De nombreux citoyens veulent s’engager pour nettoyer les dépôts sauvages. La croissance qu’enregistre l’association belge à but non lucratif River Cleanup en est la preuve: en huit ans, une petite campagne de nettoyage s’est transformée en une organisation internationale comptant 300.000 bénévoles. Toutefois, des solutions structurelles nécessitent davantage d’informations sur les quantités et types de déchets sauvages. Dans le cadre du projet River Watchers, les données en question sont fournies par les citoyens et l’IA.
Les organisations comme River Cleanup ne sont pas les seules à avoir besoin de données de qualité pour mettre en œuvre des actions concrètes. D’autres initiatives politiques exigent également des informations plus précises. Dans le même temps, des données supplémentaires sur la propagation des déchets permettent une meilleure évaluation de l’impact des mesures actuellement mises en place, comme les consignes pour les canettes ou les responsabilités supplémentaires imposées aux producteurs en matière de collecte et de traitement des déchets issus de leurs produits.
Dans le cadre du projet Waste Watchers de River Cleanup et de VITO (Institut flamand de recherche technologique), des citoyens cartographiaient déjà les points chauds en matière de dépôts clandestins à l’aide de drones. Mais les drones sont incapables de détecter des dépôts plus petits. Et les appareils photo des smartphones? River Cleanup et VITO y ont vu une opportunité. Les deux organisations ont donc lancé un nouveau projet, baptisé River Watchers, à la fin du mois de juin.
Des citoyens, des smartphones et un site web
River Watchers facilite grandement la collecte de données: les citoyens peuvent décider spontanément de contribuer à la mission au cours d’une promenade. Ils ne doivent même pas installer d’application. En prenant des photos des dépôts sauvages sur leur route et en les téléchargeant ensuite sur un site web, ils contribuent à cartographier les endroits à problème. Le système géolocalise les photos et place un point sur une carte interactive. Dans une phase ultérieure, l’IA classera les déchets apparaissant sur les photos.

‘Nous sommes ainsi en mesure de détecter des bouteilles en PET ou des canettes, mais aussi des particules de déchets de 5 à 25 millimètres’, explique Arne Van Overloop, Expert IA & Remote Sensing au VITO. ‘Dans le cadre de ce projet, les bénévoles font en fait office de mini-drones. Un autre avantage est que les citoyens détectent en amont les endroits où l’on trouve des déchets sauvages et ceux où il n’y en a pas, alors que les drones survolent souvent des zones sans déchets et génèrent de grandes quantités de no-data.’ Ceux qui prennent et envoient les photos de déchets ne doivent pas les enlever. Cela ne ferait d’ailleurs que ralentir le processus. Un autre groupe de volontaires procédera au nettoyage plus tard.
L’IA sépare le mégot du capuchon
Avant de lancer le projet, River Cleanup et VITO avaient déjà recueilli 1.300 photos de déchets sauvages. Ils ont notamment introduit ces données dans un modèle YOLO (You Only Look Once) qui sert de base à la reconnaissance d’objets. ‘Un test d’efficacité a démontré que les différents modèles d’IA affichaient des performances similaires. Le facteur décisif était la qualité des données. Nous réévaluerons les modèles une fois que nous aurons recueilli davantage de données d’entraînement de qualité.’
Dans la phase actuelle, il s’agit donc d’affiner les modèles d’IA. L’IA doit ainsi apprendre à répartir les déchets en 36 catégories – bouteilles en plastique, sacs en plastique, mégots de cigarettes… – et à éliminer les faux positifs. ‘Les différents sols qui bordent les rivières, comme l’herbe, les pierres ou les sols sablonneux, apportent une difficulté supplémentaire.
Grâce à la plateforme Zooniverse, d’autres bénévoles motivés peuvent poursuivre l’entraînement de l’IA. Ils reçoivent alors les photos chargées dans le système et sélectionnent le type de déchets concerné, par exemple. ‘Ils apportent une grande valeur ajoutée’, affirme Arne Van Overloop. Pour l’instant, VITO ne fait pas appel à une solution cloud. ‘Nous disposons d’une puissance de calcul suffisante pour traiter le nombre de photos prévu.’
La gamification facilite la collecte de données
La gamification doit inciter un millier de citoyens à participer au projet et à prendre 20 à 80 photos par promenade. Pour chaque image qu’ils téléchargent, ces bénévoles recevront un trash token. Dans les zones prioritaires – sur lesquelles on dispose de moins de données –, une photo rapporte deux trash tokens. Ceux qui arrivent en tête du classement mensuel ou du classement all-time remporteront un prix offert par des partenaires comme Delhaize ou A.S.Adventure.
La précision limitée des données de géolocalisation comporte un risque: celui de voir le même déchet apparaître deux fois dans le data set. ‘Pour les données scientifiques, nous nous appuierons par conséquent sur les déchets emportés par les bénévoles. Il est possible de l’indiquer lors du téléchargement des images. Pour mieux comprendre les tendances et les évolutions dans les zones plus reculées, un troisième sous-groupe de bénévoles va également effectuer la même promenade plusieurs fois.
Un data set, beaucoup d’avenir
Le projet de recherche s’inscrit dans le cadre d’amai!, une initiative du Vlaams Kenniscentrum voor Citizen Science (Centre flamand pour la science citoyenne) et du Kenniscentrum Data en Maatschappij (Centre de connaissances Données et société). Par l’intermédiaire de la Région flamande, amai! finance chaque année des projets qui utilisent l’IA pour relever un défi sociétal. River Watchers peut compter sur un budget total de 125.000 euros.
Le projet durera 18 mois, après quoi un rapport sera établi. Les photos et les tags seront consultables en ligne et serviront de données d’entraînement pour d’autres projets. ‘Nous voulons par exemple améliorer les modèles d’IA que nous utilisons avec les drones par transfer learning. Ces drones sont intégrés dans plusieurs projets en cours ou en phase de démarrage. Nous espérons ainsi retrouver au moins des accumulations de petites granules de plastique.’
River Watchers
Technologie: reconnaissance d’objets affinée avec data set propriétaire, transfer learning
Partenaire: VITO (Institut flamand pour la recherche technologique)
Avantage: détection de quantités et de types de déchets en vue d’actions structurelles
Budget: 125.000 euros