que nous réserve l’avenir ?
L’avenir technologique comporte de nombreux points d’interrogation. Mais l’avenir d’eArchiving en soi est également incertain. En octobre 2022, le projet a débuté par un appel d’offres pour deux ans avec deux prolongations possibles d’un an chacune. « Il y a encore de l’argent pour une prolongation, et une autre suivra peut-être. Mais nous n’avons aucune idée de ce qui se passera ensuite », soupire Gregor Završnik, qui espère manifestement que le projet ne mourra pas de sa belle mort. « L’initiative eArchiving continue d’évoluer pour répondre à de nouveaux besoins et de nouvelles évolutions. L’essor de l’intelligence artificielle (IA) et du blockchain créé également de nouvelles possibilités de gestion et de préservation des données numériques. Mais aussi de nouveaux challenges. Quoi qu’il en soit, je pense qu’il est de notre devoir de préserver notre héritage numérique pour les générations futures. Je ne peux pas m’imaginer que notre histoire numérique ait complètement disparu dans quelques décennies », conclut-il.
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