Dialogue avec mon livre

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Pieterjan Van Leemputten

Si vous achetez un livre sur le management auprès de LannooCampus, vous avez désormais la possibilité de dialoguer avec l’ouvrage. Avec ce projet, l’éditeur entend donner vie à un média statique.

« Un livre se présente de la même manière à chacun, sans tenir compte de vos connaissances antérieures. Désormais, nous voulons que le lecteur tire davantage profit de l’ouvrage pour lui-même », explique Niels Janssens, directeur-éditeur de LannooCampus. En collaboration avec l’auteur et consultant Jackie Janssen, il a mis au point un concept permettant, grâce à un code unique dans chaque livre, d’accéder à un agent conversationnel dans WhatsApp. Celui-ci peut non seulement répondre à des questions du livre, mais il est possible de lui présenter votre propre situation ou défi ou de demander des méthodes de travail ou des analyses pour les appliquer par la suite.
« Nous établissons ainsi nettement plus un pont vers la pratique. Actuellement, vous lisez un livre et vous faites des annotations pour vous-même, ou vous faites référence mentalement à votre propre environnement. Mais désormais, il y a un échange direct et le livre est un prolongement de votre propre démarche. »

Lannoo a introduit AI Companion dans la dernière édition de Why Innovation Fails de Joachim De Vos.

Lannoo a introduit AI Companion dans la dernière édition de Why Innovation Fails de Joachim De Vos, fondateur de Living Tomorrow, TomorrowLab et professeur de planification de scénarios à l’UGent. Mais il souhaite également intégrer cette année cet agent numérique de livre dans 5 autres ouvrages. Niels Janssens : « C’est un projet de développement pour nous. Nous discutons également avec nos auteurs pour voir comment évoluer. Pas question pour nous d’adhérer à l’idée que nous n’aurons un jour plus besoin d’auteurs. Amazon regorge d’ouvrages générés par l’IA, mais il s’agit là de livres que l’on achète au mieux par hasard. Il n’est pas question d’établir une analyse de rentabilité là-dessus. » Un auteur apporte de l’expertise et un éditeur sans auteurs n’est pas à l’ordre du jour.
« Il est désormais possible de tirer bien plus profit d’un livre », estime Jackie Janssen, auteur et consultante qui a collaboré au développement avec LannooCampus. « Dans le cadre d’un exposé ou d’un travail de consultance, vous pouvez poser des questions pour traduire les connaissances du livre en fonction de votre contexte personnel. » Et cela ne s’arrête pas au livre. « A terme, nous pourrions adopter une approche multimodale. Imaginez par exemple un podcast sur un chapitre particulier. » Certes, Lannoo n’en est pas encore à ce stade, mais l’éditeur entend explorer de nouvelles possibilités d’utiliser l’IA pour rendre un livre de connaissance plus pertinent encore pour celui qui désire acquérir ailleurs d’autres compétences.

La lecture, toujours

L’émergence de l’IA dans le secteur du livre signifie-t-elle que l’on achètera bientôt un livre uniquement pour poser uniquement des questions à l’IA Companion ? Ou qu’à terme peut-être, on achètera seulement un assistant d’IA à la place d’un livre ? Non, rétorque Janssens. « L’expérience sera toujours plus positive si vous avez lu le livre. Dans ce cas, vous connaissez la structure, vous savez de quoi il retourne et vous savez donc quelles questions poser. Cette technologie pourrait d’ailleurs aussi être appliquée aux ouvrages scolaires pour les élèves, même si les choses seraient plus compliquées étant donné qu’il faut disposer de connaissances préalables pour poser des questions intéressantes. »
Yuval Harari l’a pourtant fait récemment. Cet auteur de renommée mondiale a mis au point une version AI de son livre Nexus qui se vend au prix de 9,99 €, indépendamment du livre. Une solution que n’envisage provisoirement pas Lannoo. « Nous le considérons vraiment comme un prolongement de l’ouvrage imprimé. Nous ne voulons pas non plus être trop en avance car les gens doivent encore apprendre à utiliser un livre doté d’un assistant virtuel. De même, nous ne savons pas encore si à terme, nous commercialiserons cet assistant comme un produit séparé. » Le même raisonnement vaut pour un assistant capable de combiner les connaissances de plusieurs ouvrages que vous achèteriez. Ce n’est pas impossible techniquement, mais pas encore à l’ordre du jour pour l’instant. Janssens :« La plus-value réside dans le niveau d’approfondissement que l’on peut atteindre, notamment appliqué à des questions spécifiques sur une situation personnelle plutôt que dans des résumés superficiels. »

« L’auteur peut vérifier ce que l’agent conversationnel répond, mais nous pouvons aussi le désactiver. »

OpenAI

L’installation de l’AI Companion n’est pas vraiment compliquée aux yeux de Jackie Janssen, même si certains aspects ne doivent pas être négligés. « Il faut mettre en place du vectoring et le prompting correct, mais ce n’est pas l’implémentation la plus complexe. Les choses sont un peu plus délicates lorsque l’on veut intégrer soi-même des documents pour les faire ‘dialoguer’ avec le livre. Mais nous y travaillons pour l’instant. Cela dit, la technologie est accessible. La complexité réside surtout dans les canaux. Aujourd’hui, nous utilisons WhatsApp parce que l’outil est bien implanté. Mais plus nous ajoutons des canaux, plus il faut cocher de cases. Si nous autorisons les personnes à ajouter leur propre contenu, nous devons veiller à ce que ces données ne puissent pas sortir par une autre voie. »

Une autre question concernant un tel assistant numérique est son prix et le coût qu’il est possible de répercuter sur le client. Un livre ne se vend qu’une seule fois, mais on donne à l’utilisateur un accès à la technologie d’IA sous forme ‘as-a-Service’ qui est facturée à l’éditeur. Niels Janssens : « Nous sommes partis du prix conseillé du livre en y ajoutant 5 €. Il s’agit d’une plus-value qui couvre les frais. Pour nous, il sera particulièrement intéressant de voir dans quelle mesure les clients sont prêts à payer un supplément et comment ils vont utiliser l’AI Companion. »

Des conseils professionnels, mais une thérapie

Concrètement, Lannoo s’appuie pour l’instant sur une version professionnelle d’OpenAI. L’entreprise ajoute qu’elle est toujours en phase d’expérimentation et analyse au cas par cas le fonctionnement de l’agent conversationnel, considérant que l’AI Companion n’est pas adapté à toutes les situations.
C’est ainsi que l’éditeur publie les ouvrages de différents psychiatres et psychologues notamment. En l’occurrence, le risque existe que les lecteurs utilisent ce livre comme un thérapeute personnel, alors que telle n’est pas l’intention. « Nous ne le faisons pas pour des raisons d’éthique. Nous ne voulons en aucune manière créer de fausses attentes qui auraient des conséquences néfastes », précise Janssens.
Un autre obstacle concerne la vie privée par rapport aux informations qui sont partagées. Aujourd’hui, Lannoo peut voir les questions qui sont posées et les réponses de l’AI Companion. Jackie Janssen :« L’auteur peut vérifier ce que l’agent conversationnel répond, mais nous pouvons aussi désactiver cette fonction. Pour l’instant, le lecteur n’a pas le choix de partager ou non ses réactions, mais nous pourrions le faire avec certains ouvrages. »
Mais la raison principale est que l’éditeur désire maintenant savoir ce que les utilisateurs demandent pour gérer les ‘prompts’ suggérés ou vérifier qu’il n’y a pas d’erreurs ou d’absurdités dans les réponses. En principe, l’éditeur ne sait pas qui pose telle question, ni les numéros de téléphone ou les noms des personnes. Mais l’utilisateur qui donne à l’AI Companion des détails sur sa situation de travail personnelle, surtout s’il s’agit de contextes sensibles, doit savoir que si l’outil tourne sur des grands modèles de langage (LLM) d’OpenAi, l’entreprise n’a pas accès aux données. Tant les informations de l’ouvrage que les demandes des lecteurs ne sont pas communiquées à l’éditeur américain.

Futurs titres

Outre Why Innovation Fails de Joachim Vos, LannooCampus entend intégrer l’AI Companon à 5 autres ouvrages d’ici l’automne 2025. Pour tout essai, consultez les livres suivants :

FAQ I have to speak – Marnick Vandebroek
Marketing Reinventing the Basics – Igor Nowé
Influencers – Carole Lamarque
2034, een novelle – Arne Maes
Morele Intuïtie – Jochanan Eynikel

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