Ce que Google a cherché et trouvé durant ces vingt-cinq dernières années

© Getty Images

Cette semaine, le géant technologique Google a fêté ses 25 ans. Très tôt au cours de ce quart de siècle, sa barre de recherche est devenue le principal moyen par lequel le monde recherchait des informations. Mais ce qui est bien plus remarquable encore, c’est l’énorme trajet parcouru par le chiffre d’affaires de l’entreprise. De zéro jusqu’à des centaines de millions de chiffre d’affaires en un an, puis progressivement à des centaines de milliards aujourd’hui: l’ascension miraculeuse d’une des cinq top-célébrités du Big Tech.

Tout a commencé, comme c’est généralement le cas pour une startup à succès de la Silicon Valley, comme une dorm room operation (‘opération de dortoir’): Larry Page et Sergey Brin, deux étudiants en informatique à l’Université de Stanford, ont créé à partir du nouvel algorithme de recherche qu’ils avaient développé pour leur thèse un nouveau moteur de recherche plus puissant.

Initialement, le projet s’appelait BackRub, mais leur fascination pour les mathématiques les a finalement amenés à opter pour Google, du nom du terme mathématique ‘googol’: un nombre à la valeur dix au centième. Bientôt, ils considérèrent leur invention comme quelque chose de plus important que leur doctorat, qu’ils n’ont du reste jamais terminé, complétant la checklist de la meilleure histoire de la Silicon Valley: ils emménagèrent dans le garage de la petite amie de Brin, Susan Woikicki (aujourd’hui sa femme), et arrêtèrent leurs études de doctorat. (Juste un peu trop insipide pour être qualifié de marginal: Bill Gates et le regretté Steve Jobs décidèrent pour leur part d’arrêter après quelques semestres seulement.)

1998 / Directement millionnaire

En 1998, le monde, ou du moins la tout petite partie de ce dernier à naviguer déjà sur internet en 1998, explorait encore le World Wide Web de manières très différentes. La recherche se faisait principalement avec Altavista et HotBot, ou bien les premiers internautes commençaient leur voyage via des sites portails tels que Yahoo! ou Excite. Le fait que beaucoup de ces choses n’existent plus aujourd’hui, ou tout au plus de manière marginale, est une conséquence directe de l’ascension fulgurante de Google. Le nouveau moteur de recherche est rapidement devenu dominant grâce à la technologie de recherche supérieure sous-jacente: le magazine en ligne Salon a souligné dans un article de décembre 1998 que le nouveau venu parmi les moteurs de recherche avait facilement vaincu ses concurrents, qui n’avaient par ailleurs été créés que quelques années plus tôt, en termes de pertinence des résultats de recherche et de profondeur de leur robot.

Google a levé ses premiers investissements auprès de business angels tels Andy Bechtolsheim (co-fondateur de Sun Microsystems) et David Cheriton, qui a rapidement signé un chèque de 250.000 dollars lors d’une réunion matinale précipitée dans son jardinet à Palo Alto. Parmi les autres premiers investisseurs se trouvait – eh oui – Jeff Bezos qui, à l’époque, avait déjà amassé une petite fortune avec Amazon, qui n’avait alors que quatre ans seulement. Les premiers millions de dollars ont été rapidement gagnés, principalement en ‘louant’ la technologie de recherche de Google à d’autres sites.

Sergey Brin (à droite) et Larry Page. (Getty Images)

1999 / Plus de deux cents millions

L’argent afflua alors de plus en plus vite. En 1999, le premier exercice complet de l’entreprise, Google avait déjà réalisé un chiffre d’affaires de 220 millions de dollars. À ce stade, Google avait déjà pris un premier virage ‘Et si… ?’: Page et Brin avaient en effet presque revendu leur entreprise pour un million de dollars à Excite, l’un des principaux portails web de l’époque. Leur offre fut rejetée par le CEO d’Excite, George Bell. Ils revinrent ensuite à la charge pour revendre l’entreprise pour 750.000 dollars et encaissèrent un nouveau refus.

Les deux hommes décidèrent alors de gérer eux-mêmes leur affaire. En mars 1999, ils déménagèrent du garage pour un immeuble situé sur University Avenue à Palo Alto. Entre-temps, les gros financiers se sont montré intéressés: Google reçut une injection de capital-risque de 25 millions de dollars en juin 1999 de la part de deux des plus grands acteurs de Sand Hill Road: Kleiner Perkins et Sequoia Capital, qui déboursèrent chacun la moitié de cette somme.

Source: Statista

2003 / Premier milliard

En fait, au cours de ces premières années, Page et Brin ne savaient pas comment gagner de l’argent avec leur invention: les ventes se faisaient en quelque sorte automatiquement grâce à l’octroi de licences pour leur technologie, alors qu’ils se concentraient davantage sur son amélioration. Mais en 2000, le grand tournant en termes de chiffre d’affaires est survenu: la publicité sur internet. Entre autres choses, les résultats financiers apparaissaient en marge (et plus tard en haut, mais strictement marqués comme ‘sponsorisés’) pour chaque demande de recherche saisie par un visiteur de Google. Les annonceurs payaient en fonction du nombre de clics effectués sur leur annonce et obtenaient immédiatement des résultats mesurables.

Et voilà: en un rien de temps, l’entreprise relativement modeste à l’origine du meilleur moteur de recherche est devenue ‘l’entreprise technologique à la croissance la plus rapide d’Amérique du Nord’ dans le classement Technology Fast 500 de Deloitte en 2004. L’entreprise en pleine expansion acheta un campus d’entreprise au 1600 Amphitheatre Parkway dans l’enclave Mountain View de la Silicon Valley, afin que sa main-d’œuvre augmentant sans cesse ait un endroit pour jouer au beach-volley en plein air. Et en 2004, il y eut l’introduction à la Bourse devenue désormais inévitable au Nasdaq.

En 2001, les deux fondateurs nommèrent également un nouveau capitaine à la barre: Eric Schmidt, jusqu’alors CEO de l’éditeur de logiciels Novell dans l’Utah, allait guider le navire dans de nouvelles eaux inédites. Page et Brin sont bien sûr restés à bord et ont commencé à générer une sorte de philosophie technologique derrière Google. Leur slogan ‘Don’t be evil’ figurait ainsi en haut du prospectus d’introduction à la Bourse, et leur objectif était plus que jamais de rendre toutes les informations du monde accessibles à tous. Schmidt fut alors chargé d’aider à trouver comment gagner ainsi de l’argent. ‘Si vous pouvez résoudre la recherche sur internet, vous aurez une réponse à chaque question’, déclara Page lors d’une conférence où il était invité en 2002 à l’Université de Stanford. ‘Cela signifie que vous pourrez véritablement tout faire.’

2007 / Seizième milliard

Les activités dans ce Googleplex se sont régulièrement développées. Google est rapidement devenu bien plus qu’un moteur de recherche: toute une série de fonctionnalités numériques ont vu le jour, dont le système webmail Gmail, les services de cartographie avec Google Earth et Google Maps, les logiciels de productivité dans le cloud (Google Docs), un service de stockage dans le cloud (Google Drive ), un service de traduction (Google Translate) et des dizaines d’autres services internet. En 2006, Google racheta YouTube, un service de partage de vidéos lancé un an plus tôt, et qui était déjà devenu le pionnier de la génération Broadcast Yourself.

Un an plus tôt, Google s’était tournée vers un produit qui allait devenir presqu’aussi important que la barre de recherche des premiers jours: Android, un système d’exploitation open source basé sur Linux pour appareils mobiles. Initialement, on s’est contenté de le bricoler en attendant que le monde s’ouvre aux téléphones mobiles plus puissants, mais quand Apple lança l’iPhone en 2007, Android – en utilisant plus ou moins le même modèle de licence que Microsoft à l’époque avec son Windows sur le PC – a rapidement pris les devants. Aujourd’hui, 71 pour cent des smartphones dans le monde fonctionnent sur Android, l’autre part du gâteau appartenant majoritairement à iOS d’Apple. Les fabricants de smartphones attribuent également une licence à Google dans ce but, et le géant technologique reçoit un pourcentage pour chaque appli vendue via la boutique d’applications Google Play.

2017 / Cent dixième milliard

Car oui: géant technologique, tel est désormais devenu la seule appellation possible pour Google. Dans les années 2010 se sont matérialisés ce qu’on appelle les Big Five, les cinq entreprises technologiques dominantes dans le monde: Microsoft, Apple, Amazon, Facebook (Meta maintenant), et donc aussi Google. Comme les quatre autres, Google a commencé à faire à peu près tout, y compris son propre matériel (avec les smartphones Pixel et les Chromebooks, un nouveau type d’ordinateurs portables légers).

En 2015, l’entreprise a réorganisé toutes ses activités sous une nouvelle société holding, baptisée Alphabet, avec un modèle de base à l’identique: générer d’énormes revenus à partir de choses qui rapportent de l’argent relativement ‘facile’, afin de financer des projets ambitieux et risqués. Cette taille nettement plus grande est aussi allée de pair avec des faux pas capitalistes: en 2017, Google a ainsi dû payer une amende de 2,42 milliards d’euros à la Commission européenne pour avoir associé des résultats de recherche à des liens vers des pages de shopping. Google – désolé, Alphabet – a ainsi suivi les traces d’entreprises telles que Microsoft, Intel, IBM, Coca-Cola et Gazprom, qui sont toutes devenues si grandes à un moment donné que les régulateurs du marché les considéraient comme une menace pour la libre concurrence.

Mais la réorganisation en Alphabet avait aussi un objectif bénéfique: le succès capitaliste n’était pas une fin en soi, mais un moyen de laisser de la place à ce que l’entreprise elle-même appelait les ‘moonshots’: des investissements dans une technologie qui aujourd’hui encore, est loin d’être prête pour le marché à la consommation, mais pourrait à l’avenir avoir un impact transformateur sur la vie.

Cette approche a également donné lieu à des échecs tout aussi retentissants. Avez-vous déjà entendu parler d’Orkut (média social), de Google+ (un autre média social), de Google Glass (lunettes AR), de Stadia (service de jeux dans le nuage)? Peut-être vaguement, compte tenu de leur courte durée de vie dans le monde. La plupart de ces choses ont été annoncées en grande pompe à un moment donné, mais ont disparu sans gloire tout aussi vite.

2022 / 278,9 milliards

Google, comme la plupart des Terriens appellent encore et toujours Alphabet, a récemment effectué quelques bonds importants au niveau de ses bénéfices: entre 2020 et 2021, son chiffre d’affaires annuel est passé de 182 à 257 milliards de dollars. Quatre-vingts pour cent de ces revenus proviennent toujours de la publicité, mais ne se situent plus seulement à côté ou au-dessus des résultats de recherche: dix pour cent des revenus proviennent par exemple de blocs publicitaires sur YouTube.

Les affaires prospèrent, mais une menace existentielle se profile sur le chemin suivi par Google: l’IA générative. Des innovations sidérantes comme ChatGPT sont en passe de bouleverser la façon dont les gens recherchent des informations – le cœur de métier de Google, vous vous souvenez? Si elles produisent un jour des résultats plus précis (sans ‘hallucinations’), elles pourraient potentiellement rendre complètement obsolète le modèle de base de la première activité de Google. Et si nous évoluions vers un monde dans lequel les gens posent des questions à un ordinateur et reçoivent des réponses très ciblées, sans avoir à rechercher eux-mêmes des dizaines ou des centaines de résultats potentiels? Cela rendrait même l’activité primaire de Google un peu primitive.

En outre, Bard, le chatbot IA de Google, n’est actuellement pas aussi perfectionné que le bot GPT d’OpenAI, qui est déjà intégré au moteur de recherche rival de Microsoft, Bing. Mais derrière toutes ces nouveautés sensationnelles que le public découvre aujourd’hui en matière d’IA, des choses encore plus importantes sont en cours de développement sur des superordinateurs ronflants dans de sombres salles de serveurs. Au plus profond également de DeepMind, un pionnier de l’IA basé à King’s Cross à Londres, qui bat pavillon Alphabet depuis son méga-rachat en 2016.

L’avis de Bard sur les autres chatbots

Les robots IA comme ChatGPT peuvent impacter le géant technologique. C’est pourquoi le magazine néerlandais KIJK a demandé au chatbot de Google, Bard, ce qu’il en ‘pensait’.

KIJK: ‘Bonjour Bard, craignez-vous que le moteur de recherche Google souffre de ChatGPT et d’autres chatbots?’

Bard: ‘Je ne suis pas un humain et je ne ressens donc pas d’émotions comme la peur. Cependant, je peux comprendre pourquoi certaines personnes s’inquiètent de l’impact des chatbots sur le moteur de recherche Google.

‘Les chatbots peuvent offrir plusieurs avantages par rapport aux moteurs de recherche. Par exemple, ils peuvent fournir des réponses immédiates aux questions, sans que les utilisateurs aient à effectuer des recherches sur des sites web. Cela peut rendre l’utilisation du moteur de recherche plus rapide et plus facile. De plus, les chatbots peuvent être personnalisés pour répondre aux besoins individuels des utilisateurs.’

‘Mais les chatbots présentent également certains inconvénients. Par exemple, ils peuvent être imprécis ou trompeurs. De plus, ils peuvent être utilisés pour manipuler ou induire les utilisateurs en erreur.’

‘Je pense que l’impact des chatbots sur le moteur de recherche Google dépendra d’un certain nombre de facteurs. Un facteur important est la précision et la fiabilité des chatbots. À mesure que les chatbots deviendront plus précis et plus fiables, ils pourront constituer une menace sérieuse pour le moteur de recherche Google.’

‘Un autre facteur est l’acceptation des chatbots par les utilisateurs. Si les utilisateurs considèrent les chatbots comme un moyen fiable et pratique de trouver des informations, ils utiliseront peut-être moins le moteur de recherche Google.’

‘Google est consciente de l’impact possible des chatbots. L’entreprise investit dans le développement de nouvelles technologies pour améliorer la précision et la fiabilité de son moteur de recherche. De plus, Google s’efforce d’améliorer l’expérience d’utilisation du moteur de recherche, afin que les utilisateurs continuent d’y trouver un moyen attrayant et facile à utiliser pour trouver des informations.’

‘Je pense que Google va pouvoir limiter l’impact des chatbots sur son moteur de recherche. L’entreprise occupe en effet une position forte sur le marché et investit continuellement dans l’amélioration de ses produits et services.’

(KIJK)

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