L’IA agentique, où des agents logiciels intelligents exécutent certaines tâches en toute autonomie, apparaît de plus en plus comme un levier stratégique pour Equans et Proximus.
L’importance d’un environnement IT automatisé et autonome figure parmi les priorités d’Equans, une volonté qui n’est pas uniquement dictée par la révolution suscitée par l’IA. En juillet 2021 en effet, ce prestataire de services techniques sorti du giron d’Engie procédait à la plus importante transformation de son histoire. « Notre priorité était claire : se développer de manière indépendante tout en restant opérationnel, souligne Kris Jansen, Group CTO d’Equans. Dans le même temps, nous n’entendions pas reproduire simplement les anciens systèmes. » Grâce au support de la plateforme de ServiceNow, Equans a dès lors mis en place en 6 mois seulement un nouvel environnement IT autonome pour ses quelque 90.000 collaborateurs dans plus de 20 pays.
Dans les ateliers et chez les clients
Ce qui était au départ une solution de gestion du service IT s’est muée en une plateforme stratégique couvrant notamment les RH, la logistique et la cybersécurité. Désormais, la gestion des actifs, le support des chantiers et la détection de cyberrisques sont largement automatisés. Dans ce contexte, l’IA joue un rôle sans cesse croissant. Pour ses applications internes, Equans s’appuie désormais sur la gestion documentaire et les chatbots d’IA. C’est ainsi que les techniciens peuvent accéder directement, au départ de leur tablette, à des solutions et des manuels dans leur propre langue et adaptés à leur contexte spécifique. « Nos ouvriers travaillent souvent sur des installations qu’ils n’ont jamais visitées. Avec l’IA, ils bénéficient d’un support en temps réel sans devoir consulter des manuels volumineux », note Jansen.
« L’IA agentique permet de traiter des demandes de service plus rapidement et plus efficacement. »
Autre domaine couvert : la gestion énergétique. Equans collecte en effet des données brutes provenant de systèmes HVAC (chauffage, ventilation et climatisation) qui sont ensuite nettoyées grâce à l’IA pour être exploitées dans le cadre d’offres relatives aux économies d’énergie. De même, au niveau des clients, l’entreprise déploie des solutions intelligentes comme l’apprentissage machine pour la détection d’anomalies via des caméras et des capteurs. Toujours selon Jansen, l’avenir est résolument à l’IA agentique. Ainsi, Equans teste désormais des agents capables de proposer automatiquement des outils aux techniciens sur chantier. « L’IA agentique permet de traiter des demandes de service plus rapidement et plus efficacement. Il s’agit là d’une plus-value énorme dans le support client et la logistique. »
Conception et utilisation réfléchies
En l’occurrence, le prestataire de services techniques veille à garder la maîtrise de son environnement. En effet, la croissance effrénée d’outils d’IA librement accessibles induit un risque de voir certains collaborateurs expérimenter l’IA de manière autonome et entraîner ainsi des risques de sécurité. « C’est pourquoi nous avons mis au point un processus de gestion très strict. Via des outils de monitoring associés à l’environnement ServiceNow, nous pouvons détecter les nouveaux outils d’IA utilisés dans l’organisation. Si un outil se révèle inconnu, un processus automatique de contrôle est déclenché. » En fonction de l’analyse du risque, Equans décide d’approuver ou de bloquer l’outil d’IA, voire de proposer aux utilisateurs une solution interne plus sécurisée. « Nous n’optons pas pour un bannissement absolu de l’IA, mais pour une conscientisation des collaborateurs face aux risques. Ce faisant, nous évitons que des données d’entreprise sensibles ne migrent involontairement dans des systèmes d’IA externes. »
Reste qu’implémenter une solution d’IA se révèle souvent plus délicat que le développement d’un projet pilote. C’est ainsi qu’il a fallu près d’un an entre la conception d’un chabbot mis durant un hackathon organisé par Equans et sa mise en production effective. « Les techniciens ont posé des questions inattendues, ce qui a nécessité de continuer à entraîner l’IA. » Pour déployer pleinement l’IA, Equans a dû investir dans une architecture de données robuste, avec notamment Palantir comme moteur central. « Tous les modèles d’IA ne fonctionnent pas avec la même ‘vérité’. Or sans ce fondement, l’IA n’a pas de valeur », dixit Jansen.
Moteur stratégiqued’une hyperautomatisation
Chez Proximus, l’IA joue un rôle clé dans la transformation numérique du groupe. Ce qui constituait au départ une solution d’amélioration des processus est devenu aujourd’hui un changement fondamental dans la manière de fonctionner, d’innover et de gérer la relation client. « L’IA n’est plus un domaine d’expérimentation, mais une stratégie clé », insiste Antonietta Mastroianni, Chief Digital & IT Officer. Avec désormais plus de 45 cas d’usage répartis entre le service client, le marketing, l’IA et la gestion du réseau, qu’il s’agisse de robots vocaux intelligents ou d’assistants numériques pour les collaborateurs notamment.
« L’IA n’est plus un domaine d’expérimentation, mais une stratégie clé. »
Un bon exemple à cet égard est MAIA (My AI Assistant), un outil qui permet aux équipes de vente et de support client de proposer des informations pertinentes. De son côté, l’agent conversationnel FiberDesign Guru est capable de répondre automatiquement à des questions relatives au déploiement de la fibre.
La philosophie ? « L’IA doit prendre en charge les tâches répétitives pour permettre aux collaborateurs de se concentrer sur la véritable valeur ajoutée. » Cette vision se concrétise dans Proximus ADA, le centre d’excellence en IA et cybersécurité qui est étroitement imbriqué dans l’ensemble de l’organisation.
L’AI agentique comme horizon
Proximus envisage l’IA davantage que comme un simple outil de support et investit donc résolument dans l’IA agentique. « C’est la technologie du futur. Si je ne devais miser que sur une seule solution, c’est celle-là », affirme-t-on résolument. Mastroianni évoque une vision de l’avenir où un responsable de produit fait appel à une interface conversationnelle pour demander une nouvelle fonction, après quoi l’IA la conçoit, la code, la teste et l’implémente – avec un minimum d’intervention humaine.
En coulisse, Proximus met en place un processus de sélection rigoureux pour prioriser ses projets d’IA. « Chacun a son idée, mais il est impossible de tout faire en même temps, estime Mastroianni. Nous évaluons chaque proposition en termes d’impact, de coût et de valeur ajoutée. C’est la seule manière de rester focalisé et évolutif. » Dans le cadre de ce processus, Proximus suit deux trajets parallèles : d’une part, les améliorations incrémentales via des cas d’usage classiques et, d’autre part, des projets d’IA agentique plus disruptifs et susceptibles d’introduire de nouvelles manières de travailler.
Transition du réseau et des systèmes
Pour concrétiser de telles ambitions, une solide architecture IT se révèle cruciale. C’est pourquoi Proximus simplifie son paysage IT en décommissionnant (en partie) ses systèmes hérités et en construisant un écosystème susceptible de faciliter les collaborations externes. Sur le plan de la gestion du service IT, le partenariat avec ServiceNow occupe dès lors une place prépondérante, notamment pour les processus de service client. « En outre, nous créons une architecture IT permettant d’évoluer vers l’IA agentique, tant pour les opérations client que la gestion du réseau »,précise encore Mastroianni. Autre axe privilégié : rendre les systèmes hérités moins complexes sans pour autant les remplacer.
L’ambition en matière d’IA agentique ne se limite toutefois pas à la gestion du réseau. Dans le développement de produits IT et les processus opérationnels en effet, Proximus entrevoit des perspectives intéressantes. « Aujourd’hui, une release demande encore pas mal de scripts manuels et des scénarios de test. Mais à l’avenir, l’IA agentique pourra reprendre en grande partie ces tâches de manière prévisible et sans erreur », insiste toujours Mastroianni. En ajoutant une couche d’intelligence aux systèmes existants, l’entreprise pourra gérer ses systèmes hérités sans procéder à des migrations trop lourdes.
Difficilement égalable
Les défis n’en restent pas moins bien réels. Ainsi, ce sont surtout la qualité des données et la sécurisation de l’implémentation de systèmes autonomes qui exigent du temps et de la rigueur. « Pas question de confier simplement l’ensemble d’une infrastructure à des systèmes d’IA, conclut Mastroianni. Il faut travailler de manière sécurisée et contrôlée. Mais si vous y parvenez, la qualité et l’efficacité de vos opérations atteindra un niveau difficilement égalable par des humains. »