Pour gérer les interdictions de stade et réprimer la fraude aux tickets, La Gantoise, la Pro League et l’éditeur belge de logiciels Perfect-ID testent une solution basée sur le scanning de la main.
Certes, l’identification biométrique existe depuis un certain temps déjà, avec la lecture d’empreintes digitales, la reconnaissance faciale ou le scanning de la rétine notamment. Or selon les experts, l’identification par les veines de la paume de la main constitue une technologie fiable, efficace et particulièrement privée de contrôle d’accès. Or les clubs de football et les pouvoirs publics recherchent depuis longtemps déjà des techniques pour sécuriser et simplifier l’accès aux stades, sans parler du respect des interdictions de stade.
Dans ce contexte, la loi football a connu à l’été 2023 un changement fondamental. Depuis lors en effet, les clubs de football sont obligés de procéder eux-mêmes à des contrôles d’identité à l’entrée du stade. Selon Dirk Piens, ancien directeur Infrastructure, Organisation et Sécurité du club du La Gantoise, les méthodes traditionnelles de contrôle sont confrontées à de nombreux obstacles pratiques. « La vérification manuelle par des stewards ou du personnel de sécurité est sujette à erreurs et chronophage. Dans le même temps, les clubs n’ont que peu de vue sur les personnes qui pénètrent effectivement dans le stade dans la mesure où les fans remettent à d’autres leurs cartes de supporter et leurs tickets. » Piens précise que les supporters désirent avant tout un accès rapide au stade, sans longues files d’attente ou contrôles d’identité approfondis. De même, se pose la question de la vie privée et du stockage de données.
Code de paume unique
Pour remédier à ces problèmes, La Gantoise a lancé un projet avec l’UGent, la Pro League et plusieurs partenaires technologiques, avec le soutien du VLAIO. Il fallait imaginer une solution qui soit techniquement faisable et juridiquement concluante. La reconnaissance faciale était une piste, les supporters étant tenus de charger leur photo dans un coffre-fort numérique. « Mais l’installation paraissait fastidieuse et posait trop de problèmes en termes de vie privée », explique encore Piens. Par la suite, La Gantoise s’est intéressée à Palmki, une technologie qui analyse les veines de la palme de la main et qui a été mise au point par l’éditeur hasseltois de logiciels Perfect-ID. Une option qui s’est avérée sécurisée et conviviale.

Le système fonctionne sur la base de plus de 5 millions de points de référence et convertit les données biométriques en code de hachage crypté, avec impossibilité de copier ou d’exploiter ces données. Contrairement à la reconnaissance faciale ou au scanning d’empreintes – des technologies qui exploitent des données physiques extérieures –, le scanning de la paume n’est pas sensible au ‘spoofing’ avec des photos ou des ‘deepfakes’. En outre, un utilisateur ne peut s’identifier que si le sang circule bel et bien dans les veines de sa paume, ce qui rend toute fraude impossible.
Degré d’acceptation
Le projet pilote a été scindé en différentes phases et s’étend jusqu’à la fin de la saison. Actuellement, entre 600 et 800 supporters et collaborateurs sont impliqués dans le test. Dans un premier temps, le club associe la carte d’identité et la carte de saison aux données biométriques du supporter. En l’occurrence, itsme joue un rôle capital en tant que méthode de vérification. Par la suite, La Gantoise testera la technologie à l’entrée de son stade, les supporters restant tenus de présenter leur carte de saison. Dans une phase ultérieure, le club rendra le système totalement opérationnel, ce qui permettra aux supporters d’entrer dans le stade après avoir fait scanner la paume de leur main, sans donc présenter de ticket physique. « Les réactions dans la tribune familiale sont en tout cas positives, même si l’acceptation par les ultras constituera un défi. »
Étude comparative
Gert Vermeulen, professeur en droit pénal européen et international à l’UGent, a suivi de près l’évolution de ce projet. Il insiste sur l’importance juridique et éthique d’un déploiement mûrement réfléchi. « Les méthodes d’identification biométrique ne sont pas toutes aussi fiables et respectueuses de la vie privée. Lors d’une étude comparative des inconvénients et des risques potentiels que présentent les différentes techniques biométriques, nous avons constaté que le scanning de la paume atteignait des scores excellents. Pour sa part, la reconnaissance faciale par exemple présente un grand risque de ‘function creep’, à savoir qu’une fois le système installé, quelqu’un peut l’utiliser ultérieurement à d’autres fins que l’objectif initial. En outre, elle est confrontée à des biais et à des problèmes de précision. »
Un autre aspect juridique porte sur le traitement des données biométriques au regard de la législation RGPD. « Les données biométriques sont considérées comme des données personnelles sensibles qui ne peuvent en principe pas être traitées, sauf raison acceptable », explique encore le professeur Vermeulen. C’est ainsi que l’autorisation du supporter peut être considérée comme légitime. Il est peu probable que des supporters interdits de stade acceptent de leur plein gré un contrôle d’accès biométrique qui devrait faire l’objet d’un argumentaire légal spécifique en estimant que la sécurité du football revêtirait un intérêt public d’importance majeure. J’ai confiance dans le législateur pour qu’il développe cette base. »
Respect de la vie privée
Le projet pilote de La Gantoise montre que la technologie utilisée est non seulement faisable, mais également efficace. Le club évite les longues files d’attente aux portillons, réduit à pratiquement zéro la marge d’erreur lors des contrôles d’identité et garantit l’herméticité des interdictions de stade. En outre, il travaille dans un cadre juridique et éthique strict, tout en respectant la vie privée des supporters.
« Les réactions dans la tribune familiale sont en tout cas positives, même si l’acceptation par les ultras constituera un défi. »
« L’idée que le contrôle biométrique viole d’une manière ou d’une autre la vie privée est dépassée, ajoute le professeur Vermeulen. Il existe deux conditions pour un bon équilibre entre sécurité et vie privée : il doit s’agir d’une vérification un-sur-un et le supporter ou le visiteur doit être le seul à posséder le modèle biométrique qui sert à Palmki pour faire la comparaison avec le modèle des veines de la paume lors du contrôle d’accès. Ce modèle se trouvera par exemple sur le passeport du supporter ou le ticket. En fait, il s’agit d’un système bien moins intrusif que les contrôles d’identité effectuées actuellement, comme dans un aéroport. La technologie permet au club de prendre ses responsabilités dans le respect des interdictions de stade sans qu’il ne soit fait atteinte à la vie privée du supporter. »
Pistes supplémentaires
Le football étant affaire de sensations, la technologie Palmki s’inscrit parfaitement dans ce contexte. Au-delà du contrôle d’accès, La Gantoise envisage d’autres applications. « Sur un plan légal, il est parfaitement possible de payer sans contact via l’identification biométrique, enchaîne Dirk Piens. Commander une bière pourrait être plus rapide et plus sécurisé. » Un autre défi porte sur l’intégration avec la revente de tickets. « Les supporters qui ne peuvent pas assister à un match doivent toujours avoir la possibilité de transférer leur ticket de manière sécurisée et contrôlée. Pour ce faire, une plateforme compatible d’échange de tickets est nécessaire. »
Sachant que l’évaluation du projet pilote est imminente, ce n’est semble-t-il plus qu’une question de temps avant que d’autres clubs de football belges adoptent le contrôle d’accès biométrique. L’avenir de la sécurité des stades pourrait être à portée de main.