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Comment l’IA permettra à terme de réduire la montagne de textiles

© Getty Images
Ronald Meeus

Le fabricant de machines Valvan (Menin) a conçu un modèle d’IA capable de trier les vêtements. L’entreprise espère ainsi augmenter le faible taux de recyclage des textiles.

Bravo si vous portez un vêtement susceptible d’être recyclé, mais il n’y a malheureusement aucune garantie que ce textile sera effectivement recyclé. Selon Boer Group, un géant néerlandais du recyclage de textiles, quelque 37% des vêtements vendu aujourd’hui dans le monde pourraient être concernés par un circuit court, mais en réalité, à peine 1% d’entre eux est bel et bien recyclé. Par ailleurs, de l’ordre de 12% font l’objet d’un décyclage, tandis que la grande majorité – soit 87% – est tout bonnement jeté. Et une majorité d’entre eux finissent dans les gigantesques décharges des plages du Ghana, dont les tristes images ont fait le tour du monde voici quelques années.

Mais, heureusement, on voit désormais émerger une industrie du recyclage de vêtements. Un secteur qui se développe, estime le bureau d’études américain Grand View Research, qui évoque désormais un chiffre d’affaires cumulé de quelque 4,5 milliards €, avec une projection de 5,7 milliards € à l’horizon 2030. Pas vraiment spectaculaire, vous en conviendrez. Mais ces dernières années, l’intelligence artificielle a permis l’émergence d’innovations susceptibles d’accélérer le développement de ce secteur.

Deux machines, deux modèles d’IA

Deux de ces innovations sont en fait de conception belge. Elles émanent, sans grande surprise, de Flandre-Occidentale, le berceau du secteur textile dans notre pays. C’est ainsi que l’entreprise textile Valvan de Menin a mis au point deux machines – Fibersort et Trimclean – capables de garantir un processus de recyclage bien plus ‘propre’ grâce à l’IA. Fibersort est une machine de tri du textile qui intègre l’IA pour analyser les vêtements et les trier sur la base de leur composition et de leur couleur. La technologie s’appuie sur la spectro-scopie dans l’infrarouge proche pour prédire la concentration des différentes fibres dans les tissus, y compris les mélanges et les matières pures. Par ailleurs, la machine intègre une caméra RGB qui trie le textile par couleur. Pour sa part, Trimclean détecte ensuite dans les textiles triés les fermetures éclair, boutons, étiquettes et autres matériaux perturbateurs qui sont alors retirés par air comprimé pour augmenter la pureté du vêtement recyclé.

« Les processus de tri sont aujourd’hui axés sur la réutilisation, moins sur le recyclage des matières. »

« Fibersort trie les fractions définies plus finement du textile, tandis que Trimclean est une étape plus poussée du nettoyage du textile recyclé pour obtenir un produit plus qualitatif, explique Maurits Vandeputte, CTO. Trier les vêtements à la main est très intensif en main-d’œuvre, mais avec l’arrivée de l’IA, il n’existait aucune autre alternative : il n’existait aucune solution de capteur pour couvrir le tout en détail. Avec Fibersort, nous proposons une sorte d’empreinte du type de matériau grâce à un scanner à infrarouge, après quoi l’IA prédit la composition des fibres d’un article sur la base de la comparaison du spectre infrarouge par rapport à une vaste bibliothèque de compositions de fibres. Avec l’analyse des images de caméra, la machine trie par ailleurs en fonction des couleurs. Le modèle d’IA est notamment en mesure de préciser s’il s’agit d’un vêtement monochrome ou s’il est encore possible de le recycler. Au niveau de Trimclean, nous avons dû développer un autre modèle d’IA, capable de détecter les objets sur la base de données de traitement d’images à un débit élevé. »

Progrès dans la précision

Valvan est une entité du groupe Valtech, un holding familial détenu par la famille Vandeputte, qui gère désormais 16 entreprises belges. Le fabricant de machines a été fondé en 1968 sous le nom Valvan Metaalconstructie et a d’abord construit des systèmes de séchage pour le lin. Désormais, l’entreprise se concentre pleinement – après de multiples scissions et rachats – sur les machines textiles et les presses à balles. Par ailleurs, la période 2015-2018, époque où l’intelligence artificielle a connu ses premières heures de gloire, a marqué une étape importante pour l’entreprise. « Avec l’émergence forte de l’IA, nous avons connu une percée majeure en termes de précision, explique encore Vandeputte. Autrefois, tous nos processus de tri étaient basés sur des règles, mais les compositions des fibres et la présence de matériaux perturbateurs rendaient la définition de règles particulièrement complexe. Or avec l’IA, il n’y a désormais plus besoin de règles. Par ailleurs, la compréhension de l’IA est maintenant plus approfondie dans notre pays. Certes, il convient encore d’associer celle-ci à notre propre savoir-faire pour mettre au point une machine performante. »

Entre-temps, on compte une quinzaine de machines en service dans le monde, insiste Vandeputte. C’est ainsi que la Salvation Army UK, la branche britannique de la communauté chrétienne évangélique Armée du Salut, trie chaque heure jusqu’à 20 T de vêtements avec une machine Fibersort. « Notre produit reste encore un peu partout utilisé en phase de recherche et n’est pas déployé à grande échelle, fait remarquer Vandeputte. La machine fonctionne bien, évidemment, mais la dimension commerciale n’est pas encore au point. Nos clients actuels sont de très grandes entreprises ou organisations qui ne peuvent pas se permettre de déployer des applications trop innovantes. Pour leur part, de nombreuses plus petites sociétés se montrent encore attentistes. Mais nous espérons que la demande pour de telles solutions finira par émerger. »

Car si le pas est franchi, il sera enfin possible de faire quelque peu augmenter ce taux pitoyable de 1% de recyclage. « Les gens portent toujours plus de textile, mais la qualité des vêtements qu’ils portent ne cesse de baisser en raison de la fast fashion où les textiles ne doivent plus durer aussi longtemps et sont simplement jetés. Les processus de tri sont aujourd’hui axés sur la réutilisation, moins sur le recyclage des matières. Or c’est précisément dans ce recyclage plus ciblé que nous voyons désormais un plus grand avenir. »

Fibersort et Trimclean

Quelle IA ? « Nous développons énormément en interne, souligne Maurits Vandeputte, CTO. Nous n’utilisons pas des progiciels existants, mais nous appuyons sur des modèles existants. Python, par exemple, est une bibliothèque qui permet de construire et d’entraîner rapidement des modèles. Nous utilisons également la plateforme d’apprentissage machine open source TensorFlow. Mais les solutions sont de conception maison. »
Avantage ? Amélioration de l’efficacité et de la précision du processus.
Investissement total ? Entre 2 et 4 millions €.

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