Twitter sur le point de renoncer à l’API gratuite: cela sonnera-t-il le glas des bots (sympas)?
Twitter a récemment annoncé que c’en serait bientôt fini de l’accès gratuit à ses API. Du coup, nombre de comptes automatisés utiles et amusants risquent de disparaître, mais comme c’est assez souvent le cas sur Twitter, il y a là à boire et à manger.
‘À partir du 9 février, nous ne prendrons plus en charge l’accès gratuit à l’API Twitter, que ce soit en v2 ou en v1.1. Un niveau de base payant sera disponible en lieu et place’, pouvait-on lire la semaine dernière sur le compte développeur de Twitter. Cet accès gratuit permet aux développeurs d’envoyer assez facilement des données de et vers Twitter.
Dans sa forme la plus simple, cela signifie qu’une personne ayant des connaissances en programmation peut créer un outil qui publie automatiquement des choses sur Twitter. Cela pourrait littéralement être un Raspberry Pi tweetant une photo à chaque fois que la chatière s’ouvre (comme @daphneFlap ), mais cela permet également de collecter en vrac tous les tweets publics – d’une langue ou d’un emplacement spécifique – à des fins d’analyse, ce qui peut être intéressant pour la recherche scientifique.
Pas la première fois
Thomas Winters, chercheur doctorant à la KU Leuven et à FWO Vlaanderen, possède plusieurs bots parmi les plus populaires en Belgique néerlandophone. Il est l’homme à l’initiative de TorfsBot (et Torfsbotornot ), mais aussi de l’outil Search News que peut être tagué pour trouver des articles sur un sujet précis, ainsi que de divers bots liés à Samson & Gert, chacun réagissant aux tweets à sa manière et dialoguant entre eux automatiquement. Comment juge-t-il la disparition de l’accès gratuit?
Winters: ‘Ce n’est pas la première fois que Twitter l’annonce. L’entreprise avait également déclaré en 2018 qu’il n’y aurait plus d’accès à l’API. Il s’agissait alors encore de la version 1.1, mais elle est toujours là. Je vais juste attendre et voir ce qui se passe réellement.’
Winters est également sceptique quant à la manière de communiquer et aux nombreuses nuances que Musk a apportées entre-temps. Le nouveau propriétaire a par exemple d’abord annoncé qu’il pensait à 100 dollars par mois pour l’accès. Mais lorsque des utilisateurs lui firent remarquer que cela ferait disparaître de nombreux bots utiles, il a évoqué des exceptions ou des options pour les utilisateurs contrôlés. ‘Entre autres, Musk parla d’une sorte d’API poids plume qui resterait gratuite et avec laquelle on pourrait tweeter plusieurs fois par jour, du moins on l’espère’, déclare Winters.
Mais l’argument de Musk, selon lequel la suppression de l’API gratuite supprimera les robots malveillants ne tient pas vraiment la route, selon Winters: ‘Il prétend qu’il n’y a pas de processus de contrôle actuellement, mais ce n’est tout simplement pas correct. Vous devez d’abord créer un compte développeur et indiquer ce que vous allez en faire pour un projet avec un bot, puis vous devez attendre une semaine pour l’approbation.’
Toujours selon lui, le fait que Musk veuille rendre l’accès payant aura l’effet inverse: ‘Dans ce cas, les bots moins utiles ou artistiques s’arrêteront probablement, parce que leurs créateurs ne voudront plus y injecter de l’argent. Dans le même temps, les bots à motivation financière voudront simplement payer pour continuer à opérer sur Twitter.’
Le changement n’affecterait du reste pas tous les comptes automatisés. Data News s’est également informé chez son… éditeur Roularta, car ‘nos publications publient également des tweets automatisés pour partager des articles’.
Cela ne se fait pas directement via l’API, mais avec d’autres outils comme Echobox ou SproutSocial qui, à leur tour, ont accès à Twitter via une API. Il ne fait actuellement aucun doute que ces outils deviendront plus chers ou que certaines choses ne seront plus possibles après le 9 février.
Mastodon
Le chercheur en informatique Jeroen Baert possède également un tel bot, uniquement pour le divertissement. Sur @DeJossen, son bot tweete au hasard une citation de la pièce de théâtre ‘De Jossen: Val en Revival der Saamhoriteiten’ de Tom Lanoye. Mais il est formel: si Twitter facture l’accès à l’API, le bot cessera de fonctionner sur Twitter.
Baert ajoute: ‘Je viens de le modifier pour qu’il publie tant sur Twitter que sur Mastodon. Cela a représenté une nuit de travail, mais je sais qu’il y a des gens qui apprécient le bot. Je ne vais cependant pas dépenser d’argent pour être autorisé à poster sur Twitter. Les gens devront alors suivre DeJossen quelque part ailleurs.’
Winters utilise le même raisonnement: ‘Je veux garder mes bots en ligne le plus longtemps possible, mais pas à 1.200 dollars par an. J’espère surtout qu’il y aura une exception pour certains bots, ou une version allégée de l’API que je pourrai continuer d’utiliser. Quelque chose qui me permette de poster 5x par jour serait parfait, même si le système de réponse pourrait alors disparaître’ (si vous taguez @torfsbot aujourd’hui, vous recevrez une réponse dans le style de Rik Torfs).
Contournable?
Mais une API est-elle absolument nécessaire? À l’époque des environnements virtuels, n’est-il pas possible de faire tweeter des bots qui ne publient des tweets (et n’ont donc pas besoin de données de Twitter même) que depuis un navigateur, comme le font les gens?
Winters: ‘Vous pouvez faire le marionnettiste si vous le souhaitez. Mais Twitter dispose depuis des années déjà de bons systèmes de détection contre les robots indésirables. Lorsque j’ai lancé Octaafbot, il a été banni très rapidement la première fois, simplement parce qu’il tweetait à chaque fois un texte très similaire et répondait à d’autres comptes qui ne le suivaient pas encore. Si votre interface ressemble trop à un bot, votre compte est supprimé.’
‘Si pour beaucoup de choses, vous n’avez pas besoin d’une API, vous dépendez néanmoins d’elles. Si Twitter ajuste son CSS ou JavaScript, ce qu’elle fait régulièrement pour contourner les bloqueurs de publicités, alors tout change à nouveau. Cela rend rapidement votre outil très peu fiable, et vous devez mettre à jour toutes les deux semaines. C’est aussi pourquoi vous voulez un accès à l’API.’
Baert raisonne à l’identique: ‘Il existe des logiciels de test pour émuler les navigateurs qui ouvrent un site et effectuent des clics ou collent du texte. Cela ressemble alors effectivement au tweet d’un être humain, mais cela représente plus d’efforts, ce qui n’est pas idéal.’
Mais il ne s’agit pas seulement de bots pour le divertissement, souligne Winters: ‘Il existe également un accès académique à cette API, et l’un de mes collègues l’utilise à des fins d’analyse sentimentale de millions de tweets à propos du couvre-feu (pendant la crise corona, ndlr). Si vous interrompez complètement l’accès gratuit à ces API, ce sera également une grande perte pour le monde universitaire. Or ces études ont justement besoin de plus d’accès aux données de Twitter qu’une version où vous ne postez vous-même tout au plus qu’un tweet automatisé.’
Avenir incertain
La grande question reste de savoir comment l’accès aux API va changer. Il n’y a actuellement aucune clarté sur la politique de prix. Après que Twitter a annoncé que l’accès gratuit à l’API allait disparaître, Musk a évoqué un accès payant à 100 dollars par mois. Mais ensuite, il a également parlé d’exceptions possibles.
Actuellement, quatre formules d’accès à l’API figurent sur les pages pour développeurs de Twitter, toutes mentionnant que le prix n’est pas encore fixé.
Cependant, il semble certain que tout changement entraînera la disparition de facto de certains bots utiles. Dans une réaction à la nouvelle, plusieurs utilisateurs ont déjà annoncé vouloir arrêter s’ils doivent payer. Mais une sorte de version de base gratuite de l’API s’avérera également insuffisante pour certains bots liés aux services. Pensez à la Thread Reader App ou à Remind me of this tweet. Ils ont besoin de bien plus qu’une poignée de tweets par jour. En même temps, ce sont des services gratuits sans modèle de revenu digne de ce nom.
Il n’est pas impensable que les plans visant à rendre l’API abordable soient encore ajustés. Ces derniers mois, il est arrivé à plusieurs reprises déjà que Musk apporte des changements majeurs qui ne se matérialisent pas ou différemment dans la pratique, souvent parce que Musk ne communique pas toujours en connaissance de cause à propos de sa propre plate-forme.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici