Tout était différent autrefois, mais tout est un éternel recommencement
40 ans, un bail. Et même une éternité en informatique. Quels étaient les thèmes abordés voici 40, 30, 20 et 10 ans ? Nous avons feuilleté quatre décennies de Data News.
Le 25 septembre 1979 est précisément le jour où votre revue ICT favorite a vu le jour (après un démarrage officieux par un numéro zéro le 1er septembre 1979). Ce bimensuel avait été créé à l’initiative de l’éditeur Diligentia sous le titre évocateur de ‘Magazine de l’informatique’. Or l’informatique anno 1979 revêtait clairement une autre dimension qu’en 2019. Ainsi, trois quarts des membres de l’actuelle rédaction n’étaient même pas nés en 1979, ce qui imposait donc une visite à la Bibliothèque Royale de Bruxelles ainsi que chez Roularta Media Group à Roulers. Avec une première conclusion évidente : le contenu de la revue n’était pas généré par des journalistes spécialisés en technologie, mais par des professeurs en informatique et par des spécialistes du secteur des services regroupés au sein d’un ‘comité de rédaction’. C’est ainsi que dès le premier numéro, le professeur Jacques Vandenbulcke publiait plusieurs articles. Et à partir du n° 6, le professeur Carlos De Backer le rejoignait. L’association informatique SAI – ou Studiecentrum voor Automatische Informatieverwerking – existait déjà à l’époque et était bien présente dès les premiers numéros. Précisons que la SAI a fêté son 50e anniversaire dès 2017.
Manuel de programmation
Dans les premiers numéros, l’ édito n’était pas vraiment une opinion, une prise de position ou une analyse, mais une sorte de manuel de 2 pages consacré à un thème généralement technologique. Le tout premier éditorial dessinait les contours de la revue : entamer le dialogue entre informaticiens et utilisateurs, présenter les nouveaux matériels et logiciels, suivre l’actualité des entreprises et participer à des séminaires. De très nombreux articles étaient consacrés aux évolutions technologiques à court terme, tout en projetant dans l’avenir à plus longue échéance. C’est ainsi que l’on pouvait lire dans le numéro 1 que Pascal était un nouveau langage de programmation. ” Le langage de l’avenir ? “, s’interrogeait Data News en titre. Autre titre évocateur : ” La puce : début ou fin de l’ère de l’informatique ? ” (n° 5/1979). Tout ce que publiait Data News à l’époque était ultra-technique. Y compris des schémas, diagrammes et même du code de programmation avec un ‘cours’ de Basic (n° 6/1980 : ‘Programmation Basic sur ITT-2020’) et Pascal. Ultra-technique, ne serait-ce parce que tout devait encore être inventé. Et notamment un terminal graphique affichant pour la première fois une dimension couleur : ce qui sera après coup considéré comme une percée majeure. Ou des imprimantes micro-image – de feue Kodak notamment – qui étaient meilleur marché que les imprimantes utilisant du papier : nous savons toutes et tous comment cela s’est terminé.
Et pourtant, tout n’a pas tellement changé en 40 ans. Comme le montre cette phrase tirée du tout premier éditorial : ” Data News publiera des dossiers sur des thèmes majeurs susceptibles d’intéresser un large éventail de lecteurs. Et par exemple l’informatisation du secteur financier, les systèmes de gestion informatique, les logiciels et la programmation, la transmission de données, la robotique, l’automatisation industrielle et les ordinateurs personnels. ” Tant la technologie que l’état d’esprit et la terminologie ont évidemment évolué, même s’il s’agit de thèmes que Data News continuera d’aborder. L’un des thèmes de base traité dès les débuts était d’ailleurs l’enseignement de l’informatique. Un sujet qui reste aujourd’hui encore d’actualité avec les STEM qui peuvent servir de tremplin aux études en informatique. Par ailleurs, et surtout durant la première décennie d’existence, Data News regorgeait d’offres d’emploi, surtout pour des programmeurs système et des analystes. De très nombreuses entreprises éprouvaient en effet des difficultés à attirer les meilleurs talents en informatique. Preuve que plus cela change…
Big Boss Agenda et petites annonces
Ainsi, on voit par exemple apparaître des ‘extension lines’. Pour bien commencer 1980, l’éditeur de l’époque de Data News rachète le Big Boss Agenda. ” Un compagnon fidèle durant 13 mois grâce à ses multiples qualités “, affirmait l’annonce. Un PDA ou une tablette avant la lettre ? Que nenni, il s’agissait d’un agenda papier avec ” votre nom en lettres d’or sur la couverture ” et un ” répertoire téléphonique détachable “. Et on retrouvera ainsi plusieurs ‘extensions’ originales que le lecteur pourra commander.
Dans les premières années, Data News était en outre financé par la publicité. Olivetti, Telindus, Siemens, Prodata, Hewlett Packard, Compaq et Dell Computers figuraient parmi les annonceurs les plus fidèles. Qui aurait pu imaginer que quelques décennies plus tard, Apple dévoilerait ses iMac, iPhone et autres iPad ? Un monde de différence avec l’Apple d’aujourd’hui qui n’a même plus de contact direct avec les journalistes belges B2B en technologie.
Parmi les annonces que l’on ne retrouve plus désormais dans Data News et que l’on n’imaginerait en fait même plus : les petitesannonces. Ordinateurs d’occasion, disques de stockage, processeurs et même des ‘mainframes’ : les particuliers et les entreprises qui souhaitaient se défaire de leur matériel IT dépassé faisaient alors appel à Data News.
D’emblée à la fois belge et international
Dès les premiers temps, Data News s’est focalisé sur l’info belge, même si l’actualité internationale des fournisseurs a rapidement été couverte. Le ” danger japonais autour des copieurs ” faisait la une dans le n° 6/1979. Mais aussi ” La Chine est un terrain vierge pour IBM et Computer Associates ” (n° 3/1980). A l’époque manifestement, la Chine ne comptait que 5 mainframes IBM et les opportunités étaient donc gigantesques. Quelle différence avec les tensions géopolitiques d’aujourd’hui.
Et la commercialisation des puces que nous évoquions ci-dessus ? Ce développement a finalement fait l’objet d’une série portant sur ” l’évolution du marché des puces ” ainsi que sur ” la percée et les limites des puces “. Avec en 1980 un numéro spécial sur les puces à l’école : ” Dans l’enseignement fondamental également, le micro-ordinateur fait peu à peu son apparition. ”
Pourtant, il est clair que Data News entend surtout jouer un rôle de premier plan sur le marché belge de l’informatique. En 1980 par exemple, la conclusion prémonitoire d’une enquête indiquait : ” La résistance face à l’ordinateur disparaîtra. ” Bien vu effectivement.
En parcourant les anciens numéros, nous sommes également frappés par une édition de mai 1981 et une enquête intitulée ” Les Belges et l’Informatique “. En 1982, Data News concluait que ” la balance commerciale belge en informatique est catastrophique “. L’article estimait même que Data News devait prendre l’engagement de s’intéresser davantage aux entreprises belges qui exportent du matériel et du logiciel. Et toujours cette même année : ” Le bâtiment Flandre prend l’eau de toutes parts. Il n’y a pas de société informatique digne de ce nom, il n’y a aucun constructeur d’ordinateurs national et nous ne sommes pas encore parvenus – contrairement à ce qui se fait dans l’industrie automobile – à attirer des entreprises étrangères de pointe dans notre pays. ” Une étude de la KUL de 1986 se veut en revanche plus optimiste et estime que les sociétés belges ont des chances de percer dans les logiciels. Data News ne se décourage nullement et publie durant de nombreuses années son édition ‘Reboot’ qui offre un aperçu complet des éditeurs belges de logiciels. Le fondement de ce qui deviendra la base de données ICT Guide que vous retrouverez précisément dans le présent numéro.
Thèmes récurrents
Nous l’évoquions plus haut, mais certains thèmes deviennent de grands classiques au fil des ans. Combien de fois n’a-t-on pas écrit notamment que le mainframe était mort. Or le mainframe est toujours vivant – surtout dans le secteur bancaire auquel Data News a toujours accordé une attention particulière. Au sein des banques, en effet, l’informatisation a été plus rapide que dans d’autres secteurs. ” D’une informatique centralisée vers une IT décentralisée dans le secteur bancaire “, titrait un article de 1980. Par extension, cette évolution concerne en fait toujours l’ensemble du secteur IT. Centralisation dans le cloud et à nouveau décentralisation via l’edge ? Une ‘nouvelle’ technologie comme la chaîne de blocs s’inspire précisément de ce principe.
Toujours plus souvent, l’entrée de l’ordinateur dans de nombreux autres secteurs a été abordée, comme dans la médecine (de la plume du professeur Tiberghien en 1980), les tour-opérateurs dans le secteur du voyage – sans surprise en août de cette même année. Au fil des années qui suivirent, de nombreux autres secteurs seront mis à l’honneur.
L’ICT pour les nuls
Plus l’ordinateur personnel s’impose, plus il devient accessible à un large public. ” Comment faire ses premiers pas “, se voulait un manuel pour qui envisageait de se lancer dans l’informatique dans le cadre du travail. Et dans l’édition suivante : ” Comment acheter mon ordinateur et à quel prix ? ” De même, la convergence entre informatique et sciences a rapidement été à l’ordre du jour. Ou l’intégration avec la robotique – eh oui, dans les années 1980, le sujet faisait la une -, voire le rapprochement entre biologie et informatique dans la biométrique. Avons-nous déjà écrit que tout était un éternel recommencement ?
Alors que l’on évoque aujourd’hui la guerre entre Office 365 et Google Apps, nous faisions paraître dès le 13 mai 1980 un dossier sur le traitement de texte. Et alors que l’on traite aujourd’hui des avantages et des inconvénients de l’externalisation, nous proposions dès la première année le compte-rendu d’une table ronde intitulée ” L’ordinateur en interne ou en service-bureau : que choisir ? ” Et nous pourrions citer nombre d’exemples de thématiques récurrentes, mais présentées sous des formes certes différentes.
Cures de rajeunissement et rythmes différents
En août 1980, notre revue connaissait sa première cure de rajeunissement : autre papier, lettrage plus grand, nouvelles rubriques. Il va de soi qu’il ne s’agira pas de la dernière cure. Chaque projet de renouveau se voulait léger et jamais drastique. Mais très visible, l’accent étant toujours mis davantage sur l’actualité, tandis que la rédaction était régulièrement renforcée avec l’arrivée de journalistes technologiques. C’est surtout à partir de 1985 que la priorité est donnée à l’actualité brûlante, sous l’impulsion de Paul Ruëll, rédacteur en chef, avec des titres chocs et des articles d’actualité très étayés. Parfois même avec des titres accrocheurs du style : ” L’heure de l’informatique sonne, mais la Belgique dort ! ” (11 mars 1986)
En septembre 1988, Baudouin Elleboudt est nommé rédacteur en chef de Data News. Le 26 août 1989, il change le rythme de publication qui devient hebdomadaire. Un choix notamment justifié par la nécessité de permettre aux annonceurs d’être plus en prise sur la réalité, notamment dans les offres d’emploi. Le 14 janvier 1986 sortait la première édition Careers ayant pour thème la carrière des informaticiens, avec des annonces à profusion.
Le numéro 077 de Data News
Entre-temps, Data News s’intéresse toujours moins au matériel pour évoquer davantage la connectivité et s’intéresser de plus en plus aux logiciels. La guerre autour d’OS/2 (IBM contre Microsoft) notamment, mais aussi l’émergence du courriel – en septembre 1992, une annonce de… WordPerfect affirmait que ” la communication électronique était d’ores et déjà possible “.
L’Internet impacte également Data News qui propose désormais un site Web. Mais avant qu’il ne soit question d’une lettre d’information par courriel, on parlait encore de ‘Data Flash’. En pratique, il était possible d’appeler un numéro payant 077 (coûteux) pour entendre un résumé de l’actualité IT. Plus tard, un numéro à part était publié avec des offres d’emploi Careers.
En 1997, José Delameilleure est devenu rédacteur en chef de Data News, jusqu’en 2003, l’année où Kurt Focquaert lui à succédé. Celui-ci a été remplacé à son tour en 2007 par Luc Blyaert qui restera en poste jusqu’en 2014.
Puis vint l’éclatement de la bulle Internet
Avant le changement de siècle, le thème majeur était évidemment le Y2K, vous savez ce bug qui devait paralyser le monde. Directement après, la rédaction s’intéresse à l’éclatement de la fameuse bulle Internet et la crise généralisée qui frappe le monde ICT. Une crise qui touche également l’éditeur de Data News – à l’époque le groupe VNU, éditeur de publications ICT dans plusieurs pays. VNU Business Media Europe est racheté par l’investisseur britannique i3 qui scinde le groupe en plusieurs ‘appartements’. En avril 2007, Data News est revendu à Roularta Media Group qui édite depuis lors Data News.
Evidemment, les éditions de 2006 à aujourd’hui seront plus fraîches en mémoire. C’était une période où l’actualité principale se retrouvait encore en première page. Plus loin, on retrouvait déjà une interview de CIO ainsi que des dossiers de fond sur la technologie et l’évolution technologique. Autant de thèmes qui constituent aujourd’hui encore le coeur même de Data News.
Les ‘newscovers’ ont été abandonnées en 2010.
En parallèle, le rythme de publication passe en bimensuel. Et à partir de 2015 en mensuel. Un changement justifié par la percée des canaux numériques tels que le site Web et la lettre d’information qui gagnent rapidement en popularité. Dans le même temps, nos événements gagnent chacun en popularité dans le petit monde de l’ICT.
Et l’avenir ?
Lorsque Data News fête son 30e anniversaire, il titre ” L’informatique est un éternel recommencement “. Dix ans plus tard, le constat est plus que jamais pertinent. Tout change, mais tout revient. Cela vaut également dans le secteur ICT, mais tout autant pour une revue professionnelle par et pour la communauté ICT. C’est pourquoi nous prévoyons dès l’an prochain une nouvelle cure de rajeunissement, l’ambition étant d’élargir notre groupe cible pour englober l’ensemble des décideurs ICT. L’actualité sera diffusée totalement en ligne, alors que le magazine papier sera davantage consacré à des thèmes de fond et à des analyses. Avec, évidemment, une nouvelle couverture…
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