Voici que l’industrie du sexe découvre elle aussi la chaîne de blocs et les ICO
Des sites web douteux qui proposent du ‘sugvar dating’ et des services d’escorte, ont à présent aussi trouvé la route de la chaîne de blocs, des crypto-monnaies et des ICO. Avec toutes les conséquences que cela peut avoir.
Toujours plus de startups émettent leur propre monnaie virtuelle dans le cadre de ce qu’on appelle des Initial Coin Offerings (ICO). Il s’agit là de phases de capitalisation, où les investisseurs reçoivent un jeton (‘token’) numérique, qu’ils peuvent alors échanger contre des biens ou des services sur une plate-forme spécifique. Ce jeton sert en même temps d’espèce d”action numérique’: plus la startup a du succès, plus le jeton gagne en valeur.
Suite à plusieurs cas de fraude (des startups qui n’étaient rien d’autre que des arnaques et qui se volatilisaient avec l’argent recueilli), les ICO n’ont plus guère bonne réputation. Or à présent, différentes plates-formes de sexe s’y intéressent aussi. C’est ainsi qu’une plate-forme de rencontres pragmatiques russe a lancé la semaine dernière le ‘DateCoin’. En quelques jours, elle a récolté 320.000 dollars dans le cadre d’une pré-ICO. Les investisseurs ont reçu des ‘DateCoin Tokens’ en échange de leur investissement.
‘Enhanced premium dating’ (ou prostitution)
Cette monnaie virtuelle est décrite comme ‘la clé vers les plus belles filles au monde, avec des privilèges spéciaux’. Le site web, qui se qualifie de service d”enhanced premium dating’, s’adresse clairement à un public-cible de riches investisseurs qui, comme par hasard, recherchent aussi du sexe.
La terminologie fait penser à la récente et retentissante campagne ‘sugar dating’ du site web ‘Rich Meet Beautiful’, qui associait des étudiantes à des hommes plus âgés et riches. Mais DateCoin semble se rapprocher davantage encore de la prostitution. Avec des slogans tels que ‘Nous établissons des relations ouvertes entre des hommes à succès et de jolies filles’, DateCoin ne fait en réalité quasiment rien d’autre que de… vendre des filles.
La plate-forme revendique aussi l’utilisation de l’intelligence artificielle pour optimaliser les préférences des utilisateurs sur base notamment de la reconnaissance du visage. En d’autres mots, les utilisateurs ne doivent même plus indiquer la couleur des cheveux et la taille des filles qui les intéressent, mais simplement transférer une photo de la fille de leurs rêves.
Contrats intelligents
On peut qualifier de non moins subtils des sites web comme SexService.io ou Lust.agency, qui ont également été financés par des ICO. Ces deux plates-formes utilisent effectivement la technologie de la chaîne de blocs pour associer les travailleurs (travailleuses) du sexe et la clientèle (contrairement à DateCoin, qui ne recourt à la chaîne de blocs que pour émettre de la monnaie virtuelle et disposer ainsi de fonds). Comme les paiements et le stockage des données des utilisateurs ne passent pas par un serveur central, mais par la chaîne de blocs, les plates-formes se targuent de garantir l’anonymat et la confidentialité.
Des contrats intelligents conclus entre les travailleurs (travailleuses) du sexe et leurs client(e)s rendent superflue l’intervention d’une tierce partie, ce qui pourrait en principe aborder le problème de l’exploitation dans l’industrie du sexe. Indépendamment des objections morales, cela pourrait être un pas dans la bonne direction. Mais quant à savoir si cette technologie pourrait rendre effectivement plus sûr le travail des prostituées, cela dépendra surtout de la façon dont elle sera appliquée. Dans les cas susmentionnés, c’est surtout l’anonymat des clients qui semble protégé et pas celui des travailleurs (travailleuses) du sexe.
Une ère nouvelle?
Il n’y a pas que des plates-formes de sexe en ligne douteuses qui s’intéressent à la chaîne de blocs, puisque l’industrie pornographique le fait déjà aussi. Celle-ci est surtout aux prises avec la diffusion de contenus illégaux. Le site web porno américain ‘Naughty America’ recherche conjointement avec la startup IT suisse Decent comment elle pourrait utiliser la technologie de la chaîne de blocs pour y mettre fin. Un grand nombre de sites pornos accepte aussi les paiements en bitcoin du fait qu’ils sont plus anonymes.
Tout comme lors de l’arrivée d’internet, l’industrie du sexe semble être au seuil d’une ère nouvelle. La popularité des ICO et des monnaies numériques attirera toujours davantage l’attention de ce secteur, où il y a beaucoup d’argent à gagner, mais où l’anonymat et la discrétion sont cruciaux. Il est possible que la chaîne de blocs génère dans l’industrie du sexe un changement aussi important que celui introduit par internet à l’époque, avec toutes les conséquences que cela suppose.
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