Ans Verlooy (Renewi): « La technologie est essentielle pour devenir une entreprise circulaire »

Ans Verlooy (Group Director, Digital & Data chez Renewi)
Kristof Van der Stadt
Kristof Van der Stadt Rédacteur en chef chez Data News

Le business model de la société de recyclage Renewi évolue : la société de logistique donne toujours plus le relais à une société de production. L’informatique nous accompagne pour mener à bien cette transformation (numérique), indique Ans Verlooy.

Comme beaucoup de nos lecteurs, j’associe probablement Renewi aux déchets et au recyclage, mais que fait exactement cette société ?

Ans Verlooy : Nous collectons les déchets, les traitons et revendons les matériaux circulaires sur le marché. Nous le faisons pour 200 000 clients avec 7 000 collaborateurs, dont la moitié environ est à pied d’œuvre sur le terrain ou dans la production de recyclage. Cela signifie que nous ne sommes pas seulement responsables de la collecte des déchets, mais aussi du traitement et du recyclage de ces matériaux, contribuant ainsi à un avenir plus durable.

Était-ce une décision délibérée de devenir responsable de l’informatique dans cette niche ?

Ans Verlooy : Je viens des secteurs de la banque, de l’assurance et du commerce de détail. J’ai travaillé dans différents secteurs et j’en suis très heureuse, mais j’ai senti que je cherchais de plus en plus à vivre une expérience motivée par un objectif . Attention, j’ai la fibre commerciale et je nourris de grandes ambitions, mais il me manquait vraiment un objectif clair, une finalité. Renewi est apparue sur mon radar en 2022 et m’a séduite par son ambition et sa durabilité. Mes enfants trouvent également cela intéressant, car il s’agit d’une entreprise circulaire. Cette perception de l’entreprise par mes enfants a certainement aussi compté dans mon choix.

Étant moi-même la fille d’un boulanger, je viens vraiment d’une famille baignant dans l’horeca. Il y a une trentaine d’années, mon grand-père m’accompagnait chaque mois à la décharge. Nous déversions tous nos déchets dans une grande fosse et pensions que tout cela était parfaitement normal à l’époque. Aujourd’hui, mes enfants me demandent si j’ai bien trié les déchets. Nous avons réalisé des progrès considérables, de la mise en décharge au tri et au recyclage, en passant par la réutilisation des matériaux. Renewi vise une économie circulaire où les déchets n’existent plus et où tout est réintégré dans la chaîne. En fait, c’est précisément la raison pour laquelle mes enfants trouvent aujourd’hui une entreprise de gestion des déchets comme Renewi mega sexy. La durabilité est une valeur fondamentale de Renewi et fait partie de notre ADN. Nous voulons favoriser l’économie circulaire à la plus grande échelle possible. Totalisant 200 000 clients aujourd’hui, répartis entre la Belgique et les Pays-Bas, notre entreprise gère de toute façon déjà un volume important. Ces clients vont des grandes entreprises aux bouchers, en passant par les boulangers (rires). Nous nous concentrons principalement sur les déchets commerciaux et offrons des conseils à nos clients pour les aider à gérer leurs déchets de manière durable afin de respecter les obligations de la CSRD. (La directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises ou CSRD est une directive européenne qui exige des entreprises qu’elles rendent compte de leur impact sur les personnes et l’environnement, ndlr).

Quel est le défi actuel pour Renewi dans ce business model ?

Ans Verlooy : Aujourd’hui, le défi consiste à s’assurer que nous trions de plus en plus à la source, ce qui se traduit par une réduction du volume. Notre business model passe d’une société de logistique à une société de production. Nous devons nous assurer de recevoir les bonnes matières premières en amont pour être à même de fournir ce qu’on attend de nous en aval. Ces matières premières sont transformées en vue d’assurer notre production selon les spécifications attendues.

Cette évolution a-t-elle commencé récemment ?

Ans Verlooy : Oui, surtout ces dernières années. Nous essayons constamment d’augmenter notre taux de recyclage. Cela nécessite un grand pas dans la transformation numérique, en particulier dans le domaine de l’information et des données. Nous devons nous assurer que nous disposons des bonnes informations pour optimiser nos processus et garantir la qualité de nos matériaux recyclés.

Je veux intégrer des équipes numériques dans l’entreprise et accroître leur maturité.

Quels sont donc les plus grands défis en matière d’information et de données ?

Ans Verlooy : Pour bien vendre les matériaux circulaires, nous devons gagner la confiance de nos clients finaux. La perception des matériaux recyclés n’est pas encore optimale. Cette situation est souvent due au manque d’informations sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Il est important de disposer d’informations précises et qualitatives sur l’origine et la transformation des matériaux, ainsi que sur les spécifications du produit final.

Pour atteindre une circularisation optimale, nous devons collaborer avec les autorités, les parties prenantes, les clients et les fournisseurs afin de rassembler et d’analyser les données. La maturité numérique doit s’accroître pour soutenir un nouveau business model qui exige la collaboration et l’intégration des données.

Il est essentiel de gagner la confiance des clients grâce à des données fiables et exactes, de contrôler pleinement la chaîne de valeur et de surmonter les obstacles technologiques. Cela nécessite une approche holistique qui intègre les processus et les technologies de l’entreprise.

Quel rôle la technologie joue-t-elle pour Renewi ?

Ans Verlooy : La technologie joue un rôle crucial dans notre transformation numérique. Nous utilisons des systèmes ERP et CRM tels que Microsoft Dynamics et Salesforce, et travaillons avec des partenaires pour renforcer notre noyau numérique.

Nous avons actuellement quatre systèmes ERP différents, une situation héritée de nos acquisitions. Notre programme Future Fit se concentre sur la création d’une structure, d’un processus et d’un noyau numérique pour travailler de manière cohérente. Nous utilisons Microsoft Dynamics pour l’ERP, un planificateur d’itinéraires d’AMCS pour la logistique et Salesforce pour nos processus de vente. Nous poursuivons également le développement de notre portail frontal afin de mieux servir les nouveaux clients par voie numérique. Nous collaborons également avec des partenaires tels que Cosmo pour la personnalisation nécessaire dans le secteur des déchets. Et bien sûr, plusieurs projets informatiques internes tels que Workday pour les ressources humaines et la gestion des licences pour les certificats des employés sont également en cours.

Quelle est la taille de votre équipe informatique et comment est-elle structurée ?

Ans Verlooy : Nous disposons d’une équipe de 80 à 90 personnes en interne, réparties entre la Belgique et les Pays-Bas, et nous travaillons avec des partenaires externes pour l’expertise dont nous ne disposons pas en interne. D’ailleurs, nous avons opté pour un modèle d’internalisation afin de pouvoir agir rapidement et ramener certaines compétences au sein de notre propre organisation, simplement pour avoir plus de contrôle. Notre budget informatique s’élève à quelque 55 millions par an, ce qui est un budget confortable pour une entreprise opérationnelle comme Renewi.

Quelles sont les prochaines étapes de la transformation numérique de Renewi ?

Ans Verlooy : La mise en œuvre d’un ERP unique est très importante, non seulement pour renforcer nos capacités en matière de données, mais aussi pour moderniser nos processus de recyclage avec des technologies telles que l’IoT et l’IA. Nous avons déjà mis en place une certaine forme d’IA, par exemple sur les chaînes de tri et dans les camions, où elle fonctionne bien et permet de reconnaître les anomalies et d’améliorer nos processus commerciaux. Nos modèles d’IA sont également en constante amélioration et fonctionnent bien sur les lignes de tri et les camions.

La technologie est-elle essentielle pour devenir 100 % circulaire ?

Ans Verlooy : Absolument. La technologie est essentielle pour devenir circulaire et Renewi investit donc également beaucoup dans la transformation numérique pour y parvenir. Les dirigeants comprennent également l’importance de la maturité numérique, mais il est et restera important de lier les investissements technologiques à une valeur directe pour l’entreprise. J’ose aussi souvent dire « non ». Je pense qu’il est important de faire des choix et de se concentrer sur les projets qui ont présentent un grand potentiel de revenus et de valeur stratégique.

Est-ce la direction dans laquelle vous voyez évoluer le rôle du CIO à l’avenir ?

Ans Verlooy : Le technicien devenu CIO sera aux prises à des difficultés toujours plus nombreuses à l’avenir. Selon moi, le CIO de demain est un leader numérique qui collabore avec l’entreprise pour créer de la valeur. Le profil du CIO évolue pour devenir un sparring-partner du CEO et jouer un rôle stratégique dans l’entreprise. Je ne crois pas non plus à l’existence de fonctions distinctes telles qu’un Chief Digital Officer. Pour moi, il est clair que c’est le CIO qui doit gérer l’ensemble de la pile et collaborer avec l’entreprise pour réaliser la transformation numérique. Vous n’avez pas besoin d’un Chief Digital Officer distinct pour cela. Bien au contraire : cela ne fonctionne tout simplement pas dans de nombreuses grandes entreprises qui l’ont donc abandonné ces dernières années.

Les CIO doivent faire preuve de beaucoup plus d’audace en présentant leur département informatique comme un partenaire de transformation pour l’entreprise. Comme je l’ai dit, il s’agit de devenir un sparring-partner du CEO. Si vous continuez à travailler uniquement à partir de la technologie, il sera difficile de créer une maturité numérique au sein d’une entreprise.

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