Matthias Dobbelaere-Welvaert
Tous des James Bond
Vous ne vous en êtes peut-être pas encore rendu compte, parce que c’est souvent très discret. Mais vous avez du souci à vous faire.
Vous ne vous en êtes peut-être pas encore rendu compte, parce que c’est souvent très discret. Mais vous avez du souci à vous faire.
Les applications sur votre téléphone intelligent sont en train de prendre le pouvoir. Et elles en savent tellement, mon bon monsieur. Vous n’en êtes généralement pas conscient, quand vous vous promenez tranquillement à travers l’une de nos belles villes, prenez un verre en terrasse avec des amis ou encore quand vous êtes pris d’une hystérie collective répondant au nom de Diables Rouges. Vous êtes un brin naïf quand vous acceptez de faire savoir où vous vous trouvez exactement à un moment précis via Swarm, Foursquare, Facebook et Twitter. Mais cette candeur est un choix que vous posez délibérément. Le problème ne se pose que lorsque c’est l’application qui fait ce choix pour vous.
ViberMa copine est en Chine pour un mois, pour un concours international de mannequins. Nous gardons le contact via Viber, comme Facebook, Skype et de nombreux autres sont bloqués par les autorités chinoises tellement larges d’esprit. On peut regretter que Viber, dans les conversations, communique systématiquement l’endroit de votre personne de contact, même quand vous ne le demandez pas du tout. Et malgré tous les paramètres que j’ai analysés de près, aucun ne m’a donné la possibilité de désactiver cette localisation, dans une direction ou l’autre. Quelque chose à cacher?, vous entends-je dire sur un ton légèrement ironique. C’est l’argument bateau utilisé d’emblée lorsque les préoccupations en matière de vie privée sont mises en avant. Mais je vous pardonne.
Pas nécessairement exotiqueNul besoin d’utiliser l’exotique Viber pour être confronté à ce problème. La nouvelle application Messenger de Facebook, l’une des applications pourtant les plus installées au monde, connaît le même phénomène. Tout comme Skype, cette application à la popularité inédite permet de téléphoner de façon bon marché, voire gratuite. Sans oublier Whatsapp, et de nombreuses autres alternatives.
Outre le fait plutôt encourageant que l’on puisse désormais également passer des appels gratuits via Facebook, l’appli Messenger communique également par défaut votre localisation, avec une précision effrayante. Sans toutefois que cela soit clairement indiqué. Je reçois ainsi, lorsque j’appuie via l’application sur un message de texte de ma personne de contact, ses coordonnées de longitude et latitude précises. Un clic sur la petite carte qui s’affiche juste dessous me permet d’ouvrir l’application Google Maps, et de copier ces coordonnées respectives vers sa version de bureau. Via Streetview, je sais ensuite avec précision quelle est la couleur de votre maison et combien de fenêtres elle compte, si vous êtes au bureau à ce moment-là (ou en réunion, ce qui est probablement le mensonge le plus utilisé dans le monde professionnel), que vous traînez quelque part à Bruxelles-Nord quand vous ne devriez pas y être, et que l’hôtel dont vous vous vantez sur Facebook n’a pas vraiment autant d’étoiles que vous aimeriez le laisser croire.
Pourquoi? Eh oui. Pourquoi. Je me suis déjà arraché les cheveux pour essayer de comprendre. Les critiques me diront qu’il est possible de désactiver les parties liées à la localisation sur la majorité des applications. C’est très bien, si ce n’est que cela implique presque systématiquement un opt-out, alors qu’un opt-in formel (comme pour les applications de check-in comme Foursquare), semble nettement plus sexy.
Ce qui me ramène à Foursquare, l’entreprise qui a gagné voici cinq ans la guerre du check-in de Gowalla (vous vous en souvenez encore?). Foursquare a sorti assez récemment encore “Swarm”, une sorte de version améliorée de son ancienne application Foursquare. Mais cette dernière continue d’exister, ce qui a semé pas mal de confusion parmi ses utilisateurs, même parmi les twitter-whizzkids tellement tendance. Argument avancé: Foursquare continue d’exister pour “découvrir des expériences”, tandis que Swarm doit insuffler un nouveau souffle à la nouvelle fonction de check-in. Ce qu’elle fait d’ailleurs avec brio, malheureusement pas de la manière la plus favorable au respect de la vie privée.
Swarm dispose de l’option pour partager automatiquement votre localisation (mais pas pour autant l’endroit précis). Vous lisez bien. Vous n’avez rien à faire, il vous suffit de vous balader avec votre téléphone mobile intelligent. L’application indique d’elle-même à quelle proximité vous vous trouvez par rapport à vos “amis”. Agréable, non? Twitter souffre du même mal. Quand vous envoyez un tweet via votre téléphone mobile, voire votre ordinateur de bureau, ce tweet indique automatiquement votre localisation. Vous n’avez donc plus besoin de suivre une coûteuse formation pour devenir un voleur averti de grosses berlines allemandes.
ConclusionFaut-il se débarrasser de tous les smartphones pour se libérer? Même si l’autonomie de batterie des anciens Nokia a de quoi nous rendre nostalgiques, nul besoin d’en arriver à ces extrêmes. Mais ce que le présent article souhaite souligner, c’est qu’il vaut mieux s’en soucier. C’est même à conseiller. Car il n’est pas nécessaire que nous devenions tous des James Bond. Je n’ai pas besoin de savoir où vous vous trouvez. Je ne dois pas savoir où se balade ma copine en Chine, ni où se trouve mon collègue à Bruxelles. Je ne suis pas un détective privé, et vous non plus. Nous n’avons pas la formation, ni probablement la discipline morale qui sied à cette omniscience de nature quasiment divine.
Je préfère d’ailleurs ne rien savoir. Par conséquent, si vous tenez à me faire plaisir, merci de désactiver la fonction GPS de votre smartphone. Plongez-vous dans les paramètres de ces innombrables applications souvent superflues sur votre smartphone, et réparez ces réglages par trop exhibitionnistes partout où cela est nécessaire. Supprimez ces applications inutiles, qui ne font souvent rien d’autre que déplacer des données dans une direction dont vous n’avez rien à faire. Et soyez plus critique et, surtout, un peu moins naïf.
Non pas que le monde en deviendra subitement plus beau, mais mieux vaut laisser James Bond où il a sa place. Dans la fiction, et pas dans la réalité numérique sociale.
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