Peter Hinssen
“Une fusion entre l’Imec et iMinds serait une bonne chose”
Une fusion entre les instituts de recherche Imec et iMinds serait judicieuse, suggère Peter Hinssen. “Ne nous enlisons surtout pas dans une triste inimitié entre Louvain et Gand.”
Ces derniers temps, l’on a évoqué une possible fusion entre l’Imec et iMinds. L’institut de recherche louvaniste Imec est un acteur mondial en matériel high-tech. Avant, on parlait de micro-électronique et à présent de nanotechnologie. L’Imec s’occupe tout simplement de puces.
Et l’Imec, c’est top. Je ne suis pas un grand connaisseur en football, mais je dirais que l’Imec joue la finale de la Ligue des Champions. Des entreprises telles Apple, Samsung, Intel et Sony envoient des armées de chercheurs à Louvain pour développer la nouvelle génération de puces qui aboutiront ultérieurement dans les smartphones, tablettes et autres appareils dans le monde. Pour poursuivre dans le jargon footballistique, au niveau qualitatif, l’Imec est une sorte de FC Barcelone. Mais malheureusement, il n’a pas imposé sa marque aussi nettement que les Catalans car l’on ne voit ici guère de jeunes portant un t-shirt Imec…
De son côté, iMinds est installé à Gand et est spécialisé dans le software. Ce centre de recherche numérique et d’entreprenariat en Flandre, comme il s’appelle lui-même, est né, il y a une bonne dizaine d’années, lorsque la Flandre s’est rendue compte qu’elle n’était pas sur le bon chemin dans le domaine numérique en ligne et, dans un contexte plus large, dans celui du software. Et ce n’était pas peu dire. Il n’y avait tout simplement rien. C’est de ce vide qu’a démarré iMinds, qui a depuis lors effectué un joli parcours.
Dans la presse, l’on a imaginé une scène dans laquelle l’imposant Imec absorbe le modeste iMinds
L’exCEO, Wim De Waele, a dû développer iMinds à partir de zéro. Et il a créé un centre qui a du répondant aujourd’hui. Il y a une structure, la recherche va bon train et il y a une marque de fabrique, sans parler des activités en matière de spin-offs et de start-ups. Mais surtout, iMinds a donné à la Flandre le sentiment qu’elle peut à présent représenter quelque chose sur l’échiquier numérique. Chapeau donc.
La Flandre commence à prendre conscience que ces dernières années, une profusion d’instituts, de centres de recherche, de groupes de réflexion et de centres de la connaissance est née. C’est une jungle surtout pour l’innovation. Il faut donc mettre de l’ordre, assainir, réduire les effectifs et surtout faire preuve d’efficience en regroupant des choses capables de se renforcer. D’accord à 100 pour cent.
L’Imec et iMinds pourraient se fondre en un nouvel institut de recherche concentré à la fois sur le matériel et les logiciels. Brillant. C’est cela aussi l’avenir. Si l’on considère ce que nous réservent les dix prochaines années en matière d’innovations, l’on pense inévitablement à pareille combinaison. On parle de l’internet des choses, où tout – des voitures, via les wearables, jusqu’aux lave-linge – deviendra intelligent. Et pour cela, il faudra une combinaison parfaite de matériel (puces, nanotechnologie, capteurs) et de logiciels (données massives, algorithmes). Pourquoi dès lors douter encore à propos du rapprochement de ce duo?
Jeu politique
Mais voici que se manifeste un jeu politique. Dans la presse, l’on a imaginé une scène dans laquelle l’imposant et vilain Imec de Louvain absorbe le pauvre petit iMinds de Gand. L’on y ajoute le fait qu’iMinds a pour les jeunes entreprises une culture ‘Silicon Valley’ nettement plus entreprenante, et qu’il contraste du tout au tout avec le mastodonte des puces de Louvain.
Ce serait une occasion ratée, si la Flandre ne regroupait pas l’Imec et iMinds. En une décennie, iMinds a mis en branle quelque chose, mais l’on n’en est encore qu’au début. Alors que l’Imec est au top mondial, iMinds en est encore loin. L’Imec parvient à récolter des centaines de millions d’euros par an de géants technologiques pour effectuer de la recherche. Le budget total puisé par iMinds dans l’industrie, n’est que de quelques millions. L’Imec joue au niveau mondial, alors qu’iMinds tente de gagner le sub-top en Europe.
La Flandre est trop petite pour des rivalités paroissiales. Nous ne pouvons hypothéquer la possibilité de créer un acteur mondial dans un secteur d’avenir
L’Imec a récemment lancé miDiagnostics, une spin-out qui, conjointement avec la Johns Hopkins University américaine, met au point le futur des soins de santé par le biais d’une combinaison de nanotechnologie et de biotechnologie de pointe. Cette jeune entreprise de l’Imec a reçu plus de financement que toutes les start-ups d’iMinds réunies au cours de leur décennie d’existence.
En tant que Gantois, je suis fier d’iMinds. C’est un excellent club où travaillent mes meilleurs amis. Mais la Flandre est trop petite pour des rivalités paroissiales. Nous ne pouvons hypothéquer la possibilité de créer un acteur mondial dans un secteur d’avenir: un institut de recherche dont feu Gaston Geens avec sa Flanders Technology aurait été fier.
Si on la joue intelligemment, la résultante de la puissance de l’Imec et de l’esprit d’entreprise d’iMinds pourra chaque année gagner la Ligue des Champions. Mais ne nous enlisons surtout pas dans une triste inimitié entre Louvain et Gand. Nous ne pouvons pas nous le permettre.
Cette chronique de Peter Hinssen est précédemment parue dans le journal De Tijd.
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